Brahim Mokhliss
27 Novembre 2025
À 18:21
Après quatre jours de travaux intenses, l'
Assemblée générale d'Interpol a clos ses travaux jeudi 27 novembre sur des décisions structurantes pour l'avenir de la coopération policière internationale. Depuis lundi, plus de 1.000 délégués représentant 181 pays avaient examiné les grandes orientations stratégiques de l'Organisation, adopté un plan quinquennal ambitieux et validé les innovations technologiques majeures annoncées en ouverture. Mais c'est l'élection du nouveau Comité exécutif qui a marqué le point d'orgue de cette édition tenue dans la ville ocre, Marrakech.
Le Français
Philippe Lucas, pur produit de la Police judiciaire française, a été élu président de l'Organisation internationale de police criminelle-Interpol pour un mandat de quatre ans. Il succède au
général-major Ahmed Naser Al-Raisi, dont le mandat entamé en 2021 à Istanbul s'achève sur un bilan marqué par une transformation profonde dans la gouvernance de l’organisation. Philippe Lucas prend les rênes d'une organisation comptant 196 pays membres.
Un Comité exécutif renouvelé et diversifié
Aux côtés du nouveau président, cinq autres membres ont été élus pour rejoindre le Comité exécutif, instance responsable de fournir l'orientation stratégique et de superviser la mise en œuvre des décisions de l'Assemblée générale. Le Chinois Wang Yong a été désigné vice-président pour l'Asie. L'Afrique dispose désormais de deux nouveaux délégués : le Tunisien Issam Fetoui et le Kényan Mohamed Ibrahim Amin, succédant ainsi à Mohamed Dkhissi du Maroc, dont le mandat comme vice-président pour l'Afrique prend fin. L'Asie sera également représentée par le Japonais Kazumi Ogasawara, tandis que l'Italien Stefano Carvelli rejoint le Comité comme délégué pour l'Europe.
Le Comité exécutif compte au total 13 membres : le président, trois vice-présidents et neuf délégués. Tous proviennent de pays différents et leur répartition géographique est soigneusement équilibrée, reflétant la volonté d'Interpol de garantir une gouvernance représentative de ses 196 pays membres. Les membres sont élus pour un mandat de trois ans, à l'exception du président dont le mandat s'étend sur quatre ans. Particularité de cette instance : tous les membres conservent leurs fonctions et responsabilités nationales durant leur mandat, apportant à Interpol leur expérience et leur expertise propres. Le président assume notamment la responsabilité de présider les réunions de l'Assemblée générale et du Comité exécutif.
Urquiza salue le renforcement de la gouvernance
Le secrétaire général d'Interpol, Valdecy Urquiza, a salué l'élection de ces nouveaux membres. «Face à une criminalité transnationale de plus en plus complexe, renforcer les structures de gouvernance d'Interpol est plus important que jamais», a-t-il déclaré. «Je me réjouis de travailler avec les nouveaux – et les membres reconduits – du Comité exécutif, afin que nous puissions ensemble écouter et répondre aux besoins de nos pays membres, alors qu'ils font face aux menaces actuelles et émergentes».
Cette élection intervient dans un contexte où l'Organisation a connu une transformation majeure sous la présidence d'Al-Raisi. Durant quatre ans, la représentation géographique au sein du personnel d'Interpol est passée de 115 à 141 pays, soit une augmentation de 28%. Les recherches dans les bases de données ont doublé pour atteindre 7,8 milliards d'opérations annuelles, tandis que plus de 200 opérations transfrontalières coordonnées ont permis la saisie de drogues et de véhicules volés pour une valeur dépassant 17,3 milliards de dollars.
Une résolution contre les centres d'arnaque transnationaux
Au-delà des élections, l'Assemblée générale a adopté une résolution majeure portant sur la menace croissante que représentent les centres d'arnaque transnationaux. Ces hubs criminels, liés à des fraudes de grande ampleur et à la traite d'êtres humains, sont désormais présents sur tous les continents. Proposée par la République de Corée, cette résolution met en lumière un phénomène alarmant : sous couvert d'offres d'emploi attractives à l'étranger, des victimes sont acheminées vers des complexes où elles sont contraintes d'exécuter des opérations illicites. Voice phishing, arnaques sentimentales, fraudes à l'investissement, escroqueries en cryptomonnaies : les modus operandi ciblent des individus à travers le monde entier.
