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Clôture des MEDays 2025 : le triple message de Tanger

La cérémonie de clôture de la 17e édition du Forum MEDays, Samedi soir à Tanger, a pris des allures de plébiscite diplomatique pour le Royaume. Après quatre jours de débats intenses réunissant 8.500 participants de plus de 100 pays, neuf dirigeants et responsables gouvernementaux se sont succédé à la tribune pour saluer l'adoption de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, consacrant le plan d'autonomie marocain comme seule solution au différend du Sahara. Au-delà de cet hommage unanime, les intervenants ont convergé vers un message commun : le Sud global ne demande pas la charité, mais exige une place équitable dans la gouvernance mondiale. Entre affirmation de souveraineté et critique frontale du système financier international, cette clôture a sonné comme un manifeste pour un nouvel ordre multilatéral.

Ph. Rhoni

30 Novembre 2025 À 15:27

La salle du Palais des Arts de Tanger a vibré des applaudissements nourris lorsque Brahim Fassi Fihri, président de l'Institut Amadeus, a pris la parole en dernier pour clore quatre jours de «marathon intellectuel» dans le cadre du «sommet Medays». Devant une assistance où se mêlaient Chefs d'État, ministres, experts et de nombreux étudiants marocains et africains, le président-fondateur du Forum a résumé l'esprit de cette édition historique : «Quatre jours où le Sud global regarde le Nord droit dans les yeux, sans complexe, sans compromission, avec la confiance de peuples et de nations qui croient en leur destin». Cette confiance affichée, tous les orateurs intervenant samedi lors de la cérémonie de clôture l'ont exprimée, chacun à sa manière, en saluant d'abord et avant tout la consécration diplomatique du Royaume sur la question du Sahara.

Un plébiscite diplomatique pour la résolution 2797

Azali Assoumani, Président de l'Union des Comores, a donné le ton dès l'ouverture de la cérémonie. «Je tiens à adresser mes chaleureuses félicitations à Sa Majesté le Roi, au gouvernement et au peuple marocain pour l'adoption le 31 octobre dernier par le Conseil de sécurité de la résolution 2797, reconnaissant le plan d'autonomie présenté par le Royaume du Maroc comme la base la plus sérieuse, crédible et réaliste pour parvenir à une solution politique juste et acceptable au différend autour du Sahara», a-t-il déclaré sous les applaudissements. Le Président comorien a qualifié cette avancée de «manifestation éclatante de la diplomatie visionnaire et de l'influence croissante du Maroc», invitant «chacune des délégations à sortir des postures, à dépasser la logique de blocs et à croire au pouvoir de la coopération internationale».
Gaston Browne, Premier ministre d'Antigua-et-Barbuda, a renchéri en saluant «le franchissement d'une étape historique avec l'adoption de la résolution 2797 des Nations unies, consacrant l'exclusivité de l'initiative d'autonomie marocaine». Pour le Chef du gouvernement caribéen, ce succès diplomatique «donne à ce moment une signification exceptionnelle, célébrant à la fois une réussite communautaire et une victoire diplomatique décisive qui reflète un consensus international croissant en faveur de l'intégrité territoriale du Maroc».



Sylvanie Burton, Présidente du Commonwealth de la Dominique, a été plus explicite encore : «Le Commonwealth de la Dominique réitère son soutien inébranlable et constant à la souveraineté et à l'intégrité territoriale du Royaume du Maroc, incluant le Sahara marocain. Nous saluons l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité qui renforce définitivement l'initiative d'autonomie marocaine comme base crédible, pragmatique et durable pour résoudre cette question.»

Cette accumulation de soutiens a trouvé son point d'orgue dans l'intervention de Bakary Yaou Sangaré, ministre nigérien des Affaires étrangères, qui a salué «l'adoption de la résolution 2797 qui constate que l'autonomie proposée par le Maroc constitue une base solide et viable pour le règlement du problème politique», invitant «les parties prenantes à joindre leurs efforts à ceux du Secrétaire général des Nations unies pour la mise en œuvre rapide de cette résolution».

Ilza Maria dos Santos Amado Vaz, ministre d'État aux Affaires étrangères de Sao Tomé-et-Principe, a pour sa part insisté sur la dimension géopolitique de la reconnaissance internationale croissante de la marocanité du Sahara. «Nous saluons la résolution 2797 qui constitue un tournant historique pour la région. L'affirmation de la souveraineté territoriale et de l'autonomie économique et financière représente une transformation porteuse d'espoir pour un développement durable et juste», a-t-elle déclaré. La ministre santoméenne a également souligné l'importance des «petits États insulaires en développement» dans la reconfiguration des équilibres internationaux, appelant à «des partenariats équilibrés avec les États et les organisations internationales, fondés sur les principes de réciprocité et de respect mutuel».

