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Sûreté ferroviaire : comment le Maroc est devenu un modèle africain

Du 2 au 4 décembre 2025, le 20ᵉ Congrès mondial de l’Union internationale des chemins de fer (UIC) sur la sûreté ferroviaire se tient à Rabat, sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Organisée par l’Office national des chemins de fer en collaboration avec l’UIC, cette édition, placée sous le thème «La sûreté ferroviaire de demain : combiner les personnes et la technologie», réunit responsables de réseaux, décideurs publics et experts internationaux. Les échanges ont ainsi fait converger les regards institutionnels, l’expérience de terrain et le savoir-faire international, dessinant une lecture transversale des enjeux actuels de la sûreté ferroviaire, entre impératifs nationaux, exigences opérationnelles et défis de coordination à l’échelle mondiale.

03 Décembre 2025 À 18:42

Du 2 au 4 décembre 2025, le 20ᵉ Congrès mondial de l’Union internationale des chemins de fer sur la sûreté ferroviaire se tient à Rabat, sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Organisée par l’Office national des chemins de fer (ONCF) en collaboration avec l’UIC, cette édition, placée sous le thème «La sûreté ferroviaire de demain : combiner les personnes et la technologie», réunit responsables de réseaux, décideurs publics et experts internationaux. Les échanges ont ainsi fait converger les regards institutionnels, l’expérience de terrain et le savoir-faire international, dessinant une lecture transversale des enjeux actuels de la sûreté ferroviaire, entre impératifs nationaux, exigences opérationnelles et défis de coordination à l’échelle mondiale.

L’attention portée à la sûreté ferroviaire ne relève plus seulement d’une exigence technique : elle touche désormais au cœur même de la fiabilité des réseaux et de la confiance des usagers. Entre protection des personnes, sécurité des infrastructures et intégration des outils technologiques, le rail se trouve à la croisée d’enjeux multiples qui redéfinissent ses modes d’organisation et de vigilance. C’est cette recomposition profonde des logiques de sûreté qui a nourri les échanges et les débats lors de ce 20ᵉ Congrès mondial de l’Union internationale des chemins de fer tenu à Rabat.

Un secteur stratégique au cœur de l’économie nationale

En ouverture de cet événement, Abdessamad Kayouh, ministre du Transport et de la logistique, a mis en avant la portée stratégique du secteur du transport, en le présentant comme l’un des piliers structurants de l’économie nationale. Pour en donner toute la mesure, il s’est appuyé sur des repères chiffrés, résumant toute son importance : «Il contribue à hauteur de 10% au PIB, absorbe environ 38% de la consommation nationale d’énergie et emploie près de 10% de la population active.»

Au-delà de leur valeur, ces données traduisent, selon le ministre, une réalité plus profonde : la fonction structurante du transport dans la trajectoire de développement du Royaume. Cette dynamique, a-t-il souligné, s’inscrit dans une transformation déjà engagée, portée par «une volonté nationale distincte : celle de redessiner le visage d’un Maroc fort de ses réalisations et de ses ambitions, dans le cadre du nouveau modèle de développement à l’horizon 2035», laquelle se décline notamment à travers le renforcement de la connectivité des territoires et une refonte progressive des modes de mobilité des personnes et des biens.

Réformes, grands chantiers et investissement ferroviaire

Dans le prolongement de son intervention, le ministre a rappelé que le secteur avait connu, au cours des deux dernières décennies, une phase de réformes profondes, accompagnée d’un rythme d’investissement soutenu, dans le sillage de la politique des grands chantiers initiée sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Cette orientation s’est traduite, a-t-il précisé, par «le développement du secteur ferroviaire à travers un programme d’investissement ambitieux, d’une enveloppe budgétaire de 96 milliards de dirhams».
Cet effort financier inédit a été particulièrement souligné par Mohamed Rabie Khlie, directeur général de l’ONCF, qui a cité le projet de la ligne à grande vitesse Kénitra–Marrakech sur 430 kilomètres, la réalisation de 250 kilomètres de dessertes de proximité de type RER à Rabat, Casablanca et Marrakech, ainsi que l’acquisition programmée de 168 nouvelles rames dans le cadre du projet PARAM, destiné à la modernisation et à l’expansion du parc roulant.

La sûreté ferroviaire, d’une fonction à un système intégré

En toute logique, la sûreté ferroviaire se trouve au cœur de ce chantier d’envergure. Selon M. Kayouh «l’engagement du Royaume en matière de sûreté ferroviaire s’inscrit dans une vision globale de sécurité et de protection des personnes, des biens et des infrastructures». Plus concrètement, a-t-il précisé, cette orientation se traduit par la modernisation continue des systèmes de surveillance, le renforcement du capital humain à travers la formation et le développement des compétences, ainsi que par la mise en place de structures spécialisées de coordination, le tout dans un cadre aligné sur les standards internationaux, avec pour finalité

«d’assurer un transport ferroviaire fiable, résilient et accessible à tous».

