Société

Le Ramadan est de retour... dans un contexte de restrictions

Entre l’inquiétude de voir la circulation du variant britannique de la Covid-19 s’accélérer et la crainte de revivre un nouveau confinement strict, les Marocains s’apprêtent à accueillir le mois sacré du Ramadan en tentant de préserver leurs habitudes d’avant-pandémie. Ce sera donc le deuxième Ramadan que les musulmans du monde entier passent sous la menace du coronavirus. Mais bien que la situation financière de la majorité des ménages soit critique, les familles se précipitent pour faire leurs achats et se préparer à passer un bon Ramadan.

Photos Aissa Saouri

05 Avril 2021 À 21:19

Une offre abondante en produits de base

Selon les ministères et institutions concernés par l’approvisionnement du marché marocain en produits de base, l’offre est abondante et variée. De même, un suivi des prix est assuré pour éviter tout changement non justifié. Une réunion a été présidée par le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, en présence des ministres de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, de l’Industrie, du commerce et de l’économie verte et numérique et de l’Énergie, des mines et de l’environnement, ainsi que du ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur. Ont pris part également à cette réunion les walis des régions et les gouverneurs des préfectures et provinces du Royaume. À travers les données actualisées, il a été confirmé que l’état d’approvisionnement est caractérisé par une offre abondante et diversifiée qui répond aux besoins des citoyens en termes de produits de base, qu’ils soient locaux ou importés, en particulier ceux qui sont très prisés à l’occasion du mois du Ramadan, précise le communiqué publié à la suite de cette réunion. Quant aux prix, il est indiqué qu’ils sont en majorité stables et aux niveaux normaux, avec des variations relatives enregistrées dans les prix de certains produits par rapport à la même période l’an dernier, comme la baisse relative enregistrée dans les prix des légumes, des viandes rouges, des légumineuses et des fruits secs, et l’augmentation relative enregistrée dans les prix des huiles alimentaires, de la viande blanche et des œufs.r>En ce qui concerne les opérations de contrôle, M. Laftit a ordonné aux walis et gouverneurs de mobiliser les différents services et autorités compétentes, ainsi que les commissions régionales et locales et les organes de contrôle, tout en veillant à assurer la coordination et le renforcement de l’efficacité de leurs interventions afin de protéger le consommateur de toutes les pratiques pouvant affecter sa santé, sa sécurité et son pouvoir d’achat. Il a également appelé à dénoncer les violations et pratiques illégales conformément aux dispositions de la législation en vigueur à cet égard. 


Approvisionnement, halte aux rassemblements !

Du côté des autorités, la mise en garde est claire : «Compte tenu des risques et des répercussions de la pandémie qui subsistent encore, et afin de protéger la santé et la sécurité des citoyens, il est impératif pour l’ensemble des acteurs de poursuivre leurs efforts et veiller en toute fermeté au respect des mesures de distanciation préventive et sociale dans tous les espaces, les groupements commerciaux, les points de vente et magasins de services qui connaissent une très grande affluence, avant et pendant le mois du Ramadan.» Mais qu’en est-il en réalité ? Un simple tour dans les marchés, souks et grandes surfaces de grandes villes montre l’insouciance de certains citoyens et le non-respect des mesures sanitaires en vigueur.r>Dans les ruelles des quartiers populaires, les souks ou encore dans les grandes surfaces et les supermarchés, les Marocains s’approvisionnent en achetant tout ce qui est nécessaire pour la circonstance. Au quartier de Derb Omar, les marchands exposent en grandes quantités leurs marchandises très variées : des étalages offrant dattes, amandes, des noix, fruits secs, «chebakia», «sellou»... Même scénario à Souika qui constitue pour les Rbatis la destination idéale pour s’approvisionner avec un bon rapport qualité/prix.

