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Sahara : les piliers sur lesquels doit reposer le plaidoyer pour la marocanité (Pr Hakim Touzani)

Le Sahara est bel et bien marocain. Historiquement, juridiquement et culturellement, il a toujours fait partie intégrante du Royaume. Mais il ne suffit pas de le dire ou même de le clamer pour remporter l’adhésion de la communauté internationale. Il faut le prouver en adoptant une démarche scientifique rigoureuse et un argumentaire méthodique. Or tout le monde n’a pas les outils et les connaissances nécessaires pour s’engager dans une telle entreprise qui requiert, faut-il le souligner, une maîtrise fine de ce dossier, de ses tenants et aboutissants et de ses implications multidimensionnelles. Partant de là, Dr Hakim Touzani, professeur du droit international public et des sciences politiques, a lancé le projet «Académie universitaire de plaidoyer pour la marocanité du Sahara» qu’il coordonne avec d’autres éminents universitaires, tout aussi engagés. Leur groupe de travail a publié dans ce cadre trois ouvrages d’une importance capitale pour une meilleure compréhension du conflit autour du Sahara marocain. Il s’agit de «La proposition d’autonomie au Sahara, les dynamiques de structuration et les défis de mise en œuvre», «L’approche fondée sur les droits de l’Homme et les impératifs géostratégiques dans le plaidoyer en faveur de la souveraineté du Maroc sur le Sahara», et «Sahara marocain, les dynamiques diplomatiques et les impératifs de règlement d’un conflit artificiel». Un quatrième ouvrage vient de voir le jour. S’intitulant «Le Sahara marocain entre légalité historique et légitimité juridique», cette nouvelle publication se propose d’apporter un éclairage nouveau sur cette question et de doter ainsi les défenseurs de la marocanité du Sahara des instruments idoines pour étayer leur discours et convaincre de la justesse et de la pertinence de leur plaidoyer. Dans un entretien accordé au «Matin», Dr Touzani revient sur la démarche ayant présidé à l’élaboration de ce nouvel ouvrage (et des précédentes publications) et explique pour nous les fondements juridiques et historiques qui confortent le Maroc dans ses droits sur ses provinces sahariennes. L’universitaire propose également un tour d’horizon retraçant l’évolution de ce dossier et ses implications géopolitiques dans le contexte régional et au-delà.

24 Septembre 2025 À 18:50

Le Matin : Vous venez de publier le dernier ouvrage d’une série de quatre publications qui rassemblent analyses juridiques, recherches historiques et lectures géopolitiques. Quelles sont les motivations de votre projet ? et quel en est l’objectif ?

Dr Hakim Touzani :
Ces ouvrages ne sont pas des initiatives isolées, mais s’inscrivent dans un projet global visant à traiter la question du Sahara marocain dans toutes ses dimensions : historique, culturelle, religieuse, juridique, politique, géopolitique et économique. Ils réunissent les travaux d’experts en droit international, sciences politiques, économie et histoire, afin de renforcer la solidité et la justesse de l’argumentaire marocain. L’initiative s’inscrit dans un cadre plus large : la création de «l’Académie universitaire de plaidoyer pour la marocanité du Sahara». Celle-ci ambitionne de mobiliser les compétences de chercheurs et spécialistes pour bâtir un plaidoyer scientifique, multidimensionnel, et former ainsi le plus grand nombre d’acteurs capables de défendre l’intégrité territoriale du Maroc. Il s’agit de leur fournir les données et arguments nécessaires, non seulement pour étayer la légitimité de la position du Royaume des points de vue historique, politique et juridique, mais aussi pour déconstruire les thèses adverses avec les mêmes outils de raisonnement et de démonstration.



Le projet vise également à ouvrir davantage l’université marocaine sur l’international, afin que son expertise puisse peser dans les arènes onusiennes et les forums mondiaux. Il entend ainsi contrer les contre-verités médiatiques et manipulations politiques qui travestissent les réalités historiques et juridiques, en y opposant un plaidoyer académique et scientifique rigoureux. La publication de ces ouvrages qui intervient à un moment charnière de l’évolution de ce dossier met en lumière les racines historiques et juridiques de la marocanité du Sahara et valorise plus d’un demi-siècle d’acquis diplomatiques et géostratégiques. Elle s’inscrit dans un contexte international en constante mutation, que le Maroc entend saisir pour consolider son plaidoyer et renforcer ses acquis diplomatiques. Elle prépare aussi les batailles à venir, notamment au sein de la Quatrième Commission de l’ONU, avec l’objectif de voir le dossier du Sahara retiré définitivement de son agenda, grâce à une mobilisation civile appuyée par des arguments juridiques solides et rationnels.
Concrètement, ces ouvrages visent à confirmer la marocanité du Sahara par des sources documentées et des études approfondies, à offrir une lecture juridique et politique éclairant le débat et les solutions possibles, à rappeler la constance de l’État marocain dans l’exercice de sa souveraineté sur ses provinces sahariennes, et à réfuter les allégations du polisario, en rappelant qu’il ne s’agit pas d’une question de décolonisation, mais bien d’intégrité territoriale, réglée depuis les accords de Madrid de 1975.

