LE MATIN
25 Mars 2025
À 16:29
Une vidéo institutionnelle célébrant la trajectoire du Maroc vers la
Coupe du Monde 2030 a récemment été diffusée sur la chaîne publique 2M ainsi que sur plusieurs plateformes numériques. D’une durée de 2 min 20 s, ce spot publicitaire, à première vue à vocation patriotique, a suscité une vive réaction de l’opposition. Deux partis – le
Mouvement populaire (MP) et le
Parti du progrès et du socialisme (PPS) – y voient un contenu politiquement orienté et ont saisi la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (
HACA) pour en demander la suspension.
Un message jugé partisan
Présentant les grandes réalisations du Royaume et saluant son leadership en vue de l'organisation du Mondial 2030, le spot pose, selon ses détracteurs, la question de la neutralité du service
audiovisuel public. «Il est évident que l’accueil par le Royaume du Maroc de cette manifestation sportive mondiale est une réalisation qui appartient à l’ensemble du peuple marocain, sous la Direction de
Sa Majesté le Roi. Tenter de l’exploiter à des fins politiques est un comportement inacceptable», souligne le MP dans son courrier.
Dans son rapport annuel 2023 qui vient d’être publié, la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) dresse un bilan détaillé de son action de régulation et d'observation du paysage médiatique marocain. Le document, qui survient dans un contexte marqué par les mutations numériques et la fragilité économique persistante du secteur, révèle des évolutions significatives: une baisse des sanctions disciplinaires, une prédominance inattendue de la société civile dans le temps d'antenne (40,57%), une légère progression de la présence féminine (18,01%) et un équilibre gouvernement-opposition qui s'améliore (55,25% contre 44,75%). Entre avancées et défis structurels, le rapport offre un panorama complet des dynamiques transformant l'écosystème audiovisuel national.
Les deux partis ne contestent pas le fond du message – la valorisation des efforts du Maroc –, mais la manière dont il est présenté et diffusé. «Ce film publicitaire a également servi à promouvoir le soutien aux candidats gouvernementaux», estiment-ils, ajoutant qu’il a été diffusé sur les réseaux sociaux «en tant que publicité payante exploitant un événement d’intérêt national pour servir un discours électoral anticipé». Selon le PPS, cette situation constitue «une dérive préoccupante», où les frontières entre communication institutionnelle et propagande partisane deviennent floues, au détriment de la transparence et du respect de la pluralité d’opinion.
Le MP et le PPS demandent suspension et enquête
Mohamed Ouzzine, secrétaire général du Mouvement populaire, et Nabil Benabdallah, secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme, appellent la HACA à la suspension immédiate du spot, estimant qu’il s’agit d’une production qui «porte atteinte aux règles de pluralisme et d’équilibre des médias publics». Ils demandent également la prise de mesures légales contre les responsables, conformément aux prérogatives réglementaires de l’Autorité.
La plainte conjointe s’appuie sur les dispositions de la Loi 1.02.212 relative à la communication audiovisuelle, notamment en ce qui concerne l’interdiction de contenu à caractère politique diffusé en dehors des périodes électorales, la protection de la pluralité politique dans les médias publics et la transparence dans le financement et la production des contenus audiovisuels. Les deux partis demandent également à la HACA de vérifier les sources de financement de la vidéo, d’en identifier les commanditaires, et d’évaluer le respect des règles d’éthique et de neutralité du service public.
Un rappel à l’équilibre médiatique
Sans remettre en cause la légitimité de mettre en lumière les progrès du pays, les partis d’opposition estiment que l’espace médiatique public doit rester un lieu d’expression pluraliste, sans récupération politique. «La diffusion d’un tel contenu sans contextualisation ni pluralisme contredit l’esprit du service public, qui se doit d’assurer une information équilibrée, surtout dans un contexte pré-électoral latent», souligne encore le PPS. La HACA, désormais saisie, est attendue sur sa capacité à rétablir les équilibres, en veillant à ce que les médias publics restent fidèles à leur mission de service, loin de toute instrumentalisation partisane.