Ce mois béni est connu également pour être la période où les femmes fournissent le plus d’effort en matière de cuisine pour servir des mets variés au f’tour. «Malgré la crise, et pour mieux m’organiser, j’ai fait mes courses sur plusieurs jours. J’ai commencé par acheter le nécessaire pour sfouf, puis les lentilles, pois chiches et riz, pour “lharira” et aussi des tomates, du persil et de la coriandre que je conserve au congélateur. Je viens aujourd’hui pour acheter la farine pour le “msemen” et le “méloui”. De cette façon, je suis tranquille pendant tout le mois», confie Hajja Zoubida qui circule en veillant à garder son masque et ses gants. «La situation financière est critique. J’ai décidé donc de réduire mes achats, mais je suis obligée de sortir plusieurs fois pour faire de petites courses. Cela me permet de comparer les prix», indique Rachid, père de famille, qui s’est rappelé de mettre son masque quand nous l’avons abordé en plein milieu d’une foule. De leurs côtés, les commerçants sont également peu regardants en matière de respect des mesures de prévention. Certains disent respecter la distanciation en tâchant de rester derrière leurs guichets, mais d’autres n’hésitent pas à s’approcher des gens pour les servir.r>À côté de ceux-là, d’autres ont fait le choix de s’approvisionner dans les grandes surfaces pour limiter les risques, alors que certains consommateurs ont fait le choix de commander leurs courses à distance via les applications déployées par les opérateurs. Le meilleur moyen certes pour minimiser les risques de contamination, mais qui est encore peu utilisé, que ce soit pour des raisons de coûts ou de difficultés à rompre avec les habitudes d’antan et surtout la bonne ambiance des courses de l’avant-Ramadan ! 


Confinera, confinera pas ?

L’incertitude est de mise, mais le ton est donné ! Dans son dernier exposé devant les membres du gouvernement, le ministre de la Santé a dressé un bilan inquiétant de la situation épidémiologique au Maroc. Elle est, selon le ministre, marquée par une recrudescence des cas, notamment dans la région de Casablanca-Settat qui représente, à elle seule, 50% des cas enregistrés actuellement au niveau national. Aussi, et à ce jour, le variant britannique du SARS-CoV2 (Covid-19) a été détecté dans sept régions du Royaume par le dispositif de veille génomique du SARS-CoV2 (Covid-19).r>Face à cette situation inquiétante, le chef du gouvernement avait indiqué qu’il poursuit ses concertations avec les membres de l’Exécutif ainsi que le Comité national scientifique et tous les secteurs concernés, pour prendre toutes les mesures nécessaires et adéquates durant le mois sacré du Ramadan afin de préserver la santé et la sécurité des citoyens, tout en prenant en considération la situation économique.r>Du côté des professionnels de santé, la prudence est de mise. «Nous connaissons tous l’ambiance de Ramadan chez-nous, il va falloir donc le maximum de vigilance, car le risque de contamination est très important», alerte Abdelhamid Naitlho, Professeur en médecine interne, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales et infectiologue à l’UM6SS, lors de son débat dans L’Info en Face. Il va même à proposer un confinement rigoureux lors de ce mois. «Je suis pour qu’on serve la ceinture pendant ce mois et renforcer les mesures de sécurité sanitaire si la recrudescence du nombre de cas est maintenue et si l’on observe des hausses des cas graves», ajoute-t-il. «À l’heure actuelle, nous n’avons pas suffisamment protégé la population en matière d’immunité collective, donc il est impossible de lever les restrictions, notamment pendant le Ramadan», explique, de son côté, Pr Jaafar Heikel, épidémiologiste, Professeur de Médecine préventive, spécialiste des maladies infectieuses. «Il faut faire très attention aux endroits où il y a beaucoup de flux et de rassemblement, mais tenter tout de même de laisser les gens souffler tout en maintenant les mesures barrières», précise l’invité de L’info en Face. n

 