Ces publications entendent ainsi capitaliser sur les acquis diplomatiques, fournir aux acteurs de la diplomatie parallèle les outils idoines pour tenir un discours cohérent et solide, renforcer les capacités des associations et acteurs civils dans les forums internationaux, et mettre en valeur l’évolution progressive des positions onusiennes qui confirment la pertinence et la crédibilité du plan marocain d’autonomie.


Quelles sont, selon vous, les étapes essentielles qui ont marqué l’histoire du Sahara marocain depuis la Marche verte jusqu’à la présentation de la proposition d’autonomie en 2007 et au-delà ?

L’examen chronologique des liens entre les habitants du Sahara et les Souverains marocains permet d’affirmer sans équivoque que cette région n’a jamais été un Terra nullius. L’histoire, tout comme l’avis consultatif rendu en 1975 par la Cour internationale de justice, confirme que le Sahara faisait partie intégrante du territoire marocain, réfutant ainsi les allégations des séparatistes. Les archives officielles, les documents historiques et les rapports internationaux démontrent clairement l’appartenance de la région à l’autorité centrale. C’est dans ce sens que les travaux collectifs menés par les chercheurs ont mis à contribution des sources historiques et archéologiques pour mettre en évidence la continuité humaine, sociale et économique du Sahara marocain, depuis la préhistoire jusqu’à aujourd’hui. L’histoire des grandes dynasties marocaines (Almoravides, Almohades, Saadiens et Alaouites) atteste qu’elles ont toujours exercé leur souveraineté sur ces territoires. Cette légitimité s’incarnait dans le pacte de la beïaâ, véritable contrat politique et religieux qui scellait le lien entre le Sultan et les populations du Sud.

L’occupation espagnole du Sahara, entamée en 1884 à la suite de la conférence de Berlin, ne parvint jamais à briser ces attaches. Les tribus sahraouies opposèrent une résistance active, soutenues par le pouvoir central marocain. À l’indépendance, en 1956, le Maroc plaça la récupération des provinces encore sous domination étrangère, Tarfaya, Sidi Ifni, Saguia el-Hamra et Oued Eddahab, au cœur de son agenda politique. Cette revendication se traduisit aussi bien sur le plan militaire que politique. L’Armée de libération poursuivit la lutte armée, remportant plusieurs victoires contre les forces espagnoles et françaises. Mais le rapport de force évolua après l’alliance franco-espagnole et l’opération «Écouvillon», marquant la transition vers un combat essentiellement diplomatique. Le Maroc intensifia alors son plaidoyer sur la scène internationale, malgré les obstacles liés au retard de l’adhésion de l’Espagne à l’ONU et à la création tardive du Comité de décolonisation.

L’année 1975 constitua un tournant décisif. La Cour internationale de justice reconnut l’existence de liens juridiques d’allégeance entre les Sultans marocains et les tribus sahraouies. Fort de cet avis, le Roi Hassan II lança la Marche verte, une mobilisation pacifique de 350.000 volontaires franchissant la frontière artificielle pour réaffirmer la souveraineté du Maroc. Cet acte de légitimité historique et populaire força Madrid à négocier. Le 14 novembre 1975, l’Accord tripartite de Madrid fut signé entre le Maroc, l’Espagne et la Mauritanie, officialisant le retrait espagnol, reconnu ensuite par l’ONU. Écartée de ces discussions, l’Algérie contesta l’accord et utilisa le polisario comme relais de ses ambitions régionales, propulsant ainsi la question saharienne au rang de conflit international. Après l’échec de la médiation africaine, l’affaire fut inscrite à l’agenda des Nations unies en 1985, non plus comme une question de décolonisation, mais comme un différend régional.

