Société

L’éducation financière, un levier d’inclusion économique : un projet pilote à Oujda

Dans un contexte de digitalisation et de démocratisation des services financiers, l’éducation financière devient un enjeu majeur. L’Université Mohammed 1er d’Oujda, en partenariat avec la Bourse de Casablanca, met en place un programme structurant pour former les étudiants aux marchés financiers et à l’investissement, avec des outils innovants et des formations de pointe.

04 Mars 2025 À 13:10

L’éducation financière est devenue un levier essentiel pour favoriser l’inclusion économique et renforcer la culture boursière. Au Maroc, à l’heure où l’accès aux services financiers se démocratise et où de nouveaux outils d’investissement émergent, il devient essentiel de sensibiliser les citoyens à la gestion budgétaire, à l’épargne et aux mécanismes de financement. Une population mieux formée financièrement est non seulement plus apte à prendre des décisions éclairées, mais elle contribue également à renforcer la stabilité du système économique et à encourager l’entrepreneuriat.

Dans ce contexte, plusieurs initiatives visent à améliorer la culture financière, notamment par le biais de formations académiques et professionnelles. L’objectif est de permettre aux jeunes, aux entrepreneurs et aux particuliers de mieux comprendre les enjeux financiers et de s’intégrer efficacement dans un marché en constante évolution.


Un projet structurant porté par l’Université Mohammed 1er d’Oujda et la Bourse de Casablanca

Conscient de ces enjeux, l’Université Mohammed 1er d’Oujda, en partenariat avec la Bourse de Casablanca, a lancé la semaine dernière un projet ambitieux visant à renforcer l’éducation et l’inclusion financières dans la région de l’Oriental. Cette initiative a été officialisée lors du premier Congrès international de «La Finance et l’IA», qui a réuni des acteurs clés du monde financier et académique.

«Avec 7% de la population marocaine et 11,5% du territoire national, la région de l’Oriental est en plein essor économique, portée par des projets structurants tels que le port de Nador West Med, le développement des énergies renouvelables et l’essor du secteur industriel et touristique. Dans cette dynamique, doter les jeunes générations d’une solide culture financière devient un impératif pour accompagner cette transformation économique», indiquent les initiateurs de ce projet.

Le 18 février dernier, un accord a été signé entre Tarik Senhaji, directeur général de la Bourse de Casablanca, et Yassine Zarhloule, président de l’Université Mohammed 1er, en présence de Brahim Benjelloun-Touimi, président du Conseil d’administration de la Bourse de Casablanca, et Noureddine Bachiri, président de la CGEM-Oriental.

«Ce partenariat marque une étape décisive dans notre engagement commun pour l'innovation et l'éducation financière. Nous mobilisons les ressources de la Bourse de Casablanca et de tout notre écosystème pour soutenir l'Université Mohammed 1er et la région de l'Oriental», a déclaré Tarik Senhaji.

Pour Yassine Zarhloule, Président de l’Université Mohammed 1er, l’intelligence artificielle (IA) joue également un rôle clé dans cette transformation : «Nous voulons promouvoir une éducation financière qui intègre l’IA comme un véritable allié. Cette approche permettra à nos étudiants de développer un état d’esprit tourné vers l’innovation et l’analyse des marchés financiers».

Des outils et formations innovantes pour renforcer les compétences financières

L’objectif principal de ce projet est d’offrir aux étudiants des outils modernes pour mieux appréhender les marchés financiers et affiner leurs compétences en matière d’investissement. Pour cela, plusieurs initiatives ont été mises en place. Tout d’abord, les étudiants auront accès à des formations certifiantes délivrées par le Chartered Institute for Securities & Investment (CISI), leur permettant d’acquérir une expertise reconnue en finance. De plus, ils pourront consulter le portail des statistiques de la World Federation of Exchanges (WFE), une base de données précieuse qui leur offrira une analyse détaillée des tendances des marchés boursiers internationaux.

Par ailleurs, une plateforme de trading virtuel «e-bourse» a été développée afin de leur permettre de s’exercer dans des conditions réelles du marché, avec un capital fictif, leur offrant ainsi une immersion pratique et formatrice. Enfin, pour encourager l’accessibilité à ces formations, les étudiants majorants inscrits en Master et en Cycle doctoral bénéficieront d’une prise en charge gratuite, tandis que des tarifs préférentiels seront appliqués aux autres étudiants intéressés.

Et afin de renforcer cette approche immersive, une salle de marché universitaire a été inaugurée à l’ENCG d’Oujda, en partenariat avec la Bourse de Casablanca. Cette salle offrira un espace d’apprentissage avancé où les étudiants pourront analyser les marchés en temps réel et s’entraîner sur des plateformes professionnelles de trading.

L’objectif est de généraliser ce concept à l’ensemble de l’Université Mohammed 1er, pour offrir aux étudiants une formation pratique et professionnalisante, en phase avec les exigences du secteur financier.

Il est à noter que cette initiative s’inscrit dans une vision plus large visant à connecter les formations académiques aux réalités du monde financier et économique. Elle pourrait inspirer d’autres universités marocaines à suivre cette voie, afin de renforcer les compétences financières des jeunes et de contribuer au développement d’une économie plus inclusive et dynamique.

