Très peu de
Marocains connaissent l’
Azerbaïdjan, cet État du
Caucase du Sud, voisin de la Turquie et de la Russie. Pourtant, ce pays qui a fait l’actualité internationale en septembre 2023 en raison de son conflit avec l’Arménie, mérite que l’on s’y intéresse de plus près. Son histoire riche, sa civilisation fascinante fruit de multiples affluents culturels, son ouverture et ses ambitions sont autant d’atouts qui le prédestinent à un avenir prometteur. Et son gouvernement semble bien déterminé à mettre à profit ces potentialités pour gagner la bataille d’une économie forte et diversifiée, d’autant que le chapitre de la guerre dans le
Karabakh est définitivement clos.
Vers une suppression des visas et une liaison aérienne directe Casablanca-Bakou
Pays turcophone, avec le russe comme deuxième langue, l’Azerbaïdjan est à près de 7 h 30 de vol depuis Casablanca, avec escale à Istanbul. Compte tenu des excellentes relations entre
Rabat et Bakou (sa capitale) et des belles perspectives qu’elles offrent, un projet de liaison aérienne directe entre les deux pays est à l’étude afin de réduire le temps de vol et permettre ainsi une expérience de voyage plus agréable. Mieux encore, les
touristes et hommes d’affaires seront bientôt exemptés de l’obligation de visa (autre projet presque finalisé).
Avec ses 10 millions d’âmes, des
musulmans chiites en majorité, l’Azerbaïdjan n’en demeure pas moins un pays laïc. Et les multiples influences religieuses culturelles et civilisationnelles qu’il a subies tout au long son histoire (zoroastrisme, hindouisme, islam, christianisme...) ont forgé son identité de pays tolérant et ouvert. Le nombre de touristes indiens que l’on peut rencontrer au temple Atechgah (temple du feu), à 30 km de la capitale, prouve que le vivre ensemble n’est pas un vain mot en Azerbaïdjan. De même, il n’est pas rare de croiser dans les zones touristiques de Bakou des visiteurs russes aux côtés des ressortissants d’autres pays, notamment du Moyen-Orient.
De nombreux atouts touristiques pour l’Azerbaïdjan
L’Azerbaïdjan a accueilli un peu plus de 3 millions de visiteurs en 2019. Et le secteur du tourisme, qui a été frappé de plein fouet par la pandémie de Covid-19, est en train de reprendre du poil de la bête puisque près de 2 millions de visiteurs ont mis le cap sur ce pays au charme millénaire en 2023. Pourtant, ces performances restent en deçà des potentialités et des ambitions de l’Azerbaïdjan, longtemps resté ouvert uniquement sur son environnement immédiat après la
période soviétique. Ce n’est que récemment, vers 2014-2016, qu’il a commencé à investir massivement dans le tourisme et d’autres secteurs de l’économie. Et les premiers fruits de cette dynamique commencent déjà à se faire jour.
Bakou rivalise avec les grandes capitales européennes. Avec son infrastructure moderne, ses services de transport de qualité, son architecture alliant harmonieusement modernité et authenticité, elle offre l’image d’une cité en plein essor, aux ambitions débridées. Le contraste est saisissant avec sa vieille ville
Icerisheher, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco, et qui demeure témoin d’un passé riche et d’une culture sans pareil... Autant d’atouts qui font le charme de la capitale qui offre un réel sentiment de sécurité à ses touristes, lesquels n’hésitent pas à découvrir la vie nocturne de la ville et à savourer sa gastronomie exquise sur les terrasses des restaurants, malgré le vent et les basses températures en hiver. Il n’est pas étonnant que Bakou soit le théâtre d’événements majeurs comme le Grand Prix de Formule 1 qu’elle accueille depuis 2016, sans oublier d’autres manifestations continentales comme l’Eurovision en 2012 et la finale de l’Europa League en 2019. Cette année, elle accueille la grand-messe mondiale du climat, la COP 29.
