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La Trésorerie générale bousculée par des instructions urgentes précipitant la réforme de la fiscalité locale

Une circulaire du ministère de l’Intérieur a déclenché une semaine de tension inédite au sein de la Trésorerie générale du Royaume, sommée de libérer des locaux, transférer des compétences et déplacer des fonctionnaires dans des délais jugés « irréalistes ». Face à la colère syndicale et au risque de grève nationale, le ministère des Finances est intervenu en urgence pour rétablir le dialogue et obtenir des garanties écrites.

23 Novembre 2025 À 16:00

La crise a éclaté lorsqu’une circulaire de Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, adressée aux walis et gouverneurs, a imposé des délais « stricts et impératifs » pour libérer les locaux de la TGR, transférer les compétences et déplacer les fonctionnaires. Le document, rédigé dans un ton jugé de « commandement exécutif », presse les autorités territoriales d’appliquer sans délai le transfert de la gestion des impôts locaux de la TGR vers les collectivités territoriales.

La circulaire annonce un basculement quasi total des compétences, à l’exception de trois taxes – la taxe professionnelle (TP), la taxe d’habitation (TH) et la taxe sur les services communaux (TSC) – qui resteraient provisoirement gérés par l’État. Ce transfert concerne surtout les taxes les « plus complexes et dispersées », désormais confiées à 92 nouvelles perceptions communales, dont les emplacements sont déjà listés dans l’annexe du document.

Pour les agents de la TGR, la circulaire a sonné comme un ordre d’évacuation. Elle fixe un délai maximal de six mois pour vider totalement les bâtiments encore occupés par les services de la Trésorerie et exige la « libération immédiate » de ceux destinés aux nouvelles perceptions. Une approche jugée brutale par les fonctionnaires, pris de court par la rapidité de l’opération.

Fonctionnaires sous pression et transferts forcés

La circulaire va plus loin en ordonnant le transfert immédiat des archives, des systèmes informatiques, des dossiers contentieux et des restes à recouvrer, le tout devant être officiellement consigné dans des procès-verbaux. Une liste nominative de 335 fonctionnaires convoqués à une formation obligatoire dès le 17 novembre, en vue de leur rattachement administratif aux présidents de collectivités, a été perçue comme un véritable « transfert forcé » hors du ministère des Finances. Cette transition devrait s’accompagner de la nomination progressive de nouveaux percepteurs communaux « dès libération des locaux », imposant un calendrier serré pour équiper les systèmes informatiques, transférer les accès et rendre opérationnelles les nouvelles structures avant la fin de l’année.

Pour le Syndicat national démocratique des Finances (UMT), il s’agit d’un « séisme administratif » sans précédent. Le syndicat a rapidement brandi la menace d’une grève nationale et d’un sit-in prévu le 27 novembre.

Un dialogue d’urgence pour éviter la rupture

Face à l’ampleur de la contestation, le ministère de l’Économie et des Finances a convoqué deux réunions d’urgence les 17 et 19 novembre. Selon le communiqué du syndicat publié jeudi, ces rencontres ont abouti à des « garanties écrites » essentielles. Le ministère s’est engagé à ce que la transition ne compromette ni les droits acquis ni les perspectives de carrière des fonctionnaires concernés. Leur mise à disposition auprès des collectivités devra s’opérer sous un cadre juridique strict, destiné à prévenir toute dérive dans la gestion territoriale.

Autre avancée : la création d’une commission mixte réunissant l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration territoriale, chargée d’assurer une transition « fluide » et adaptée aux spécificités des agents de la TGR. Une manière de réduire la portée d’une application mécanique et unilatérale des instructions initiales.

À la lumière de ces engagements, le syndicat a annoncé la suspension du mouvement de protestation et le gel du sit-in prévu le 27 novembre, en attendant la publication d’une « note explicative » du ministère détaillant les scénarios et modalités du transfert.

Mais si la fronde s’est apaisée, les inquiétudes demeurent. Le ministère de l’Intérieur, décidé à accélérer l’autonomie financière des collectivités territoriales, doit désormais composer avec la nécessité de maintenir la stabilité sociale au sein d’un ministère aussi stratégique que celui des Finances.
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