A.Rm
22 Février 2024
À 15:20
La
société civile poursuit sa mobilisation pour une réforme globale et intégrée de la
Moudawana. À l’approche de la fin du délai (six mois) accordé à la
Commission consultative chargée du pilotage de cette importante réforme pour présenter ses
propositions d’amendement, la société civile fait le forcing pour faire valoir ses
revendications. Ainsi, mardi dernier encore, une
journée d’étude entière organisée par le
Club The Sun a été consacrée à cette question.
Lors de cette rencontre, les différents intervenants étaient unanimes à souligner l’urgence et la nécessité de cette réforme, rappelant dans ce sens les limites de la réforme initiée en 2004 et qui ne permet plus aujourd’hui de répondre à tous les défis auxquels la
société marocaine est confrontée. «Plusieurs raisons justifient l'urgence d'une nouvelle
réforme de la Moudawana. On peut faire référence notamment à l'évolution des mentalités. La société marocaine a connu d'importants changements ces dernières années, notamment en matière de
droits des femmes. En outre, l’émancipation des femmes et leur contribution accrue à l’activité économique fait que leur rôle même au sein de la famille est prépondérant. Aujourd’hui, de nombreuses femmes sont devenues des chefs de famille, pourtant cette évolution n’a pas été accompagnée d’une prise de conscience sociétale. On a toujours du mal à se détacher du concept de la famille patriarcale. Ce sont d’ailleurs ces inégalités sociétales qui font, entre autres, que le Maroc soit mal classé en termes de développement humain. Il est donc devenu nécessaire de réévaluer nos idées sur le concept de la famille classique qui a beaucoup évolué», a souligné
Nouzha Skalli, présidente du
think tank Awal et ancienne ministre
PPS de la Solidarité, de la famille et du développement social.
En effet, si les intervenants étaient unanimes à relever que le
Code de la famille de 2004 a constitué une révolution pour les droits des femmes au Maroc par rapport à celui de 1993 (des avancées majeures ont été enregistrées, notamment l’instauration de l'
égalité entre les hommes et les femmes en matière de
mariage, la suppression de la
discrimination entre les sexes, l'abolition du consentement du
tuteur légal de la
femme pour le mariage de cette dernière, la fixation de l'
âge minimal du mariage à 18 ans pour les hommes et les femmes, et l'établissement de l'égalité des droits et des devoirs des époux au sein du mariage), ils n’en pensaient pas moins que ces changements sont restés incomplets, puisque des
injustices sociales persistent, notamment sur le volet de l’héritage.
Selon l’avocate et militante féministe fondatrice du mouvement
«Kif Mama Kif Baba»,
Ghizlane Mamouni, il est devenu primordial d’instaurer l’égalité dans les parts successorales entre les femmes et les hommes et de supprimer le principe du
«tâasib» qui suppose que lorsque les femmes sont les seules héritières, l’homme le plus proche du défunt entre dans la
succession. Sur ce même volet, Mme Mamouni appelle à la mise en œuvre du principe du
testament, cité dans le
Coran.
Sur un autre registre, la féministe prône également la prohibition totale du
mariage des mineurs et la criminalisation de cette pratique. Elle revendique en outre l’abrogation totale de la
polygamie, toujours en vigueur, malgré les mesures dissuasives imposées en 2004. En ce qui concerne l’
autorité parentale, qui constitue un grand terrain d’inégalité, puisque le père demeure le seul tuteur de l’enfant, même en cas de divorce, ce qui représente une incohérence avec le texte de 2004 qui érige la coresponsabilité des époux, Mme Mamouni appelle à l’établissement du principe d’égalité dans la tutelle légale.
Le PPS et l’USFP soutiennent les revendications de la société civile
En toute logique, les revendications visant la réforme de Moudawana portées par la société civile, notamment les mouvements féministes, trouvent un écho favorable auprès des formations politiques de gauche. L’USFP et le PPS, deux partis connus pour leurs idées progressistes, semblent partager la majorité des idées défendues par ces mouvements. Lors d’une conférence conjointe organisée la semaine dernière, les deux formations politiques avaient appelé à «l’adoption d’un nouveau Code de la famille rompant avec l’approche conservatrice et intégrant des changements égalitaires substantiels, en phase avec la Constitution de 2011 et les conventions internationales ratifiées par le Maroc». Elles ont appelé à cet égard à l’inclusion dans le nouveau Code de dispositions égalitaires claires, notamment l’interdiction et la pénalisation des mariages d’enfants de moins de 18 ans, la responsabilité parentale conjointe, l’égalité entre époux pour la garde des enfants, l’abolition de toutes les formes de discrimination à l’égard des personnes en situation de handicap, l’interdiction de la polygamie, la gestion équitable des biens acquis pendant le mariage, la médiation familiale, le recours aux tests ADN pour établir la filiation, l’abolition de la tutelle matrimoniale, l’abolition de toute discrimination fondée sur le sexe ou la croyance dans le mariage, l’abrogation de l’article 400 du Code de la famille actuel...