Dans cet ordre d’idées, le ministre a exposé l’architecture du dispositif déployé, fondée sur l’action de la Police ferroviaire, l’appui d’un réseau structuré d’agents de surveillance, un arsenal technologique modernisé et un Centre de sûreté centralisé. Et M. Kayouh d’insister : «La sûreté n’est plus une fonction isolée, mais un véritable système, alliant expertise humaine et technologies intelligentes».

Le dispositif opérationnel de l’ONCF : une architecture de sûreté structurée

De son côté, le directeur général de l’Office National des Chemins de Fer, a souligné que l’architecture de sûreté déployée par l’Office reposait sur un dispositif humain et territorial solidement structuré, mobilisant près de 190 agents assermentés de la Police ferroviaire, une cinquantaine de superviseurs, ainsi que près de 1.400 agents de surveillance répartis à l’échelle nationale. Ce socle est complété par un maillage organisé autour de dix grands sites de sûreté et par un système de vidéosurveillance dépassant 2.000 caméras, couvrant notamment la LGV Tanger-Casa Voyageurs. Pour M. Khlie, l’année 2018 a marqué une «étape déterminante» puisqu’elle a connu la mise en service du Centre national de sûreté, plateforme intégrée réunissant la Police ferroviaire, la Gendarmerie Royale, la DGSN et les équipes de surveillance.

L’Afrique face au défi de la sûreté ferroviaire

Cet engagement pour la sûreté place le Maroc en locomotive à l’échelle du continent. Mohamed Rabie Khlie a rappelé à juste titre les résultats de l’étude «Africa Rail 2063», laquelle a dressé un état des lieux précis : seuls 8% des réseaux africains disposent aujourd’hui d’une véritable structure de sûreté, tandis que 12% en amorcent progressivement la mise en place et que 80% demeurent exposés à une forte vulnérabilité. Ce diagnostic appelle selon le haut responsable marocain une mobilisation collective, fondée à la fois sur l’effort d’investissement, la montée en compétence, le renforcement des cadres réglementaires et l’ancrage durable d’une culture de sûreté.

En écho à cette lecture continentale, Abdessamad Kayouh a rappelé que «la sûreté ferroviaire constitue un défi majeur pour l’ensemble de l’Afrique», soulignant la nécessité de dispositifs robustes, capables d’anticiper l’évolution des risques et d’accompagner la transformation progressive des réseaux ferroviaires du continent.

Sécurité, sûreté et coopération internationale : la lecture de l’UIC

Pour sa part, François Davenne, le directeur général de l’UIC, a replacé la sûreté ferroviaire dans une dialectique essentielle propre au rail : celle de la sécurité et de la sûreté, deux responsabilités indissociables envers les usagers. «La sécurité est une priorité historique des chemins de fer [...] la sûreté, en revanche, est confrontée à des menaces qui évoluent presque quotidiennement», a-t-il expliqué, donnant ainsi tout son sens à la tenue régulière d’un congrès mondial dédié à ces enjeux. Il a, à ce titre, souligné la portée hautement symbolique du choix de l’Afrique et du Maroc pour accueillir cette édition, rappelant qu’il s’agit de la première organisation du congrès sur le continent africain. Dans la même optique, il a mis en lumière le rôle central du hub international d’échange d’informations mis en place par l’UIC, véritable plateforme de veille, d’analyse et de coordination face aux menaces émergentes.

En conclusion, François Davenne a insisté sur la valeur stratégique de cette coopération permanente, affirmant que «c’est cette capacité d’anticipation collective [...] qui permet de maintenir un système ferroviaire globalement très sûr et résilient».

«Combiner les personnes et la technologie» : un tournant stratégique

Abondant dans le même sens, Mohamed Rabie Khlie est revenu sur le thème central du congrès, «La sûreté ferroviaire de demain : combiner les personnes et la technologie», rappelant que la sûreté ne saurait plus être appréhendée sous un seul angle technique. Elle constitue désormais, a-t-il souligné, un enjeu à la fois stratégique, opérationnel et humain, appelant à une approche prédictive et proactive dans un environnement marqué par la digitalisation des systèmes, l’essor de l’intelligence artificielle et l’évolution continue des menaces. À ce titre, il a qualifié cette 20ᵉ édition de moment charnière pour repenser les modèles de résilience du secteur ferroviaire. Au terme de cette séquence inaugurale, les différentes interventions ont esquissé les contours d’une architecture cohérente de la sûreté ferroviaire, articulée entre ambition nationale, responsabilité continentale et exigence de coopération internationale.
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