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"Marche de la dignité" à Aït Bouguemez : Akhannouch renvoie la balle aux élus locaux

Interpellé par les conseillers parlementaires sur la situation alarmante dans la vallée de Aït Bouguemez enclavée du Moyen Atlas, le chef du gouvernement a choisi de minimiser la portée sociale de la protestation, accusant le président de la commune de récupération politique. Une posture qui suscite l'indignation de l’opposition.

16 Juillet 2025 À 16:15

La récente marche de protestation organisée par les habitants d’Aït Bouguemez, dans la province d’Azilal, a trouvé un écho à la Chambre des conseillers, mardi dernier, lors de la séance mensuelle consacrée aux politiques publiques. Les groupes parlementaires de l’opposition ont interpellé le chef du gouvernement sur les conditions économiques et sociales de cette région montagneuse, soulignant les difficultés liées à l’enclavement, à l’accès aux services de base et au manque d’infrastructures.

En réponse, Aziz Akhannouch a estimé que cette mobilisation relevait d’une forme de « récupération politique » par le président de la commune locale, qu’il a désigné comme principal responsable du retard des projets de développement dans la zone. « Le médiateur politique local doit défendre les projets. S’il ne le fait pas, c’est lui le responsable », a-t-il déclaré.

Le chef du gouvernement n’a pas annoncé de mesures spécifiques en réponse aux revendications exprimées par les manifestants. Il a rappelé que « les projets de développement concernent toutes les provinces » et ajouté que « tout viendra en temps voulu ». Une formule jugée insuffisante par certains conseillers, qui ont exprimé leur déception face à l’absence d’engagements clairs.

Interrogé sur sa connaissance du terrain, Aziz Akhannouch a indiqué avoir séjourné à Aït Bouguemez « pendant deux nuits », tout en suggérant que certains parlementaires ne connaissaient pas bien la région. Ce passage de son intervention a été critiqué par plusieurs membres de l’opposition, qui y ont vu une mise en cause indirecte de leur légitimité à soulever les préoccupations des citoyens.

Les échanges ont mis en lumière des divergences sur la répartition des responsabilités en matière de développement territorial. Pour une partie des élus, les collectivités locales ne disposent pas toujours des moyens nécessaires pour répondre aux attentes des habitants, ce qui appelle, selon eux, une implication renforcée de l’État.

Premiers signes d’une réponse aux revendications ?

Un médecin nouvellement affecté, des travaux pour renforcer la couverture mobile... Après la marche citoyenne, les autorités locales semblent amorcer un début de réponse aux doléances des habitants. Les habitants de la commune de Tabant ont accueilli une nouvelle attendue depuis longtemps : un nouveau médecin a rejoint officiellement le centre de santé local et a commencé à exercer ses fonctions. Ce n’est pas qu’un simple acte administratif, mais une mesure concrète dans une région marquée par des années de précarité sanitaire. Ce renforcement du personnel de santé intervient comme l’une des premières réponses visibles à la marche de protestation inédite organisée par les habitants, qui ont parcouru à pied près de 80 kilomètres jusqu’au siège de la préfecture d’Azilal. Une mobilisation qui a conduit le gouverneur Hassan Benkhiyi à recevoir une délégation représentant les différents douars, venue soumettre une liste de revendications : accès aux soins, couverture téléphonique, éducation et désenclavement.

Dans le douar reculé d’Aït Imi, difficilement accessible en véhicule, les équipements nécessaires à l’installation d’un relais de téléphonie mobile sont arrivés... à dos de mulet. Une image à la fois révélatrice de l’isolement de la région et porteuse d’espoir. Les travaux ont débuté pour renforcer le réseau mobile et Internet, avec l’objectif d’étendre la couverture aux douars d’Arbatt, Abqlion et Akourbi. Toutefois, les interruptions fréquentes de la connexion rappellent que l’accès généralisé reste encore à concrétiser.

Selon des sources concordantes, le nouveau gouverneur d’Azilal a réagi rapidement aux sollicitations de la population, en recevant une commission de dialogue représentant l’ensemble des douars de la vallée. La rencontre a abouti à des engagements écrits autour de plusieurs priorités : amélioration des pistes rurales, renforcement des services de santé et d’éducation, étude de projets de barrages collinaires pour limiter les crues de l’oued local, accélération du déploiement du réseau Internet, et réouverture du centre de formation en tourisme de montagne, fermé depuis dix ans.

Entre les messages de bienvenue adressés au médecin, les premières installations du relais mobile et les engagements de l’administration, un espoir prudent se dessine à Aït Bouguemez. Les habitants, pour leur part, ne réclament pas l’impossible, seulement leur droit à des services publics dignes, et à ne plus être relégués aux marges des politiques de développement.

Réputée pour sa beauté naturelle et son attrait touristique, la vallée d’Aït Bouguemez formule depuis plusieurs années des revendications en faveur d’un développement plus inclusif, axé sur les infrastructures, l’éducation, la santé et le désenclavement. La marche organisée récemment, qualifiée de « marche de la dignité » par ses participants, a ravivé le débat sur les disparités régionales et la nécessité d’une stratégie adaptée aux réalités des zones de montagne.
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