Les victimes retenues contre leur gré subissent fréquemment des violences physiques, une exploitation sexuelle, des actes de torture ou des viols. En juin dernier, une mise à jour d'Interpol révélait que des victimes originaires de plus de 60 pays avaient été transférées vers ces centres, y compris bien au-delà de l'Asie du Sud-Est. La résolution souligne également l'usage croissant de technologies avancées par les criminels pour tromper les victimes et masquer leurs activités, nécessitant une réponse coordonnée à l'échelle mondiale.
Un plan d'action global
Les recommandations adoptées prévoient le partage en temps réel de renseignements pour identifier les auteurs et les lieux d'opération, des opérations conjointes multinationales avec le soutien d'Interpol, le ciblage du financement criminel et des avoirs illicites, ainsi que des protocoles d'urgence normalisés pour localiser, secourir et rapatrier les victimes. Des campagnes mondiales de sensibilisation destinées aux groupes vulnérables, notamment les jeunes et les chercheurs d'emploi, complètent ce dispositif. «Pour lutter efficacement contre ces réseaux criminels, nous devons renforcer la collaboration, améliorer le partage d'informations et avancer avec une action coordonnée et décisive», a déclaré Valdecy Urquiza. «Interpol s'engage à soutenir la mise en œuvre de la résolution et à travailler avec les pays membres pour démanteler ces opérations et protéger les personnes les plus vulnérables.»
En 2024, la plus vaste opération mondiale jamais menée par Interpol contre la fraude alimentée par la traite – couvrant 116 pays et territoires – avait déjà conduit à l'arrestation de plus de 2.500 individus. Des opérations régionales ont également été récemment menées en Afrique et en Europe. Le mandat qui s'ouvre pour Philippe Lucas et ses collègues s'annonce décisif dans la poursuite de ces actions.
Le nouveau président d'Interpol promet de renforcer davantage la coopération sécuritaire avec le Maroc
Le nouveau président de l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol), Philippe Lucas, a promis, depuis Marrakech, de renforcer davantage la coopération sécuritaire avec le Maroc. «La collaboration avec le Maroc est non pas à inventer, mais elle est à faire vivre encore plus», a déclaré à la presse Philippe Lucas, élu à la tête de l’organisation, jeudi lors de la 93e Assemblée générale d’Interpol, mettant en avant les valeurs de respect, de travail et d'intelligence collective qui fondent la relation avec le Royaume. «Vous pourrez compter sur moi pour donner du relief à cette coopération !», a-t-il assuré, se réjouissant de pouvoir «fêter au Maroc» les idées et les valeurs d’Interpol.
Par ailleurs, le nouveau président s’est engagé à préserver l’héritage d’Interpol et à œuvrer pour le maintien de l'élan nécessaire pour atteindre les objectifs communs, à travers un plan «pragmatique et réalisable». Il s’agit, selon lui, de transformer les idées en actions «concrètes et tangibles». Il a affirmé qu’il veillerait à ce que les voix de tous les continents soient entendues au sein de l’organisation. Philippe Lucas, qui succède dans ce poste à Ahmed Naser Al-Raisi, des Émirats arabes unis, dont le mandat est arrivé à son terme, a obtenu 84 voix, soit 51,2% des voix exprimées lors du vote à l’Assemblée générale à Marrakech (24-27 novembre). Le président d’Interpol et les autres membres du Comité exécutif sont élus par l’Assemblée générale suivant le principe «un pays, une voix», selon lequel chaque voix a un poids égal.
En tant que président, le rôle de Philippe Lucas, durant son mandat, sera notamment de présider les réunions du Comité exécutif, qui supervise l’application des décisions prises lors de l’Assemblée générale. Le rôle du président, dont la fonction est exercée à temps partiel et qui n’est pas rémunérée, consiste à présider chaque année l’Assemblée générale et les trois sessions du Comité exécutif. Le statut d’Interpol exige que le président veille à ce que les activités de l’Organisation soient conformes aux décisions prises par l’Assemblée générale et le Comité exécutif, et entretienne, dans la mesure du possible, une relation directe et constante avec le secrétaire général de l’Organisation.