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Après les stigmates de la guerre, l’archevêque de Mossoul attend des «mots forts» du pape

Églises à terre, ruelles envahies par les déchets et stigmates de la guerre : dans les débris de Mossoul, Karamlech et Qaraqoch, où les jihadistes ont voulu effacer toute présence chrétienne, l’archevêque Najeeb Michaeel veut quand même accueillir le pape François «dans la joie» début mars.

22 Février 2021 À 19:37

Les trois années d’occupation du groupe État islamique (EI) en Irak ont laissé des vestiges : une croix brisée sur la flèche d’une église, un calice ou une icône abîmés exposés dans une vitrine... Autant de preuves gardées en l’état pour «dépasser le passé», en «pardonnant mais sans oublier», affirme à l’AFP l’archevêque chaldéen catholique de Mossoul et Aqra, Najeeb Michaeel. Lui-même a sauvé des manuscrits anciens des griffes de l’EI dans ce qui fut leur fief en Irak, dans le nord du pays, en les emmenant au Kurdistan, de nuit, sur des pistes accidentées. Depuis qu’on lui a annoncé la première visite d’un souverain pontife en Irak, l’emploi du temps de ce dignitaire au sourire jovial s’est alourdi, raconte-t-il depuis son évêché à Karamlech. Des prêtres s’activent à traduire des messes en italien, en latin, en arabe et en araméen, car le pape prononcera en Irak sa première messe de rite oriental, avec des rituels, des chants et une langue liturgique différents. Pour l’archevêque Michaeel, la tâche est encore plus sensible, car aucune personnalité gouvernementale étrangère ne s’est rendue à Mossoul depuis plus de cinq ans. «On a une pression énorme : le Saint père n’est pas une personnalité normale, c’est le représentant d’un État et des catholiques du monde», dit le prélat de 65 ans, chape noire à liseré rouge et calotte violette. À Mossoul, qui compte «14 églises détruites, dont sept remontant aux Ve, VIe et VIIe siècles,», il n’y a ni cathédrale ni même stade pour accueillir une messe papale, explique l’archevêque dans le Vieux Mossoul où il est né, détruit par la guerre contre les jihadistes en 2017. Là, la cathédrale Miskinta, «martyre» des premiers siècles, où il allait en famille enfant, est emplie de gravas, ici, l’église Saint Simeon de sacs de sable et de déchets... La tournée de trois jours du pape «est très importante pour tous les Irakiens», dit-il. «Ce pays est une mosaïque aux mille couleurs, qui ne tient que si tous ses éléments sont rassemblés, on ne peut pas les séparer comme c’est le cas aujourd’hui.» Le pape pourrait retisser ces liens, particulièrement dans le Nord où vivent des dizaines de communautés, avec «des mots forts» qui témoigneront de «sa bénédiction» et de «son soutien moral» à un pays où différends confessionnels et ethniques sont toujours latents, même si «les mentalités changent», assure l’archevêque. Cet aspect œcuménique est au cœur du voyage papal avec une étape à Ur, ville du Sud irakien où est né le patriarche Abraham, dont tous les monothéismes se réclament. 

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