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Santé : l’opposition dépeint un tableau sombre du secteur

Intervenant lundi à la Chambre des représentants lors de la séance plénière consacrée aux questions de politique générale, Aziz Akhannouch s’est employé a démontrer, chiffres à l’appui, l’amélioration de l’offre de soins et la consolidation des infrastructures sanitaires. Sauf que le discours du Chef du gouvernement n’a visiblement pas convaincu et les partis de l’opposition se sont fait un point d’honneur à rappeler les dysfonctionnements et insuffisances qui marquent la gestion du secteur. Entre plans mal ficelés, pénurie chronique de ressources humaines et promesses non tenues, la politique sanitaire actuelle apparaît de plus en plus en décalage avec les attentes pressantes des citoyens, ont martelé les députés de l’opposition.

09 Juillet 2025 À 17:30

Lors de la séance plénière consacrée aux questions de politique générale qui a eu lieu lundi à la Chambre des représentants, les députés de l’opposition ont vertement critiqué le rendement du gouvernement dans le domaine de la santé. Tour à tour, les groupes parlementaires se sont relayés pour dénoncer les multiples défaillances du système de santé, mettant en doute l’efficacité des réformes engagées et la capacité de l’Exécutif à répondre aux attentes des citoyens.

Mohamed Ouzzine: «Nos enfants ne croient plus aux slogans»

Le secrétaire général du parti du Mouvement populaire (MP), Mohamed Ouzzine, a lancé ainsi un réquisitoire sévère contre le gouvernement, pointant une dégradation alarmante du secteur de la santé. Selon lui, ce déclin se manifeste chaque jour dans le désarroi grandissant de la jeunesse marocaine, frappée par la précarité et la perte d’espoir. M. Ouzzine a alerté sur le risque que représente la montée des sentiments de marginalisation, évoquant les mouvements sociaux qui ont éclaté à Salé, Fnideq ou ailleurs, comme autant de signaux d’alerte qui appellent à une écoute urgente. «Nos enfants, a-t-il lancé, ne croient plus aux slogans. Ils fuient la réalité: l’école, le travail, les soins».

Dépeignant un secteur miné par de profondes défaillances structurelles – pénurie criante de ressources humaines, équipements vétustes, projets mal planifiés –, M. Ouzzine s’est également moqué d’un phénomène qu’il qualifie de «fuite des responsables vers les cliniques étrangères». Et de s’interroger, non sans ironie: «Comment un simple citoyen pourrait-il avoir foi en un hôpital public alors que ses propres dirigeants le fuient ?»

Des promesses qui s’évaporent

Alors que l’Exécutif enchaîne les promesses de réforme – généralisation de la carte «Ramed» reconfigurée, aides directes à la maternité ou aux personnes âgées –, le secrétaire général du MP s’est interrogé sur le sort de ces engagements restés, selon lui, «sans lendemain». Il a réclamé des excuses publiques aux Marocains: «Les vrais leaders n’ont pas honte de reconnaître leurs échecs». Pour illustrer «l’ampleur des dysfonctionnements» du secteur de la santé, il a évoqué les centres de santé à l’abandon dans les zones enclavées, les étudiants contraints de se former dans des facultés dépourvues d’infrastructures, ou encore les ambitions affichées pour la télémédecine dans des régions privées de couverture numérique minimale.

Abderrahim Chahid: «Des hôpitaux qui ressemblent à des gares routières»

De son côté, le président du groupe socialiste à la Chambre des représentants, Abderrahim Chahid, a accusé le gouvernement de renier ses promesses électorales, dénonçant une série de manquements à ses engagements. Il a souligné que le budget alloué à la santé – malgré son renforcement – restait en deçà des besoins réels. Et de rappeler qu’Akhannouch avait promis de faire des hôpitaux provinciaux des structures autonomes et attractives pour les citoyens. Or, dans les faits, ces établissements, a-t-il déploré, se contentent souvent de transférer les patients vers d’autres hôpitaux, ce qui les réduit à de simples «stations de tri».

Le député USFP a également pointé du doigt la non-respect de l’engagement relatif au «médecin de famille», censé assurer le suivi de 300 à 400 familles par praticien. Quant à la surveillance médicale obligatoire des femmes enceintes, là aussi, le secteur public n’a pas été à la hauteur, a-t-il ajouté. M.Chahid a également dénoncé l’échec du gouvernement à alléger le fardeau financier des Marocains en matière de santé publique, notamment par le biais de la carte sanitaire numérique. À cela s’ajoute le projet de télémédecine, qui n’a pas non plus connu une avancée significative. Le député socialiste a en outre fustigé l’état des véhicules d’urgence, affirmant que «le Maroc ne possède pas de véritables ambulances, seulement des véhicules portant cette étiquette, mais dépourvus des équipements nécessaires». Et de conclure, avec amertume: «Le vrai patron du secteur, aujourd’hui, c’est l’agent de sécurité», allusion faite à son rôle en tant que maître incontesté régulant le flux des patients, au gré de ses humeurs et de ses intérêts, à l’entrée des établissements hospitaliers.

Rachid Hammouni: «Vers un échec de la couverture sanitaire universelle ?»

