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Préserver la forêt de Maâmora : l’ANEF défend son plan malgré les critiques

Alors que certains dénoncent un «rendez-vous manqué», l’Agence nationale des eaux et forêts défend sa stratégie de sauvegarde de la plus grande chênaie-liège au monde, soumise à des pressions multiples.

19 Août 2025 À 15:11

La forêt de la Maâmora, poumon vert de la région de Rabat-Kénitra, se retrouve une fois de plus au cœur des débats. Sa gestion est régulièrement pointée du doigt par les associations locales et les défenseurs de l’environnement, qui jugent les efforts de préservation trop timides face à l’ampleur des menaces. Certains vont jusqu’à parler d’un «rendez-vous manqué», estimant que l’État peine à enrayer le déclin de ce patrimoine naturel exceptionnel. De son côté, l’Agence nationale des eaux et forêts (ANEF) refuse ce constat pessimiste. Loin de l’image d’abandon, elle met en avant une série d’actions inscrites dans la stratégie nationale 2022-2027, qui font de la Maâmora un chantier prioritaire de régénération forestière.

Un patrimoine naturel sous tension

Avec ses 133.000 hectares, dont près de 60.000 de chênes-lièges, la Maâmora est considérée comme la plus vaste chênaie-liège continue du monde. Elle joue un rôle écologique et social majeur : régulation du climat local, protection des sols, accueil d’une biodiversité riche, sans oublier sa fonction récréative pour des milliers de citadins. Pourtant, ce patrimoine est fragilisé. L’urbanisation accélérée grignote ses marges. Des pratiques informelles d’exploitation du bois, le surpâturage, les incendies saisonniers et les dépôts sauvages de déchets contribuent à sa dégradation. À ces pressions directes s’ajoute un phénomène plus insidieux : le vieillissement des peuplements de chênes-lièges, qui rend nécessaire un vaste travail de régénération.

Réponses de l’ANEF : régénérer et protéger

Face à ces défis, l’ANEF affirme déployer des moyens conséquents. Neuf gardiens forestiers ont été affectés à la surveillance, et plus de 100 km de pistes ont été valorisés pour faciliter l’accès et renforcer la lutte contre les feux. Des clôtures sont progressivement installées pour limiter l’intrusion de véhicules et d’activités illégales. Côté reboisement, plusieurs opérations de régénération sylvicole sont menées dans les zones les plus dégradées. L’objectif est double : renouveler les peuplements et accroître la résilience de la forêt face aux changements climatiques. La question des déchets, l’un des points noirs de l’image de la Maâmora, fait l’objet de conventions spécifiques avec les communes voisines. Une enveloppe de 15 millions de dirhams a été allouée à l’amélioration de la gestion des ordures, en coordination avec les collectivités locales.

La stratégie nationale 2022-2027

Ces mesures s’inscrivent dans un plan plus vaste. La stratégie nationale des forêts prévoit la régénération de 133.000 hectares d’ici 2026, dont la Maâmora constitue un site emblématique. L’approche prônée est celle d’une gestion durable et participative, associant services publics, chercheurs, société civile et communautés locales. Pour l’ANEF, il ne s’agit pas seulement de préserver la biodiversité, mais aussi de donner une valeur économique et sociale à la forêt. Le liège, par exemple, reste une filière stratégique : il alimente une industrie nationale en quête de relance et peut contribuer à la création d’emplois.

Un équilibre difficile entre attentes et temporalité

Malgré les actions engagées, les critiques demeurent vives. Associations et habitants de la région reprochent à l’État la lenteur des résultats visibles. Les déchets sont encore omniprésents dans certaines clairières, les constructions sauvages progressent et la fréquentation incontrôlée du site laisse des traces. L’ANEF répond en rappelant que la régénération forestière n’est pas une opération immédiate. «Ce sont des chantiers de temps long, qui demandent patience et suivi», assure une source proche du dossier. L’agence insiste également sur les premiers résultats tangibles : amélioration de la couverture végétale dans certaines zones, renforcement des équipes de surveillance et meilleure coordination avec les collectivités.

Un enjeu citoyen et national

Au-delà des aspects techniques, la Maâmora symbolise le rapport que la société marocaine entretient avec son environnement. La réussite du projet ne dépendra pas uniquement des moyens publics, mais aussi de l’adhésion des citoyens : respect des espaces naturels, gestion des déchets, sensibilisation des jeunes générations. En ce sens, l’ANEF insiste sur la nécessité d’impliquer les associations locales, les chercheurs et les habitants dans un projet qui dépasse la seule dimension écologique. La forêt doit être pensée comme un espace partagé, à la fois lieu de loisir, de production durable et de protection de la biodiversité.

Entre inquiétudes et espoirs

Si certains continuent de parler d’échec, d’autres préfèrent y voir une étape dans un processus de long terme. Le pari de la régénération durable ne pourra être jugé que dans quelques années, lorsque les nouvelles plantations auront pris racine, que la biodiversité aura retrouvé un certain équilibre et que les riverains auront constaté une amélioration concrète de leur cadre de vie. En attendant, la Maâmora demeure à la fois un défi et une promesse : celui d’un Maroc capable de concilier urbanisation, développement économique et sauvegarde de son patrimoine naturel.
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