28 Février 2022 À 18:34
Le ministère du Transport et de la logistique et les représentants des professionnels du transport routier de marchandises se sont mis d'accord sur cinq sujets prioritaires qui seront traités dans le cadre de commissions paritaires techniques dès cette semaine, d'après les propos du ministre Mohamed Abdeljalil. Cette annonce, datant de vendredi dernier, a été faite à l'issue d'une réunion avec les représentants syndicaux des professionnels qui avaient décidé, trois jours plus tôt, de mener une grève nationale de trois jours. M. Abdeljalil parle donc de cinq dossiers prioritaires (www.lematin.ma), mais celui sur lequel les professionnels appellent à une action urgente de l'Exécutif est bien la hausse des prix des carburants. L'annonce du ministre est donc bien en décalage avec la réalité pressante de la flambée des prix à la pompe, aux yeux de certains professionnels, car d'une part, elle noie cette question urgente au sein de quatre autres qui peuvent attendre et, d'autre part, en parlant d'indexer les tarifs du transport routier de marchandises sur ceux des carburants, le ministre prend à revers l'annonce faite par le ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, porte-parole du gouvernement, le même jour à l'issue du premier round du dialogue social.
Ce dernier avait en effet affirmé que le gouvernement comptait prendre, dans les prochains jours, «des initiatives effectives et pratiques pour préserver le pouvoir d'achat du citoyen moyennant des subventions directes à plusieurs secteurs sociaux productifs et aux produits de consommation». Or l'indexation des tarifs de fret routier sur les prix des carburants ne paraît pas du tout une réponse adaptée à la conjoncture actuelle, puisque c'est le citoyen qui en paiera la note finale. Voilà pourquoi des voix s'élèvent pour exhorter le Chef du gouvernement à intervenir, ou bien encore pour négocier directement avec lui. Car et à entendre les professionnels du secteur, la solution urgente ne peut consister qu'à plafonner les prix des carburants, à réduire, voire supprimer, la composante taxe dans ces prix ainsi qu’à réduire la marge bénéficiaire des distributeurs, ou à accorder des subventions directes aux gros rouleurs.
Ceci nous a été confirmé par Aziz Daoudi, secrétaire général de l'Union syndicale du transport routier, affiliée à l'Union marocaine du travail (UMT, un des syndicats ayant appelé à la grève). «Il est temps que le gouvernement intervienne et assume une position claire visant à plafonner les prix des carburants», dit-il dans une déclaration au «Matin». «C'est ce qu'il faut faire dans l'immédiat si l'on veut préserver le pouvoir d'achat du citoyen», affirme M. Daoudi, précisant que cette demande ne date pas d'aujourd'hui, mais remonte bien au jour où la libéralisation des prix des carburants a été décidée. «Compte tenu du pouvoir d'achat des citoyens, il était nécessaire de retenir, parallèlement à cette libéralisation des prix, un seuil de référence au-delà duquel le gouvernement doit intervenir pour réguler les prix et agir également sur les marges bénéficiaires des distributeurs», nous explique le syndicaliste. «Le pouvoir d'achat des Marocains est tel que chacun sait et donc on ne peut pas se permettre de laisser les prix des carburants s'envoler sans intervenir, surtout comme nous le vivons aujourd'hui avec cette guerre en Ukraine», explique-t-il encore.
M. Daoudi insiste également sur la nécessité d'introduire une taxe variable qui associe la taxe intérieure de consommation (TIC) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et qui interagira avec le prix du baril de pétrole en sens inverse : quand celui-ci augmente, la taxe décroît et vice versa. Il appelle également à la remise en service de la raffinerie la Samir pour assurer la sécurité énergétique du Royaume. Le raffinage du pétrole permettrait de réduire le coût du gasoil de deux dirhams, affirme-t-il en se référant aux avis des spécialistes. Le gasoil professionnel sera également inscrit à l'ordre du jour de la réunion que les syndicats auront ce mardi 1er mars avec le ministère du Transport, nous indique M. Daoudi, précisant que pour ce dispositif, il faut compter un certain temps avant son introduction.
Le gasoil, 60% du coût des transporteurs
De son côté, le secrétaire général de l’Organisation démocratique des transports et de la logistique multimodale (ODTL), Mustapha Chaoune, a déclaré au «Matin» que son syndicat n'a pas appelé à la grève, car il est soucieux de son coût social, surtout dans le contexte actuel, mais n'envisage pas pour autant de ne pas débrayer si le gouvernement ne fait rien. «Il faut absolument que le gouvernement intervienne pour plafonner les prix applicables aux professionnels, ou pour désigner un ou deux distributeurs auprès desquels les transporteurs routiers pourront faire leur plein à un tarif référentiel», souligne M. Chaoune, faisant observer que le coût du gasoil, qui représentait 40 à 45% des dépenses totales des transporteurs, est aujourd'hui passé à 60%. «Je vous donne un petit exemple : pour acheminer un chargement de 19 tonnes de tomates d'Agadir à Casablanca, un transporteur routier doit débourser aujourd’hui entre 4.500 et 5.000 dirhams de gasoil pour un seul voyage, alors qu'auparavant il en payait 3.000 à 3.200 dirhams», nous explique le syndicaliste, soulignant que la situation est vraiment insoutenable pour les TPME qui opèrent dans ce secteur.
Et d'ajouter, «les tarifs du secteur du transport routier ne sont pas réglementés, ce qui laisse la place aux spéculations des uns et des autres. Spéculations qui ont pour principale victime le citoyen. Celui-ci, et même s'il trouve les produits en quantité abondante sur le marché, n'est cependant pas en mesure de les acheter en raison de leur prix élevé». «L'ODTL est un syndicat citoyen, et nous-mêmes sommes des citoyens et donc touchés par cette augmentation des prix. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement de réagir et d'intervenir pour réguler les prix», dit M. Chaoune. «Nous saluons la bonne disposition du département de tutelle à entreprendre le dialogue social sectoriel sur un certain nombre de questions, mais il est impératif et urgent de passer à l'action immédiatement en ce qui concerne le prix du gasoil, en attendant l'introduction du gasoil professionnel qui reste la solution la plus adaptée pour les transporteurs routiers», conclut-il.