Ayda Benyahia
30 Décembre 2025
À 17:13
Les échanges de la séance des questions orales à la Chambre des représentants ont mis en évidence une séquence de clarification plus qu’une succession d’annonces. Sollicité par les députés, le ministre de la Justice,
Abdellatif Ouahbi, est revenu sur plusieurs dossiers sensibles, révélateurs des tensions actuelles entre protection des citoyens, efficacité de
l’action judiciaire et respect des libertés fondamentales. À travers ses réponses, le ministre a surtout exposé une méthode : faire évoluer le droit sans céder ni à la précipitation ni à la logique du durcissement systématique.
Encadrer les usages numériques sans remettre en cause la liberté d’expression
La problématique des dérives constatées sur les réseaux sociaux s’est imposée comme l’un des premiers points de débat. Revenant sur les préoccupations exprimées en matière de harcèlement, de diffamation et d’atteintes à la vie privée, le ministre a rappelé que la liberté d’expression, pour fondamentale qu’elle soit, ne saurait être invoquée pour légitimer des pratiques attentatoires aux droits des personnes.
Dans le prolongement de cette mise au point, il a opéré une distinction nette entre la critique légitime et le débat public, d’une part, et des comportements qu’il a qualifiés de répréhensibles, d’autre part. À ses yeux, la rapidité et l’ampleur de diffusion des contenus numériques mettent aujourd’hui à l’épreuve l’arsenal juridique existant. Dès lors, sans annoncer de mesures immédiates, Abdellatif Ouahbi a plaidé pour l’instauration d’un cadre légal plus lisible, à même de qualifier précisément les infractions et d’y apporter des réponses dissuasives, tout en préservant les principes fondamentaux des libertés publiques.
Banque nationale des empreintes génétiques : renforcer l’enquête sous contrôle juridique
Autre volet examiné au cours de la séance, le projet de création d’une banque nationale des empreintes génétiques a donné lieu à des précisions attendues. Le ministre a confirmé que ce chantier demeurait à l’étude et faisait l’objet de concertations entre les institutions concernées, l’objectif étant d’améliorer l’efficacité des enquêtes judiciaires, en particulier dans les affaires criminelles graves. Dans ce cadre, et eu égard à la nature hautement sensible des données concernées, il a souligné l’exigence d’un encadrement légal rigoureux. La collecte, la conservation et les modalités d’accès aux données génétiques devront, a-t-il souligné, être définies avec précision afin d’assurer la protection de la vie privée et des données personnelles. Dès lors, selon le ministre, tout l’enjeu réside dans la recherche d’un équilibre durable entre les impératifs de sécurité et le respect des droits et libertés, condition essentielle pour prévenir toute dérive.
Délinquance juvénile : une réponse pénale fondée sur la protection
Abordant la question de l’augmentation de certains délits impliquant des mineurs, le ministre de la Justice a rappelé que ces situations relevaient d’un régime pénal spécifique, distinct de celui applicable aux adultes. Il a souligné que la justice des mineurs reposait avant tout sur des principes de protection, d’encadrement et de réinsertion, excluant toute approche exclusivement répressive. Dans cette perspective, les actes commis par des mineurs doivent, a-t-il précisé, être appréciés à l’aune de l’âge, du degré de discernement et de l’environnement social et familial. La réponse judiciaire vise ainsi à corriger les comportements déviants tout en préservant l’intérêt supérieur de l’enfant, avec un rôle central dévolu au juge des mineurs et aux mécanismes d’accompagnement prévus par la loi. Dès lors, a rappelé le ministre, la lutte contre la délinquance juvénile ne saurait être dissociée des dimensions éducative et sociale.
Accidents du travail : responsabilité et application rigoureuse de la loi
La problématique des accidents du travail a également trouvé sa place dans les échanges. Le ministre a rappelé que ces situations étaient régies par des dispositions légales précises, destinées à garantir les droits des salariés victimes tout en établissant les responsabilités, notamment lorsque des manquements aux règles de sécurité ou aux obligations de l’employeur sont en cause. Dans cette optique, et sans annoncer de réforme particulière, Abdellatif Ouahbi a mis en avant l’exigence d’une application rigoureuse de la loi, condition indispensable pour assurer à la fois la réparation des préjudices subis et le respect des procédures judiciaires. Il a enfin souligné que ces dossiers recouvraient des enjeux humains, sociaux et économiques étroitement imbriqués, appelant de la part de la justice une appréciation attentive et circonstanciée des faits.
Réforme de la loi régissant la profession d’avocat : moderniser sans fragiliser
Pour clore cette série d’éclairages, le ministre est revenu sur l’état d’avancement de la réforme de la loi régissant la profession d’avocat. Il a rappelé que ce chantier s’inscrivait dans une réflexion plus large sur la modernisation des professions judiciaires et le renforcement des garanties du procès équitable. À cet égard, toute évolution du cadre législatif, a-t-il souligné, doit s’opérer dans le respect du rôle central de la défense et de l’indépendance de la profession. Les discussions se poursuivent, a-t-il précisé, dans un esprit de concertation avec les instances représentatives, l’objectif étant d’actualiser le cadre légal sans remettre en cause les équilibres institutionnels existants. Aucune disposition définitive n’a, à ce stade, été arrêtée.
Une méthode plus qu’un calendrier
Au fil de ses interventions, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a mis en avant une démarche fondée sur la prudence et la progressivité. Il a rappelé que l’évolution des outils juridiques doit accompagner les mutations sociales et technologiques, sans jamais s’affranchir d’un cadre solidement balisé par des garanties juridiques. Dans cette logique, aucune annonce de calendrier ni de projet de texte finalisé n’a été formulée lors de la séance. Le ministre a exposé l’état des réflexions en cours, laissant apparaître une orientation guidée par la méthode et la cohérence d’ensemble, plutôt que par l’urgence des échéances.