En 1991, l’ONU instaura un cessez-le-feu et créa la Minurso, avec pour mandat l’organisation d’un référendum. Mais les désaccords sur le corps électoral paralysèrent le processus. Les négociations relancées dans les années 1990, sous l’égide de James Baker, permirent d’aboutir à des accords partiels, tel celui de Houston en 1997, sans pour autant résoudre le fond du problème. Le projet de référendum finit par s’enliser, miné par les contestations sur les listes électorales et l’intransigeance des parties en jeu. Face à cette impasse, et après la démission de James Baker en 2004, le Maroc choisit de présenter une alternative. En 2007, il soumit à l’ONU son plan d’autonomie, salué par la communauté internationale comme une proposition crédible et sérieuse. Ce projet prévoit la mise en place d’institutions exécutives, législatives et judiciaires propres aux provinces du Sud, dotées de compétences financières, fiscales et administratives. Tout en garantissant une autonomie large, ce projet conserve la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du Royaume. Ce plan n’a pas été conçu comme une solution figée, mais comme une base de négociation flexible, pensée pour répondre aux aspirations des populations locales et aux attentes de la communauté internationale. Il vise à sortir le dossier de l’impasse en proposant une équation équilibrée : une solution politique durable, fondée sur le compromis et la responsabilité partagée, où il n’y a «ni vainqueur ni vaincu».

Dans quelle mesure la proposition marocaine d’autonomie a constitué un tournant dans l’évolution de ce dossier ?
Le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 demeure l’une des étapes les plus marquantes de l’histoire récente du conflit du Sahara, qui perdure depuis près d’un demi-siècle. En avançant cette initiative, le Royaume a présenté une vision constructive de l’avenir, conciliant les aspirations des populations locales avec la nécessité de préserver son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale. Ce projet prévoit un régime d’autonomie élargi pour les provinces du Sud, leur permettant de gérer directement leurs affaires internes dans un cadre de gouvernance locale et de décentralisation avancée. Il offre ainsi aux Sahraouis une participation pleine et entière au processus décisionnel, tout en restant rattachés à la souveraineté marocaine. Le modèle s’inspire d’expériences internationales reconnues, comme celles du Groenland ou des îles Féroé, qui démontrent la faisabilité et l’efficacité de telles formules. La crédibilité de l’initiative a été rapidement confirmée par un large soutien international. De nombreux États et organisations l’ont saluée comme une proposition sérieuse, réaliste et conforme aux standards internationaux, y voyant une voie prometteuse pour clore ce dossier et renforcer ainsi la stabilité régionale.
Au-delà de son contenu, l’initiative marocaine a aussi envoyé un signal politique fort : celui d’un Maroc disposé à dialoguer et à négocier de bonne foi avec l’ensemble des parties prenantes, renforçant son image d’acteur responsable et crédible sur la scène internationale. Ce plan puise également sa légitimité dans une démarche participative. Avant sa présentation à l’ONU, le Royaume avait consulté ses partis politiques, majorité comme opposition. Tous avaient exprimé leur attachement à une solution ancrée dans le consensus national et respectueuse des symboles de la souveraineté marocaine, le drapeau, la sécurité, la justice, les relations extérieures et la monnaie. Cette adhésion trans-partisane a conféré à l’initiative une solidité interne rare. Sur le plan procédural, l’initiative prévoit que tout accord définitif sera soumis à référendum auprès des populations concernées, conformément au principe d’autodétermination et à la Charte des Nations unies. Mais à la différence des scénarios rigides et irréalistes envisagés par le passé, elle adopte une approche pragmatique et évolutive : elle fixe un cadre général et crédible, tout en laissant ouverte la possibilité d’ajustements et de précisions à travers la négociation. En ce sens, le plan d’autonomie de 2007 marque une rupture décisive avec l’impasse des décennies précédentes. En établissant un cadre politique flexible, susceptible de satisfaire les attentes des Sahraouis tout en consolidant la souveraineté du Royaume, il a replacé le Maroc au centre du jeu diplomatique, en l’érigeant comme un acteur positif et comme une force de proposition.


Comment le dossier du Sahara a-t-il évolué depuis 2007 ? quels sont les plus grands succès selon vous ?