Le chef du groupe parlementaire du Parti du progrès et du socialisme, Rachid Hammouni, s’est dit pour sa part vivement inquiet du sort du chantier de la couverture sanitaire universelle, menacé, selon lui, de sombrer dans l’échec à cause d’un ensemble de dysfonctionnements non résolus. Il a interrogé, dans ce sens, le Chef du gouvernement sur les raisons pour lesquelles 8,5 millions de Marocains restent en dehors du système de couverture médicale. Il a aussi critiqué les critères d’éligibilité au «score social» qui prive certaines catégories de l’accès aux soins, ainsi que le chaos régnant dans le secteur privé. M. Hammouni a enfin mis en garde contre un «épuisement des caisses de couverture» et la montée en flèche des coûts, notamment à travers des protocoles médicaux inadaptés. Il a estimé que 80% des remboursements bénéficiaient au secteur privé, une situation qui met à mal la finalité même du système de santé publique.

Mustapha Ibrihimi fustige le gouvernement pour ses retards

Le député Mustafa Ibrahimi, membre du groupement parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD), a vivement critiqué quant à lui l’Exécutif pour sa gestion du chantier de la protection sociale. M. Ibrahimi a accusé le gouvernement de ne pas avoir respecté le calendrier fixé par Sa Majesté le Roi pour la mise en œuvre de ce projet stratégique. Il a ainsi affirmé: «Nous avons alerté à plusieurs reprises sur les dysfonctionnements dans la mise en œuvre de la protection sociale», dénonçant le discours rassurant du Chef de l’Exécutif, qu’il juge déconnecté de la réalité. Selon lui, contrairement à l’affirmation du gouvernement, la généralisation de la couverture sanitaire, censée être achevée en 2022, ne concerne à ce jour que 75% de la population. Le député PJD a par ailleurs reproché à l’Exécutif de dilapider les deniers publics, affirmant que 70 à 80% des fonds dédiés à la couverture sanitaire bénéficient actuellement au secteur privé, en contradiction avec «la philosophie même de la protection sociale, selon laquelle le secteur public doit être le garant fondamental de la dignité du citoyen».

Hôpitaux en crise et industrie pharmaceutique menacée

Pour le parlementaire, cette orientation compromet gravement la pérennité des hôpitaux publics, désormais réduits à une part de seulement 7,5% des dépenses de soins couvertes. Mustafa Ibrahimi a également évoqué un «exode forcé des malades vers le privé», et une chute inquiétante du taux d’occupation des établissements publics, de l’ordre de 40 à 50%.
Enfin, M. Ibrahimi a reproché au gouvernement de porter atteinte à l’industrie pharmaceutique nationale, en supprimant les droits de douane sur les médicaments dans la loi de Finances 2025. Selon lui, cette mesure encouragera les importations au détriment de la production locale, menaçant ainsi «la souveraineté pharmaceutique».

Akhannouch: le gouvernement vise à augmenter graduellement les effectifs du personnel de santé à plus de 90.000 à l'horizon 2026

Le gouvernement vise à augmenter graduellement les effectifs du personnel de santé à plus de 90.000 à l’horizon 2026, a affirmé, lundi, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. Dans un exposé présenté lors de la séance plénière consacrée aux questions orales sur la politique générale, axée sur «Le système sanitaire national, entre les réalisations actuelles et les aspirations futures», M. Akhannouch a indiqué que le gouvernement avait conclu un accord-cadre pour augmenter les effectifs du personnel du secteur de la santé, dans la droite ligne des efforts visant à pallier le déficit actuel dans les ressources humaines, dans l’objectif de dépasser le seuil de 24 professionnels pour chaque 10.000 habitants, pour de le porter à 45 en 2030. La mise à niveau d’un système de santé performant passe obligatoirement par le renforcement des ressources humaines et la formation des professionnels de la santé, a-t-il relevé, ajoutant que l’augmentation du personnel du secteur fait partie intégrante de cette politique gouvernementale ambitieuse, à même de répondre aux besoins en personnel qualifié.

Pour asseoir ce projet ambitieux, le gouvernement a mis en place une nouvelle architecture pour la formation de base, à travers la création de trois Facultés de médecine et de pharmacie et trois Centres hospitaliers universitaires à Errachidia, Béni Mellal et Guelmim, a-t-il rappelé. Grâce à ces efforts, la capacité d’accueil des postes pédagogiques dans les Facultés de médecine et de pharmacie et de médecine dentaire s'est appréciée de 88% en 2024 par rapport à 2019, a-t-il poursuivi, ajoutant que le gouvernement s’employait à augmenter cette capacité pour atteindre 7.543 postes à partir de 2027, comme prévu dans l’accord-cadre.

En outre, la capacité d’accueil des Instituts supérieurs des professions infirmières et techniques de santé a été également portée de 4.000 postes en 2021-2022 à plus de 7.000 postes en 2023-2024, soit une hausse de près de 75%, a-t-il fait savoir. Dans le même sens, le gouvernement poursuit son action soutenue pour renforcer le système de formation médicale, en réduisant la durée de formation dans les Facultés de médecine de 7 à 6 ans à partir de l’année académique 2022-2023, afin de pallier le déficit lié aux ressources humaines médicales, a-t-il relevé.

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