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Casablanca : La disparition d’un pan d’histoire à El Hank suscite l’émotion

La silhouette familière du plus ancien immeuble résidentiel du quartier El Hank, à Casablanca, n'est plus qu'un souvenir. Depuis vendredi, les pelleteuses ont eu raison de cette bâtisse historique qui date du début des années 1950, sous les regards désolés de ses habitants, tiraillés entre tristesse et résignation.

Ph. Seddik

15 Février 2025 À 18:10

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Quelques semaines avant la démolition, les occupants de l’immeuble "La municipalité" avaient reçu une notification les sommant de quitter les lieux sous un délai de 15 jours. Une annonce brutale qui a laissé place à une vague d’inquiétude parmi ces familles, dont plusieurs générations avaient élu domicile dans ces murs chargés d’histoire. "C’est un véritable choc pour nous. La plupart d’entre nous sont nés et ont grandi ici. Cet immeuble accueillait autrefois des employés du secteur public, notamment de la commune et de la préfecture", confie un résident, le regard empli de nostalgie.

Si les autorités ont proposé des solutions de relogement, celles-ci s’accompagnent de conditions financières qui ne font pas l’unanimité. Selon des sources, les habitants, qui payaient un loyer très bas, entre 80 et 120 DH par mois, doivent débourser environ 100.000 dirhams pour accéder à un logement économique d’une valeur de 300.000 dirhams, situés dans les quartiers périphériques d’Errahma ou Bouskoura. Un montant qui constitue un obstacle pour de nombreuses familles aux revenus modestes, d’autant plus qu’aucune indemnisation n’est prévue pour les occupants des bâtiments déclarés menaçant ruine.

Au-delà des pertes matérielles, cette opération de démolition bouleverse des vies, notamment celles des enfants encore scolarisés dans le quartier. "Nous sommes démunis face à cette décision, car nos enfants étudient ici. Comment leur imposer un changement d’établissement en plein milieu d’année scolaire ? ", s’interroge une mère de famille. "J'ai passé toute ma jeunesse dans cet immeuble et ce quartier proche du centre ville de Casablanca où je travaille. Maintenant, nous sommes obligés de déménager dans un quartier loin de tout. Il va nous falloir un temps d'adaptation, ce n'est pas facile pour nous", regrette un autre jeune habitant.

Cette démolition s’inscrit dans un vaste projet de réhabilitation urbaine visant à moderniser les quartiers emblématiques de Casablanca, notamment Ain Diab et ses environs. Ces zones, devenues stratégiques sur le plan touristique, subissent une transformation rapide, marquée par la disparition progressive d’immeubles anciens et informels. Mais si la volonté d’embellir la métropole et d’en renforcer l’attractivité économique est compréhensible, elle soulève aussi la question de la préservation du patrimoine urbain et du droit des habitants à une transition juste et équitable.

Le quartier El Hank doit son nom au célèbre phare du même nom construit en 1914 et situé à l’ouest du port de Casablanca. D’abord conçu pour la population juive, le quartier de El hank, conçu en 1952, abritera finalement la communauté ouvrière musulmane. Situé face à la mer, le quartier se compose de 37 barres de logement sur un vaste terrain.

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