A.Rm
07 Juillet 2025
À 18:43
Le secrétaire général du
Parti du progrès et du socialisme (PPS),
Mohamed Nabil Benabdallah, n’a pas caché son amertume, dimanche dernier, face à l’échec de la tentative de dépôt d’une
motion de censure par l’opposition. Présentant le rapport du bureau politique lors de la sixième session du comité central du parti dimanche dernier à Rabat, le chef du parti du Livre a déploré une occasion manquée de provoquer un sursaut démocratique, même symbolique.
Selon M. Benabdallah, bien que la motion n’ait eu que peu de chances d’aboutir au renversement du
gouvernement – en raison d’un rapport de forces numérique défavorable –, elle aurait pu, à tout le moins, ouvrir un débat salutaire sur les «échecs profonds et multiples» de l’Exécutif. «Même si elle n’avait aucune chance de renverser l’Exécutif, la motion aurait permis de mettre en lumière les nombreuses défaillances de la
majorité et de donner à l’opinion publique l’occasion de juger», a-t-il souligné, tout en estimant que ce débat aurait aussi donné au gouvernement l’opportunité de défendre son bilan, voire de démontrer que ses thuriféraires se trompaient.
Sur ce point, M. Benabdallah a rappelé que son parti avait œuvré activement au rapprochement des composantes de l’
opposition pour faire aboutir l’initiative, mettant en avant «l’intérêt collectif de l’acte politique» plutôt que les considérations partisanes. Mais l’initiative, selon lui, a été torpillée pour des motifs «futiles, secondaires et superficiels», laissant planer l’ombre de
calculs politiques qui, dit-il, «ne concernent en rien» le
PPS.
«Ce sabotage a renvoyé une image inquiétante de notre scène politique et pose la question de la maturité démocratique de certains acteurs de l’opposition», a-t-il regretté, tout en dénonçant «les écrits misérables et les déclarations mensongères» ayant suivi, mais sans donner plus de précisions. «Le peuple marocain est suffisamment lucide pour identifier les responsabilités dans cet échec, et comprendre qui a offert, par calcul ou par faiblesse, un sursis inespéré à un gouvernement qui aurait dû être confronté à un véritable procès politique».
Mondial 2030 : un projet prestigieux, mais aux retombées incertaines
Sur un autre registre, abordant le dossier de la Coupe du monde 2030, que le Maroc coorganisera avec l’Espagne et le Portugal, M. Benabdallah a reconnu l’importance du projet, tout en mettant en garde contre un enthousiasme excessif. Pour lui, ce rendez-vous planétaire, bien que structurant, ne saurait être confondu avec une véritable stratégie de développement. «Le Mondial 2030 est un projet collectif qui place le Maroc sous les projecteurs internationaux. Mais il ne peut, à lui seul, se substituer à un modèle de développement ou servir de levier pour un décollage économique durable», a-t-il tempéré.
Le secrétaire général du PPS a notamment insisté sur le fait que les investissements liés à l’événement ne doivent pas se limiter aux six villes hôtes – Casablanca, Rabat, Marrakech, Agadir, Tanger et Fès – ni se résumer à quelques infrastructures hôtelières ou ferroviaires. «Nous devons savoir où va l’argent, comment il est dépensé et, surtout, pourquoi certaines régions restent exclues du périmètre d’investissement», a-t-il martelé, tout en appelant à une supervision parlementaire rigoureuse.
Réformes politiques : une léthargie préoccupante
M. Benabdallah a, par ailleurs, fustigé l’inertie de l’Exécutif sur les réformes d’ordre politique, notamment la révision tant attendue du Code de la famille, qualifiée de «Chantier Royal majeur». «Ce projet a été confié à une commission gouvernementale, mais après des mois, toujours aucun texte législatif à l’horizon. Le gouvernement doit assumer ses responsabilités », a-t-il lancé. Exprimant ses craintes de voir certains acquis remis en question sous la pression de forces conservatrices, M. Benabdallah a appelé à la vigilance pour éviter que cette réforme cruciale ne se transforme en recul masqué.
Corruption : des discours sans effets, des milliards en jeu
Par ailleurs, évoquant la question de la gouvernance, le dirigeant du PPS a dressé un constat sévère : l’État de droit et la transparence dans les affaires publiques restent largement relégués au second plan. Il a pointé du doigt une absence flagrante de volonté politique en matière de lutte contre la corruption, estimant que cette dernière coûtait chaque année à l’économie nationale près de 50 milliards de dirhams. «Il ne s’agit pas de surenchère politique. La bonne gouvernance n’est pas une option : c’est une condition de survie pour notre économie et notre cohésion sociale», a-t-il affirmé.
Ne faisant pas dans la dentelle, Nabil Benaabdallah a accusé clairement le gouvernement d’orienter certains programmes économiques au profit d’intérêts privés, parfois sous couvert d’intérêt général. Il a cité dans ce sens, entre autres, 8,6 milliards de dirhams octroyés aux patrons du transport, plus de 20 milliards aux importateurs de bétail, ou encore 60 milliards de profits indus dans le secteur des carburants.
Enfin, à un an des élections, M. Benabdallah n’a pas manqué de dénoncer une prolifération de programmes gouvernementaux aux allures électoralistes, dans des secteurs sensibles comme l’agriculture, l’emploi ou l’entrepreneuriat. «Ce sont des programmes de la dernière heure, lancés dans une logique électoraliste. Les signaux du terrain sont clairs : ces initiatives sont utilisées comme outils de favoritisme, au détriment des principes d’équité, de transparence et de neutralité dans l’usage de l’argent public», a-t-il conclu.