Économie

Le profil soumis en entreprise : Le «oui» trompeur !

«Oui-oui» est un personnage fictif renvoyant à un pantin de bois qui hoche la tête en guise de consentement. C’est le moins que l’on puisse dire pour qualifier une personne «soumise» qui a tendance à tout accepter. Un profil qui existe, bel et bien, en entreprise et donne l’impression qu’il est très apprécié par la hiérarchie. C’est un exécutant inconditionnel qui ne discute pas les directives. À première vue, ce profil paraît idéal puisqu’il ne dit jamais non, mais il ne faut surtout pas trop se fier aux apparences ! Voici ce qu’en pense Malgorzata Saadani, coach ICC, conférencière et médiatrice.

Les managers aiment les exécutants qui sont tranquilles et fidèles et qui ne posent pas trop de questions.Ph. Shutterstock

27 Janvier 2021 À 20:07

Conseil : Le profil soumis existe bel et bien dans les entreprises. Comment décrivez-vous ce type de collaborateur ?r>Malgorzata Saadani : Un collaborateur soumis est un exécutant inconditionnel qui ne discute pas les ordres et qui ne s’engage pas dans les débats contradictoires. En apparence, c’est une personne facile à fréquenter qui s’adapte à toutes les circonstances, souvent craintive face à la hiérarchie ou même les collègues à caractère fort. En un mot, c’est un «oui-oui».

Quelles sont ses forces et  faiblesses en milieu professionnel ?r>Ce profil apparaît à première vue comme étant un collaborateur idéal : il ne sera jamais une source de conflit, il ne discutera pas les décisions prises et fera ce qu’on lui demande de faire, même si personnellement il n’est pas d’accord. En revanche, il ne va pas non plus s’opposer à une démarche visiblement erronée, donc il lui sera difficile d’être un leader ou d’effectuer la fonction de contrôle ou de supervision. Et puis, il sera plutôt passif et sans initiative, à l’opposé du dynamisme et de la force de proposition qu’on demande habituellement en entreprise.

Étant soumis, ce profil peut-il penser évolution professionnelle ?r>Oui, certainement ! La pratique managériale prouve que beaucoup de chefs choisissent sciemment les collaborateurs soumis pour leur côté conciliant, et ensuite ils les «récompensent» pour cette loyauté, par les promotions en interne. C’est paradoxal, mais très humain quoique j’éviterais de généraliser parce que les décisions relatives à la diversité sont le plus souvent en accord avec la culture interne d’une entreprise ou d’une administration. Je ferais également la différence entre la recherche de compromis et la reddition chez un individu : la première est une compétence personnelle très précieuse qui caractérise les personnes capables de résoudre tout type de situation, la deuxième fait que la personne se retire de toute polémique avant même d’exposer ses arguments au risque de passer à côté des éléments importants.

Pensez-vous que ce profil puisse être réellement apprécié par les managers ?r>Les managers aiment les exécutants qui sont tranquilles et fidèles, et qui ne posent pas trop de questions. Cela facilite et accélère le travail tel que planifié par la hiérarchie. Aussi, au sein des structures plus importantes, les collaborateurs soumis peuvent constituer une vraie force d’appui pour déployer une stratégie personnelle, une forme de l’«électorat» interne pour un responsable à forte ambition.

Est-il facile de composer avec ce genre de personne ?r>Je dirais : en même temps facile et difficile. C’est un profil qui est, certes, silencieux et calme face à tout type de situation, mais qui n’en pense pas moins. Alors, il ne faut pas compter sur son franc-parler et la participation à la résolution des conflits puisqu’il préfère plutôt balayer les malentendus sous le tapis et ainsi empêcher toute possibilité de discussion de fond. Ainsi, les managers et les collaborateurs qui adhèrent aux valeurs communes telles que la franchise et la communication ouverte et directe peuvent trouver leur collègue «soumis» tout simplement hypocrite et donc en désaccord avec leurs principes, ce qui peut constituer une source de non-dits et de fortes tensions relationnelles.

Quels sont les risques que peut courir une entreprise employant un profil pareil ?r>Si c’est une personne (ou quelques-unes) dans des postes bien précis cela ne pose pas de problème particulier. Je le redis et j’insiste : la diversité est toujours une richesse et je suis profondément convaincue que chaque profil a sa place en entreprise et y apporte une valeur ajoutée spécifique. Tout l’art, c’est de recruter d’une manière consciente et avertie, et de confier aux gens les missions qui correspondent à leurs talents et à leurs personnalités. En revanche, si l’entreprise fait le choix d’engager les collaborateurs soumis tous pareils comme s’ils étaient sortis d’un moule parfait souhaité, elle peut se retrouver avec un groupe inerte de suiveurs silencieux. 

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