Depuis la présentation du plan d’autonomie en 2007, la diplomatie marocaine a engrangé des avancées notables. Le Royaume a réussi à convaincre près de cinquante pays de retirer leur reconnaissance de la prétendue «Rasd», réduisant ainsi à vingt-six le nombre d’États qui persistent à soutenir cette entité fictive. Dans le même temps, cent quinze pays, dont une vingtaine de membres de l’Union européenne, ont apporté leur appui clair à l’initiative marocaine. La reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes s’est également affirmée à travers le soutien explicite de grandes puissances comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Espagne. À cela s’ajoute l’ouverture de plus de trente consulats à Laâyoune et Dakhla, représentant près de quarante pour cent des pays africains. Cette dynamique a contraint l’Union africaine à s’aligner sur la position onusienne, tandis qu’au sein de l’Union européenne, le groupe «Sahara occidental», longtemps influent, a disparu pour la première fois en vingt-deux ans.

Il faut souligne que ces succès sont le résultat d’une approche nouvelle adoptée par la diplomatie marocaine. Cette approche se distingue par sa capacité à concilier fermeté et ouverture. D’un côté, elle réaffirme sans concession que la souveraineté et l’unité nationale sont des lignes rouges. De l’autre, elle propose un cadre de négociation crédible, fondé sur un régime d’autonomie élargi et sur le respect des droits fondamentaux. Cette démarche, participative et évolutive, vise à aboutir à un accord négocié, juste et réaliste, garant de stabilité et de développement. Elle s’appuie sur la légitimité constitutionnelle du plan d’autonomie, qui assure aux Sahraouis la gestion démocratique de leurs affaires locales, et elle s’inscrit dans le cadre des Nations unies, seule instance habilitée à superviser et à gérer le processus.


Quels outils la diplomatie marocaine a-t-elle mobilisés pour concrétiser cette approche ?

La diplomatie marocaine a déployé une stratégie globale qui combine action multilatérale, partenariats bilatéraux, développement économique et cohésion interne. Sur le plan multilatéral, le Maroc a renforcé sa présence au sein de l’ONU et du Conseil de sécurité, en s’appuyant sur des alliances solides avec des puissances influentes et en intégrant la dimension africaine dans son plaidoyer. Sur le plan bilatéral, il a consolidé ses relations avec des partenaires stratégiques comme les États-Unis, la France ou l’Espagne, en liant constamment la question politique aux progrès concrets réalisés en matière de développement et de droits humains dans les provinces du Sud. Parallèlement, l’action diplomatique s’est appuyée sur le développement économique et social, à travers de grands projets d’infrastructures, d’investissement et de modernisation destinés à améliorer les conditions de vie dans la région. Cette dynamique a renforcé la crédibilité du plan d’autonomie en démontrant qu’il constitue une solution de stabilité et de prospérité. Sur le plan du narratif, le Maroc a veillé à unifier le discours national autour de la souveraineté et du compromis, en mobilisant la diaspora et en maintenant un dialogue constant avec la communauté internationale. Enfin, dans le domaine des droits humains, il a choisi de jouer la carte de la transparence et la responsabilité, répondant rapidement aux critiques et mettant en avant les avancées enregistrées, étayées par des rapports indépendants et des indicateurs de développement fiables. Cette stratégie, soutenue par une mobilisation interne forte de toutes les forces vives de la nation (la monarchie, le gouvernement, le Parlement et la société civile...), et consolidée par le retour du Maroc à l’Union africaine, a permis de conforter la position du Maroc sur le dossier du Sahara et par ricochet décontenancer les séparatistes.

Quelles preuves historiques, juridiques et diplomatiques confirment la souveraineté marocaine sur le Sahara à travers le temps ?

Les liens entre le Maroc et ses provinces sahariennes ont toujours existé et remontent loin dans l’histoire. Bien avant l’avénement de l’islam, les grandes tribus berbères comme les Sanhaja, les Lemtouna ou les Guddala, faisaient partie intégrante du tissu nord-africain. Elles n’étaient pas isolées et s'activaient dans les échanges économiques et politiques, reliant les deux rives du Sahara. Avec l’islam au VIIe siècle, ces liens ont pris une dimension spirituelle et civilisationnelle, renforçant l’intégration du Sahara au Maroc. L’histoire des dynasties marocaines ( Almoravides, Almohades, Saadiens, Alaouites) atteste l’exercice constant de la souveraineté sur la région. Cette autorité se matérialisait à travers la pratique de la beïaâ, véritable contrat politique et religieux, qui scellait l’allégeance des tribus sahariennes au Sultan du Maroc.

