LE MATIN
14 Octobre 2025
À 17:35
«Je proposerai au Parlement, dès cet automne, que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle», a déclaré le Premier ministre, mettant un terme à plusieurs semaines de suspense.
«Aucun relèvement de l’âge n’interviendra d’ici janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT (Confédération française démocratique du travail). En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera fixée à 170 trimestres jusqu’à cette date», a-t-il précisé.
Dans une déclaration de politique générale sobre d’une demi-heure, M. Lecornu a, également, confirmé l’abandon du recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet l’adoption d’un texte sans vote. «C’est la garantie, pour l’Assemblée nationale, que le débat – notamment budgétaire, mais pas seulement – vivra, ira jusqu’au bout, jusqu’au vote», a-t-il ajouté.
L’exécutif peut ainsi espérer souffler après une nouvelle crise ouverte la semaine dernière par un gouvernement Lecornu I, fragilisé d’emblée par la contestation du président des Républicains (LR), Bruno Retailleau.
Avant cette déclaration à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron avait mis la pression sur les oppositions lors du Conseil des ministres, qualifiant les motions de censure à venir de «motions de dissolution». La France insoumise et le Rassemblement national ont déjà déposé la leur, pour un débat prévu jeudi matin.
Le PS, qui demandait «la suspension immédiate et complète» de la réforme des retraites de 2023, la confirmation de l’abandon du 49.3 et un relâchement de la trajectoire budgétaire, menaçait de déposer sa propre motion de censure dès mardi soir en cas de réponse négative ou évasive du gouvernement.
«Anomalies» fiscales
Renommé vendredi par le Président Macron, l’ancien ministre des Armées a «carte blanche», avait expliqué l’Élysée, pour dénouer la crise politique et parlementaire.
Mardi matin, M. Lecornu s’était de nouveau rendu à l’Élysée pour consulter Emmanuel Macron avant d’assister au premier Conseil des ministres de son gouvernement, qui a adopté les projets de Budget de l’État et de la Sécurité sociale, afin qu’ils soient transmis dans les délais au Parlement.
Le projet de Budget de l’État, qui devrait être largement modifié par les parlementaires, prévoit un effort d’une trentaine de milliards d’euros et repose sur des hypothèses de croissance «optimistes» pour 2026, selon le Haut Conseil des finances publiques.
Le déficit devra, «dans tous les cas de figure, être inférieur à 5% à la fin de la discussion» parlementaire, a précisé M. Lecornu, après avoir présenté un projet de Budget affichant un déficit de 4,7%.
Le Premier ministre a par ailleurs reconnu «des anomalies» dans la fiscalité des très grandes fortunes, souhaitant «une contribution exceptionnelle» des plus riches dans le prochain Budget.
M. Lecornu a, également, annoncé la tenue d’une conférence sur les retraites et le travail avec les partenaires sociaux. Il a aussi promis un nouvel «acte de décentralisation», par un projet de loi déposé en décembre.
«Plus d’argent»
Le camp présidentiel était divisé sur la question des retraites : si certains refusaient de détricoter un marqueur emblématique du second quinquennat d’Emmanuel Macron, d’autres espéraient une telle initiative pour sortir de la crise politique. La chute du gouvernement «coûterait plus d’argent à la France» qu’une «suspension de quelques mois» de la réforme des retraites, avait fait valoir, dans la matinée, l’entourage du garde des Sceaux, Gérald Darmanin, proche de M. Lecornu.
Les Républicains, au bord de l’explosion après la volte-face sur leur participation à l’exécutif, étaient eux aussi divisés sur la suspension.
Le vice-président du parti, François-Xavier Bellamy, a jugé que ce serait d’«une irresponsabilité absolue», tout en précisant ne pas être favorable à une motion de censure, pour «ne pas aggraver le chaos».
Le patron des députés LR, Laurent Wauquiez, a donné la consigne de ne pas censurer le gouvernement à son groupe, dont une large majorité était favorable à une participation à l’exécutif, contre l’avis du parti.
Le projet de Budget est «terriblement mauvais», a affirmé Marine Le Pen, qui entend de toute manière censurer le gouvernement et estime «qu’il manque une poignée de voix» pour y parvenir. Le RN a déjà commencé à accuser le PS de «magouilles» avec l’exécutif pour éviter de renverser le gouvernement. Une «panne budgétaire» et une crise «réjouiraient» les ennemis de la France, a mis en garde M. Lecornu.