Le «hand-made», de plus en plus prisé

Si l’on avait à retenir quelques bienfaits de cette pandémie, c’est bien l’engouement des familles au «fait-maison». En effet, de nombreux Marocains disent privilégier les repas faits-maisons et la cuisine est même devenue une des occupations favorites de millions de personnes restées chez elles pour faire face à une pandémie planétaire. Encouragés par la multitude de recettes et de tutos sur les réseaux sociaux et la toile, même les non-habitués ont pris goût à cuisiner et même à partager cette activité avec la famille et la communauté. «À défaut de pouvoir nous rassembler, nous partageons ces moments de cuisine avec la famille éloignée et même avec les internautes via les réseaux sociaux. C’est une nouvelle manière de communiquer», dit Samira, une novice en matière de préparation culinaire.r>Si cette passion pour le «hand-made» est bénéfique pour la santé et le porte-monnaie des ménages, cela permet également de réduire les sorties aux restaurants et aux espaces de fast-food ; ce qui contribue énormément à limiter les risques de propagation du virus par la contamination très favorables dans ces endroits.


Les indispensables du mois sacré

Les spécialistes recommandent de rompre le jeûne avec un verre d’eau bue à petites gorgées pour hydrater son corps et favoriser l’élimination des toxines. Il est également conseillé de consommer des aliments à digestion lente comme le blé, la semoule et le riz. Les aliments riches en fibres sont également préconisés. Il est préférable de manger des dattes, des fruits secs comme les amandes et les figues au lieu des gâteaux sucrés comme «chebakia» ou «sellou». En somme, il faut varier l’alimentation et surveiller aussi bien la qualité que la quantité.

La datte, star de Ramadan

La datte est un inconditionnel de la table du ftour des familles marocaines pendant le Ramadan. Ce fruit est très prisé pour ses qualités nutritives et sa consommation atteint un pic durant le mois sacré, occasionnant par là même une dynamique socioéconomique vertueuse avec des retombées bénéfiques sur la population. Consommée à la rupture du jeûne et lors du Shour, c’est une habitude très ancrée dans les traditions et qui s’explique par le fait que «le fruit du paradis» fournit suffisamment d’énergie pour résister à la faim en période ramadanesque. 

La Harira, un concentré d’énergie

L’incontournable «harira» marocaine est servie en guise de repas principal dans pratiquement toutes les tables du f’tour. Qu’elle soit bien garnie, allégée ou revisitée, la soupe made in Morocco est un indispensable auquel les Marocains tiennent tout particulièrement ! Certes riche et source d’énergie, c’est un met à consommer avec modération. 

Chebakia, le pêché mignon

Sucré et calorique, la chebakia est l’un des gâteaux marocains les plus prisés pendant ce mois de Ramadan. Il existe aujourd’hui beaucoup de recettes dites «allégées» pour préparer ce gâteau, mais il est toujours préférable de le consommer avec beaucoup de modération. 


Témoignages

Khalid, fonctionnaire

«J’ai essayé de faire mes courses depuis plusieurs jours pour éviter les bousculades au niveau des magasins. Je tâche de garder mon masque et de mettre des gants et j’évite de toucher mon visage quand je suis en plein courses. Je prie Dieu pour qu’on puisse se débarrasser de ce virus et qu’on retrouve notre vie d’avant».

Jalila, mère au foyer

« J’ai l’habitude d’aller au marché pour acheter tout ce dont j’ai besoin pour le Ramadan. Mes enfants attendent les chhiwates Ramadan avec impatience, donc je ne peux pas me passer de certains produits que j’utilise pour mes préparations.  Les gens doivent continuer à vivre tout en respectant les mesures barrières et éviter de se rassembler dans un même endroit. Allh yahfadna».

 Soufiane, vendeur

«Dieu merci, cette dynamique du mois sacré nous a permis un peu de sortir la tête de l’eau. Nous souffrons financièrement et nous luttons chaque jour pour s’en sortir. J’appelle les gens à respecter les mesures sanitaires pour éviter un nouveau confinement qui sera catastrophique pour nous».

 Aziza, employée

«La situation financière n’est plus comme avant, ce qui m’oblige à faire des courses de manière plus raisonnée. Je ferai moins de dépenses pour ce Ramadan. Pour mes achats, je les ai préparés à tête reposée et je suis allée au supermarché pour m’approvisionner en toute sécurité».

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