Plus récemment encore, la pratique de la beïaâ a constitué un fondement essentiel des liens entre les Sultans et les notables du Sud. En 1904, les tribus de Chinguetti réaffirmèrent leur allégeance ; en 1907, le cheikh Ma alaïnaine fit de même ; en 1955, Khattari Ould Saïd Joumani adressa au Roi Mohammed V une lettre renouvelant la beïaâ au nom des tribus sahariennes ; et en 1979, après le retrait de la Mauritanie, les tribus d’Oued Eddahab prêtèrent serment au Roi Hassan II. Ces actes, loin d’être symboliques, impliquaient l’obéissance aux lois marocaines et la reconnaissance de l’autorité du Sultan en matière de justice, de défense et d’économie. La Cour internationale de justice, dans son avis consultatif de 1975, a reconnu l’existence de ces liens juridiques entre le Souverain marocain et les tribus sahariennes. Et même si la CIJ a précisé que ces liens ne constituaient pas un fondement de souveraineté territoriale au sens du droit moderne, leur reconnaissance confirme une vérité historique et juridique incontestable. Après le retrait espagnol, entériné par l’accord de Madrid de 1975, et la beïaâ renouvelée d’Oued Eddahab en 1979, cette légitimité s’est encore renforcée.

Mieux encore, l’histoire diplomatique regorge de traités qui reconnaissent la souveraineté du Maroc sur le Sahara. En 1767, une convention avec l’Espagne fixait les limites du Royaume au-delà de l’oued Noun. Entre 1786 et 1836, un traité de commerce et de navigation avec les États-Unis engageait le Maroc à protéger les navires américains sur toutes ses côtes, y compris sahariennes. La Grande-Bretagne conclut plusieurs accords en 1791, 1801, 1824, 1856 et 1895, ce dernier reconnaissant explicitement que le territoire marocain s’étendait jusqu’au cap Bojador. En 1860, un traité de paix avec l’Espagne, après la guerre de Tétouan, confirma la souveraineté du Maroc, malgré la cession temporaire d’une petite portion pour un poste de pêche. En 1880, la Conférence de Madrid et, en 1906, la Conférence d’Algésiras, réaffirmèrent l’unité territoriale du Maroc. Même les accords secrets entre puissances coloniales au début du XXe siècle (France, Espagne, Royaume-Uni) démontrent que le Sahara était alors considéré comme un territoire marocain. Ces preuves qu’étayent près d’une centaine de dahirs, datés entre 1692 et 1911, démontrent indubitablement que l’autorité marocaine était exercée sur ces zones à travers la nomination de caïds, de juges et de gouverneurs. L’exemple du cheikh Ma al-Aïnine, désigné en 1811 comme khalifa du Sultan Moulay Hassan Ier, ou encore les dahirs réglementant la pêche sur les côtes sahariennes entre 1931 et 1941, montrent aussi que la souveraineté marocaine sur ces territoires était bel et bien réelle.


À votre avis, quels sont les enjeux géopolitiques régionaux liés au conflit artificiel autour du Sahara ?
Dans le cadre du conflit artificiel autour du Sahara, les enjeux géopolitiques régionaux et les perspectives de solution reposent largement sur l’équilibre des forces entre le Maroc et l’Algérie qui abrite et soutient le polisario. Si le conflit s’enlise, le Maroc continuera à œuvrer avec détermination pour défendre sa souveraineté nationale, préserver son intégrité territoriale et garantir la dignité de ses citoyens à travers l’exercice de ses droits souverains sur l’ensemble de ses provinces, le tout appuyé par une dynamique de développement durable. Il s’agira aussi pour le Royaume de sécuriser les investissements, de renforcer son intégration économique avec l’Afrique et d’affirmer son rôle géopolitique en tant que porte d’entrée vers le continent africain.

En face, l’Algérie pourrait s’obstiner dans son appui aveugle au polisario et à l’utiliser comme un levier d’influence régionale. À travers cette politique, Alger tentera de pérenniser la tension avec le Maroc afin de contenir son expansion régionale. Mais cette stratégie épuise le voisin de l’est économiquement, le fragilise à l’échelle continentale et le met face à ses contradictions : d’un côté, Alger soutient généreusement le projet du polisario, de l’autre, elle prétend ne pas être partie prenante du conflit. Quant à la Mauritanie, ses intérêts frontaliers et sa sécurité économique sont de plus en plus liés au Maroc plutôt qu’à l’Algérie. Le Maroc s’est imposé pour Nouakchott comme un allié et un partenaire crédible et fiable qui agit pour la stabilité te la prospérité de toute la région.