L'AES, réponse africaine à la domination extérieure

L'intervention du ministre nigérien a toutefois dépassé le seul cadre du soutien diplomatique au Maroc pour dresser un réquisitoire sans concession contre les «ingérences extérieures» et affirmer la légitimité de l'Alliance des États du Sahel (AES). «Dans un contexte où les institutions internationales censées incarner la régulation mondiale, le droit international et le multilatéralisme se montrent défaillantes, où l'imposition de mesures coercitives unilatérales, l'utilisation de sanctions et le recours au terrorisme comme moyens de domination et de déstabilisation se multiplient, les républiques du Sud, notamment celles du Sahel, ont fait le choix de s'unir pour défendre leur souveraineté», a martelé Bakary Yaou Sangaré.

Le ministre a vivement réagi aux propos tenus lors d'un panel antérieur par un intervenant qui aurait qualifié l'AES de «simple déclaration». «Je conseille à ce monsieur : quand on ne sait pas, on se tait», a-t-il lancé avec une rare virulence, avant d'énumérer les réalisations concrètes de la Confédération créée le 6 juillet 2024 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. «Nous avons aujourd'hui mis sur pied une force unifiée de 5.000 hommes dont l'état-major se trouve au Niger. Ces 5.000 hommes sont déjà opérationnels. Aucun pays au monde ne nous a soutenus pour mettre en place cette force. Il s'agit d'une solution africaine à un problème africain», a-t-il affirmé avec fierté.

Le chef de la diplomatie nigérienne a également annoncé le lancement, le 12 décembre prochain, de la «Banque d'investissement de l'AES, créée sous forme de holding et dédiée au financement de projets structurants». Une semaine plus tôt, une «radio AES» a été lancée «pour contrecarrer la propagande et donner notre propre narratif». M. Sangaré a conclu en saluant «l'exemple de la coopération Sud-Sud du Royaume du Maroc», soulignant que «le Maroc n'a pas hésité à exprimer sa solidarité aux pays de l'AES», notamment à travers «l'Initiative Royale pour l'Atlantique qui offre aux pays de la Confédération un accès à l'océan».

La charge de Ryad Mezzour contre le système financier mondial

Si l'intervention du ministre nigérien a marqué les esprits par sa vigueur, celle de Ryad Mezzour, ministre marocain de l'Industrie et du commerce, a frappé par sa charge frontale contre l'ordre financier international. Racontant une anecdote personnelle survenue «il y a deux semaines» lors d'une visite à «un collègue d'un pays membre permanent du Conseil de sécurité», M. Mezzour a rapporté : «Il m'a dit : "En tant que superpuissance, nous sommes très désireux de soutenir la paix en Afrique et de faire tout ce qu'il faut pour vous aider à avoir un meilleur avenir si vous faites ceci et cela.” Ma réponse a été : "En tant que pays africain, nous sommes également très désireux de soutenir la paix dans l'hémisphère Nord et de faire tout ce qu'il faut pour vous aider à vivre dans un environnement pacifique, car vous avez aussi des guerres, autant que je sache.” Il était très surpris.» Cette anecdote a servi de préambule à un message percutant : «Votre valeur est ce que vous pensez de vous-même en premier. La position dans laquelle vous vous placez ou que vous acceptez d'occuper est celle où vous êtes. Vous n'êtes pas moins responsables, moins intelligents, vous n'avez pas moins de compétences stratégiques que n'importe quel autre leader dans le monde».

Le ministre a ensuite déroulé une démonstration accablante sur les distorsions du système de valorisation financière. «J'ai demandé à l'intelligence artificielle la capitalisation boursière de toutes les entreprises africaines cotées : 1.200 milliards de dollars. Puis j'ai demandé la capitalisation de Nvidia : 5.000 milliards de dollars. Toutes les entreprises africaines réunies valent quatre fois moins qu'une entreprise créée en 1999 par trois personnes dans un restaurant», a-t-il révélé, provoquant un murmure dans la salle.

M. Mezzour a enfin pointé du doigt les institutions financières internationales censées représenter l'Afrique : «Nos experts financiers abandonnent au lieu de lever des fonds pour nous. Notre histoire n'est pas racontée correctement aux investisseurs. Tesla a la même valorisation que toutes les autres entreprises automobiles mondiales réunies, alors que ses revenus ont chuté de 67% l'an dernier. Si nous affichions ces résultats dans nos pays, ce serait une crise majeure. Mais eux continuent à lever des fonds et à maintenir la même valorisation. Il y a quelque chose qui ne va pas».

