23 Juin 2021 À 20:29
Après des années de recherche, c’est la première fois cette année que Selt Marine, une entreprise de texturants alimentaires, récolte des algues rouges à l’échelle industrielle. «On récupère 10% de la biomasse naturelle, on la cultive dans la lagune puis on attend que la nature fasse son œuvre, et après 45 jours, on récolte : c’est du bouturage», explique Mounir Bouklout, un Français d’origine tunisienne, expert des algues et entrepreneur à l’origine du projet. Pour un kilo d’algues mis en culture, dix kilos de la plante aquatique sont récoltés un mois et demi plus tard, indique-t-il à l’AFP. Les algues sont ensuite séchées au soleil sur de grandes tables puis transportées à l’usine où elles deviendront des texturants, des gélifiants ou des épaississants alimentaires comme de l’agar-agar ou des carraghénanes. Ce type de produits supplantent peu à peu la gélatine d’origine animale, moins populaire dans l’industrie alimentaire en raison de scandales sanitaires et du nombre grandissant de végétariens. Les algues rouges commencent aussi à se faire une place dans les secteurs cosmétique et pharmaceutique. Si elles sont essentiellement cultivées en Asie, premier producteur, consommateur et exportateur d’algues marines dans le monde, les algues rouges bénéficient d’un climat idéal en Tunisie, et leur présence favorise le développement de tout un écosystème avec la présence de crevettes, de petits poissons, d’huitres ou de moules.
Les algues se développent en outre, par la photosynthèse, à partir d’éléments comme l’azote et le phosphore, une façon de «dépolluer naturellement la lagune», explique M. Bouklout. Depuis 25 ans, son entreprise transforme à Ben Arous, dans la banlieue de Tunis, des algues qui étaient jusque-là importées d’Asie. Pour sa première récolte, M. Bouklout espère obtenir 500 tonnes d’algues humides, et il compte porter dès l’année prochaine la surface cultivée à 40 hectares pour une récolte de 3.500 tonnes, avant de passer à 80 hectares d’ici deux ans. «La Tunisie est pionnière» en Méditerranée, indique à l’AFP Houssam Hamza, spécialiste de l’aquaculture pour la Méditerranée à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Qu’elles soient cultivées localement ou importées, les algues sont lavées puis cuites à 90 degrés pour obtenir un liquide gélifiant qui est ensuite pressé, séché et broyé en une fine poudre blanche. Mélangée avec d’autres ingrédients, elle servira d’additifs dans des produits laitiers, la charcuterie, la confiserie ou la pâtisserie industrielle, pour des entreprises locales, mais aussi européennes, turques ou chinoises. Une myriade d’autres utilisations sont en cours d’étude.