Dans cette perspective, l’avenir de la région passe nécessairement par la clôture de ce conflit artificiel à travers l’application d’un régime d’autonomie élargie au sein du Royaume du Maroc. Un cadre qui impliquerait un conseil législatif local, un exécutif régional autonome pour le Sahara, avec des compétences étendues en matière administrative, économique et culturelle, tout en maintenant la défense et les affaires étrangères dans le giron de la souveraineté marocaine. Cet accord prévoirait aussi une gestion locale des ressources naturelles, assortie de mécanismes de redistribution équitable des revenus, et une administration centralisée des ressources maritimes et terrestres par l’État marocain. Ce dispositif pourrait même constituer une porte de sortie honorable pour les dirigeants du polisario.

Un tel règlement aurait des répercussions positives majeures : il réduirait la tension stratégique entre le Maroc et l’Algérie, instaurerait un cadre plus solide de coopération sécuritaire et économique en Afrique du Nord, et transformerait les logiques de confrontation en dynamiques de partenariat. Cela ouvrirait de larges perspectives non seulement pour les peuples voisins, mais aussi pour l’ensemble du Maghreb, qui pourrait alors se structurer comme un espace de stabilité, de croissance économique, de sécurité sociale et de continuité politique. Un scénario aux antipodes de ce qui se passe au Sahel, une région minée par l’insécurité, les convulsions géopolitiques et les turbulences économiques.


Quels sont, selon vous, les scénarios possibles pour l’avenir du dossier du Sahara, à la lumière des développements récents ?

À la lumière de la dynamique diplomatique qui marque aujourd’hui le dossier du Sahara, il apparaît difficile d’imaginer un scénario de sortie plus judicieux que le plan d’autonomie. Ce dernier constitue en effet une chance inouïe pour clore ce dossier puisqu’il permet aux parties en jeu de sauver la face, sans «vainqueur ni vaincu». l’initiative marocaine garantit en effet aux populations sahraouies le droit de décider de leur avenir dans un cadre qui préserve l’intégrité territoriale du Royaume. Ce compromis répond non seulement aux exigences de paix et de stabilité régionales, mais il correspond aussi aux espoirs de la communauté internationale, qui a vu dans cette proposition marocaine une voie sérieuse et pragmatique pour mettre fin à un conflit qui hypothèque le développement de tout le Maghreb.

Il faut dire que le plan d’autonomie se distingue par sa faisabilité institutionnelle. Il prévoit une architecture politique élargie, avec des mécanismes internes et externes de contrôle et d’évaluation, permettant à la communauté internationale de juger directement et en toute transparence de sa mise en œuvre. C’est ce qui renforce sa crédibilité et sa compatibilité avec les normes du droit international. Ce projet s’inscrit également dans le respect des droits fondamentaux, en intégrant des dispositifs de protection et de suivi indépendants. Il repose sur le principe de la progressivité et des garanties institutionnelles, plutôt que sur l’illusion d’un règlement brusque et rapide. L’autonomie se présente ainsi comme un processus évolutif, encadré par des mécanismes constitutionnels et juridiques solides. Dès lors, la prochaine étape attendue consistera à engager un processus de négociation où l’autonomie élargie constituera l’unique base de discussion. Celui-ci devra être accompagné de mécanismes de supervision mis en place par les Nations unies, avec un calendrier de transition clair. Dans ce cadre, la mission onusienne Minurso devrait voir ses prérogatives réajustées afin de superviser le déploiement effectif du plan, de veiller au retour des réfugiés des camps de Tindouf et d’assurer un suivi régulier de la mise en œuvre. Cette trajectoire doit déboucher sur l’adoption d’un cadre constitutionnel et législatif régional clair, définissant les institutions de l’autonomie élargie, la répartition des compétences entre les autorités locales et le pouvoir central, ainsi qu’un catalogue des droits fondamentaux.

Cela dit, il est indispensable d’élaborer un plan de développement et d’investissement mesurable, doté d’indicateurs de performance, de calendriers d’exécution et de bilans financiers transparents. L’objectif est de créer un climat favorable à l’investissement et à l’emploi, condition sine qua non de la stabilité. Cette phase pourrait s’accompagner d’une supervision internationale temporaire, avec des rapports réguliers soumis au Conseil de sécurité, afin d’assurer le respect des standards internationaux sans remettre en cause la souveraineté marocaine. En s’inspirant des meilleures pratiques internationales en matière d’autonomie, le plan marocain propose une formule adaptée au contexte régional, conciliant souveraineté nationale, droits humains et contrôle international. Il trace ainsi une voie réaliste vers un règlement politique définitif, garantissant les droits des populations sahraouies tout en consolidant l’intégrité territoriale et la souveraineté du Maroc.
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