Yousra Amrani
07 Octobre 2025
À 19:29
Avec son calme habituel, le ministre de la
Santé et de la protection sociale,
Amine Tahraoui, a choisi d’ouvrir
l’émission spéciale diffusée lundi soir sur la deuxième chaîne nationale en rappelant la décision annoncée quelques heures plus tôt par le biais d’un communiqué : transmettre au parquet compétent le dossier relatif aux décès enregistrés à l’
hôpital Hassan II d’Agadir.
« Le ministère de la santé et de la protection sociale a achevé les investigations menées par son inspection générale concernant les décès enregistrés récemment dans cet établissement public. Le rapport d’enquête a été transmis au parquet compétent, et les responsables mis en cause ont été suspendus à titre conservatoire, dans l’attente des conclusions des enquêtes judiciaires et administratives en cours », a souligné le ministre.
La santé, « priorité absolue» du gouvernement
Conscient de l’émoi, mais aussi des tensions suscitées par ce drame au sein de l’opinion publique, le ministre a voulu, tout au long de cette émission, adopter un ton à la fois rassurant et conciliant. Il a tenu à rappeler que la santé était et demeurerait « une priorité absolue » dans l’action du gouvernement. C’est pourquoi la priorité est accordée d’abord au renforcement de l’accès aux soins. À cet effet, la stratégie du ministère vise, a-t-il précisé, à doter chaque région du Royaume d’un Centre hospitalier universitaire (CHU).
« Cette feuille de route prendra du temps, mais l’état d’avancement des chantiers des CHU d’Agadir et de Laâyoune est satisfaisant. Il ne faut pas oublier non plus que le ministère a consenti un investissement global de plus de 6,4 milliards de dirhams pour la réhabilitation de 1.400 centres de santé de proximité, dont 1.000 sont déjà opérationnels, le reste devant l’être d’ici la fin de l’année 2026 », a souligné le ministre.
« Pas d’avantages à un secteur déjà favorisé »
Réagissant à la polémique sur les incitations offertes au secteur privé (les cliniques) dans le cadre de la Commission gouvernementale de l’investissement, le ministre a tenu à expliquer que ces incitations s’inscrivent dans la mise en œuvre du chantier de la protection sociale. Toutefois, il a estimé que cette démarche, examinée de près, n’était pas équitable.
« Est-il nécessaire d’encourager un secteur déjà favorisé ? Je pense que ce volet doit être revu, car l’appui public doit avant tout renforcer le secteur public, qui assume l’essentiel de la prise en charge des citoyens », a-t-il insisté.
Miser sur l’humain et sur la réforme universitaire
Abordant le problème de la pénurie de ressources humaines, Amine Tahraoui a reconnu qu’il s’agissait d’une difficulté structurelle, héritée de plusieurs années, dont le rattrapage nécessitera du temps.
« C’est une situation héritée qu’il faudra gérer, mais nous essayons de combler le retard en formant davantage de médecins », a-t-il déclaré, rappelant l’augmentation de 20 % du nombre d’étudiants en médecine et la réduction du cursus de sept à six ans.
Il a souligné qu’au cours des deux dernières années, des efforts importants ont été consentis : 300 médecins ont été recrutés en 2023, 400 en 2024, et 500 spécialistes supplémentaires seront bientôt déployés dans les régions en déficit, portant à 1 200 le nombre total de nouveaux spécialistes d’ici 2025.
Ces efforts, a-t-il ajouté, s’accompagnent de l’adoption de nouveaux critères dans le cahier des charges des hôpitaux publics afin de mieux gérer le personnel et de restaurer la confiance des citoyens.
La numérisation, pilier de la modernisation
Évoquant le chantier de la numérisation du système de santé, le ministre a souligné les progrès accomplis : « Un projet national est en cours pour connecter les hôpitaux et les centres de soins à un système d’information unifié, permettant le suivi des dossiers médicaux, des rendez-vous et des traitements. L’expérimentation, déjà lancée dans la région Tanger–Tétouan–Al Hoceima, sera bientôt généralisée », a-t-il indiqué.
Le responsable gouvernemental a également mis en avant un autre chantier majeur : la révision des anciens tarifs médicaux. « Actuellement, le tarif d’une visite médicale chez la CNSS est de 150 dirhams, alors que le prix réel a pratiquement doublé. Nous nous penchons sur cette question avec la CNSS, tout en examinant la possibilité d’adopter une ordonnance électronique qui permettra aux patients d’accéder plus facilement aux médicaments et aux soins, sans avoir à déposer les cartons et les prospectus des médicaments, afin d’alléger les démarches pour les malades et pour les services de la CNSS », a-t-il ajouté.
Sécurité dans les hôpitaux : «Tolérance zéro»
Interpellé sur les dépassements constatés dans certains hôpitaux publics et imputés à des agents de sécurité, le ministre a reconnu l’existence de telles pratiques, tout en les attribuant en partie à la précarité et à la faible rémunération de ces agents. « Diriger le cheminement des patients ou les faire chanter demeure toutefois inacceptable », a-t-il martelé.
Dans ce sens, il a annoncé une révision complète des contrats des sociétés de gardiennage, d’accueil et de nettoyage, afin de garantir la qualité des services et la dignité des patients. « Les nouveaux cahiers des charges imposeront désormais des conditions plus strictes et une expérience avérée aux entreprises prestataires », a-t-il affirmé.
Réponse aux accusations de favoritisme
Enfin, le ministre a tenu à démentir catégoriquement les accusations formulées par certains partis d’opposition, qui soupçonnent des interventions en faveur d’entreprises particulières.
« Les marchés sont publiés sur le portail officiel, gérés par les directions régionales et surveillés par le ministère », a-t-il déclaré, réaffirmant que la transparence est au cœur des procédures d’attribution.
Au-delà de la crise suscitée par le drame d’Agadir, l’intervention d’Amine Tahraoui a pris la forme d’un plaidoyer pour un système de santé plus équitable, plus transparent et plus moderne. « La réforme en cours, qui conjugue investissements massifs, modernisation des infrastructures, numérisation et mise à niveau des ressources humaines, vise à rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions », a-t-il conclu.