Reconstruction de la région du Karabakh après le conflit armé avec l’Arménie
En dehors de la capitale, l’Azerbaïdjan dispose d’autres atouts touristiques, comme la réserve naturelle du Gobustan, les massifs montagneux du
Grand Caucase, idéals pour les sports d’hiver, et la façade maritime avec son climat méditerranéen clément. Sans oublier les nombreuses destinations à fort potentiel, comme la ville de Sheki que le gouvernement compte valoriser davantage pour contribuer à l’effort nationale de promotion de l’économie. À cet égard, une attention particulière est accordée au Karabakh dans le Caucase du Sud, à la frontière sud-ouest entre l’Arménie et l’Iran. Cette région entièrement récupérée en septembre 2023 par l’Azerbaïdjan après des décennies de conflit armé avec l’Arménie et «Artsakh», entité non reconnue par la Communauté internationale, est appelée à connaître un nouveau destin.
Dans cette région, des villes entières ont été rasées et les stigmates de la guerre sont toujours visibles. Des zones non négligeables restent infestées de mines antipersonnel. Des centaines de milliers de personnes ont été déplacées vers les autres régions du pays, sans parler des victimes entre morts et blessés. Et c’est pour fermer définitivement ce chapitre douloureux et permettre au Karabakh de rattraper le train de développement en marche que le gouvernement a lancé un vaste programme de reconstruction avec des incitations fiscales et des aides dans l’objectif de rapatrier les populations dans leurs villes d’origine.
Les projets de reconstruction battent leur plein. À Aghdam mais aussi à Shusha, capitale culturelle du pays avec ses mosquées et églises en cours de restauration, la vie reprend ses droits à vue d’œil. Deux hôtels, dont un 5 étoiles, ont été récemment inaugurés et les immeubles flambant neufs ou en cours c’achèvement sont visibles partout. Cette petite ville a été choisie par l’ICESCO comme capitale de la culture dans le monde islamique pour l’année 2024, après Marrakech.
Cap sur la diversification de l’économie et l’élargissement de la classe moyenne
Même si l’accord de paix avec l’Arménie n’est pas encore signé, l’Azerbaidjan, dont le président Ilham Aliyev a été réélu le 7 février dernier, semble avoir définitivement tourné la page du conflit et inscrit la prochaine étape sous le signe du développement économique et social.
Pays pétrolier et gazier avec 3 oléoducs permettant d’exporter sa production vers la Russie et l’Europe, l’Azerbaïdjan a connu une forte croissance ces 20 dernières années, avec un PIB de 72 milliards de dollars en 2023, soit 7.150 dollars par habitant, presque le double de celui du Maroc. Cette manne pétrolière a permis de lancer de grands investissements (323 milliards de dollars sur les 20 dernières années, dont 163 milliards d’investissements étrangers), de créer des emplois (un taux de chômage qui tourne autour de 4,5-5%), de réduire la pauvreté et de faire émerger une classe moyenne.
Mais l’
économie du pays demeure fortement dépendante du secteur énergétique : 40% du PIB, la moitié du budget de l’État, et près de 90% des exportations. La croissance économique en accuse le coup pendant les épisodes de chute des cours pétroliers. D’où la volonté de diversifier l’économie, «en suivant l’exemple de pays comme le Maroc», selon le directeur d’Azpromo, l’agence de promotion des exportations et des investissements de l’Azerbaïdjan.
Dans cette optique, outre le tourisme, le pays mise sur les énergies renouvelables avec l’ambition d’atteindre 30% du mix énergétique à l’horizon 2030. Des partenariats avec l’émirati Masdar et le saoudien Acwa Power sont mis à contribution dans ce sens. Le pays table aussi sur le BTP et les
Smart Cities, notamment pour la reconstruction des zones libérées après la guerre, l’agriculture ainsi que les industries de transformation pour se doter d’une économie diversifiée. À travers ces projets, l’Azerbaidjan voit grand. Il ambitionne ainsi de doubler son PIB à l’horizon 2030, notamment en attirant des investissements étrangers et en s’ouvrant davantage sur le commerce international, en dehors des partenaires traditionnels que sont la Turquie et la Russie.
D’ailleurs, Rabat et Bakou ont tenu en novembre 2023 un forum d’affaires pour explorer les opportunités de collaboration économique. Les intérêts de part et d’autre sont clairement affichés, malgré l’éloignement géographique, l’absence d’une connectivité maritime et d’autres freins. Mais le pays, qui n’est pas encore membre de l’Organisation mondiale du commerce, recèle des avantages comme une parité stable avec le dollar, la garantie pour les investisseurs étrangers de rapatrier leurs bénéfices et capitaux, un pouvoir d’achat grandissant de la population et des avantages fiscaux dans certains secteurs et régions du pays.