Younes Sekkouri, ministre marocain de l'Inclusion économique, de la petite entreprise, de l'emploi et des compétences, a apporté une réflexion plus philosophique sur les défis de gouvernance. Racontant l'anecdote d'un maire qui découvrit que les statistiques officielles ne captaient pas la réalité vécue par les citoyens, notamment le harcèlement dans les transports publics, le ministre a mis en garde contre les pièges de la mesure. «Ce que nous ne devons pas faire si nous voulons réinventer l'équation mondiale, c'est ne pas nous laisser induire en erreur par le pouvoir du calcul et des statistiques. Les statistiques mesurent l'impact, certes, mais elles captent rarement l'expérience vécue par chaque citoyen au quotidien», a-t-il averti, soulignant que cette «frustration» non mesurée peut «se transformer en quelque chose de très négatif, y compris l'exclusion». Le ministre a conclu par une parabole sur trois Chefs d'État soviétiques bloqués dans un train, chacun tentant des solutions absurdes plutôt que d'affronter la réalité. «C'est cet immobilisme que nos pays doivent éviter si nous voulons faire partie du monde de ce siècle», a-t-il lancé.

Gaston Browne : «Nous ne pouvons accepter un monde gouverné par la force»

Gaston Browne, Premier ministre d'Antigua-et-Barbuda et chef du Parti travailliste depuis 2014, a prolongé cette critique en livrant l'une des analyses les plus structurées de la soirée sur les «crises multiples qui caractérisent notre époque» : confrontations géopolitiques avec menaces nucléaires, crises de la dette, insécurité alimentaire, disruptions technologiques, affaiblissement du multilatéralisme et séquelles de la pandémie de Covid-19. «Pour les petits États comme Antigua-et-Barbuda, cette crise mondiale n'est pas un concept académique. C'est une contrainte quotidienne sur notre capacité à planifier, investir et protéger nos populations», a-t-il souligné, avant d'ajouter : «L'ordre mondial fondé sur des règles qui devait fournir protection, stabilité et prévisibilité aux États du Sud est désormais caractérisé par le chaos et l'instabilité».

Le Premier ministre antiguayen a posé une question frontale : «Allons-nous, en tant que civilisation humaine, permettre au chaos, à la confusion et à l'instabilité de devenir le destin de l'humanité ? Ou allons-nous nous battre pour une nouvelle norme mondiale de paix, d'amour, de justice et d'unité ?» Sa réponse a été très directe : «La confusion et l'instabilité ne peuvent être notre destin. Il est en notre pouvoir de nous battre courageusement avec nos idées, notre leadership, notre diplomatie pour résoudre avec succès les défis et façonner un monde plus équitable, juste et pacifique. Nous ne pouvons accepter un monde gouverné par la force. Nous ne pouvons accepter un système où les puissants dominent les faibles».

«MEDays n'est plus un forum, c'est un sommet»

Dans son discours de clôture, Brahim Fassi Fihri a dressé un bilan triomphal de cette 17e édition. «Je pense pouvoir remplacer le terme "forum” par le terme "sommet”, car lorsqu'on reçoit autant de Chefs d'État, de gouvernement, de ministres et de personnalités, il ne s'agit plus d'un forum mais d'un sommet», a-t-il affirmé. Les chiffres sont éloquents : 8.500 participants, près de 3.500 étudiants marocains et africains, 300 intervenants, 120 pays représentés, plus de 200 médias accrédités. «Le Forum MEDays est aujourd'hui une marque dont nous sommes fiers. On peut considérer le Forum comme l'un des plus grands forums au monde aujourd'hui», a déclaré le président de l'Institut Amadeus. Il a rendu un hommage appuyé «à Sa Majesté le Roi, pour Son soutien constant depuis la création du Forum. Sans Sa Majesté, jamais ce rendez-vous n'aurait pu figurer à l'agenda international du Sud».

Hamza Abdi Barre, Premier ministre somalien, a abondé dans ce sens : «Sur ces quatre jours, nous avons parlé honnêtement et sérieusement. Nous avons discuté de l'avenir de la gouvernance mondiale, de la paix et de la sécurité, de la crise climatique, des transitions énergétiques, des réalités numériques. Une conclusion est claire : le monde change, et le Sud global doit diriger ce changement». Au terme de cette cérémonie de près de deux heures, le message était limpide : le Sud global ne se contente plus d'assister aux débats sur son avenir, il entend désormais les mener. Et Tanger, pour quatre jours au moins, en a été l'épicentre incontesté.
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