Questions à la directrice du Développement à la Bourse de Casablanca

Zineb Guennouni : «Notre stratégie vise à initier les jeunes aux bases financières, puis à éveiller leur intérêt pour l’investissement»



Le Matin : Ce programme cible-t-il uniquement les étudiants ou envisagez-vous d’intégrer d’autres acteurs comme les entrepreneurs et les travailleurs indépendants ?


Zineb Guennouni : Ce programme cible principalement les étudiants des écoles supérieures et des facultés de l’Université Mohammed 1er et reflète notre engagement renforcé en faveur de la promotion de l’éducation financière, soutenu par une mobilisation collective, impliquant à la fois notre écosystème et une expertise internationale.

Il est à rappeler que dès le début des années 2000, la Bourse de Casablanca a mis en place, à travers l’École de la bourse, des actions de formation, de vulgarisation et de promotion de la finance en tant que discipline et culture.

Pourquoi l’éducation financière est-elle essentielle aujourd’hui, notamment dans une région comme l’Oriental ?

À travers notre partenariat avec l’Université Mohammed 1er, nous couvrons une zone stratégique avec un potentiel économique considérable, qui bénéficie des projets de développement majeurs dans le cadre du chantier de régionalisation avancée et occupe une place centrale dans les politiques publiques (Port de Nador West Med, investissements importants dans les énergies renouvelables et le tourisme).

Les objectifs du nouveau modèle de développement et de la Charte de l’investissement, invitant notamment à inverser la tendance d’investissement pour atteindre 2/3 privé contre 1/3 public, impliquent en amont des ressources humaines qualifiées dans le domaine de la finance et un niveau de savoir et d’expertise élevé. Autrement dit, il est nécessaire d’outiller le jeune public de connaissances et de formations académique en finance. C’est pour cela que nous avons mis en place 22 salles de marché en milieu universitaire, dans différentes régions et nous comptons dupliquer ce modèle dans les 12 régions du Royaume.

Quels sont les principaux défis en matière d’éducation financière au Maroc et comment peut-on y remédier ?

La Bourse de Casablanca a fait de l’éducation financière une orientation stratégique à travers l’École de la Bourse, le Championnat de la Bourse et les salles de marché en milieu universitaire.

Dans le déploiement de notre stratégie, nous nous sommes appuyés sur une approche multipartite impliquant les parties prenantes de notre écosystème afin de favoriser le développement de comportements financiers responsables, contribuer à l’inclusion financière et ériger l’éducation financière comme un levier, de manière à créer des conditions favorables à un plus grand usage des produits financiers, entre autres, chez les étudiants et les jeunes.

Parallèlement à cela, nous avons développé des actions ciblées et pointues pour promouvoir l’éducation financière auprès du jeune public. C’est dans ce sens que nous avons mis en place, en partenariat avec TradingView, notre plateforme e-Bourse dédiée au trading virtuel et le learning by doing qui intègre les dernières avancées technologiques, dont l’Intelligence artificielle (IA) et qui est dédiée aux étudiants et aux personnes intéressées par la bourse. Par ailleurs, nous organisons également chaque année, le Championnat de la Bourse, compétition de trading virtuel interuniversitaire, afin de familiariser les étudiants avec l’investissement boursier. Nous sommes également très impliqués dans les actions menées par la FMEF (Fondation marocaine pour l’éducation financière), dont nous sommes membres, notamment en participant aux journées de la finance pour les enfants et les jeunes.

Pensez-vous que les jeunes sont suffisamment sensibilisés aux concepts de base de la finance et de l’investissement ?

Il y a des jeunes suffisamment sensibles à la finance, d’autres moins et d’autres pas du tout ! Cela dit, des notions comme le trading ont plus le vent en poupe chez les jeunes d’aujourd’hui que chez les moins jeunes. Le mérite revient ici à l’accessibilité de contenus spécifiques sur les réseaux sociaux ; ce qui constitue une réelle opportunité. D’ailleurs, notre stratégie d’inclusion et de formation financières vise d’abord à outiller les jeunes à travers la connaissance des concepts de base, puis dans un second temps, stimuler leur intérêt notamment pour l’investissement à travers des initiatives comme le Championnat de la Bourse ou encore la mise à disposition de salles de marché universitaires.

De manière générale, notre but est de faire connaitre les caractéristiques des produits et services financiers, d’initier à l’usage des produits financiers, de promouvoir un choix éclairé et actif, de guider les épargnants et investisseurs dans les processus décisionnels et systèmes complexes, et les préparer à interagir avec les prestataires de conseils financiers.

Quels outils ou formations spécifiques sont prévus pour améliorer la culture financière des étudiants et des entrepreneurs de la région ?

Ce partenariat constitue un accompagnement portant sur l’éducation financière et la culture boursière, avec l’ambition de promouvoir la recherche scientifique dans les domaines financier et boursier.

Aussi, l’École de la Bourse dispensera une palette étoffée de programmes de formations certifiantes, développées par son partenaire international CISI (Chartered Institue for Securities & Investment), au profit de l’Université Mohammed 1er. Dans cette perspective et afin de favoriser l’excellence, la Bourse de Casablanca offre des formations aux étudiants de l’Université, notamment inscrits en Master et en Cycle doctoral.

Toutes ces initiatives viennent renforcer les efforts de l’AMMC (Autorité marocaine du marché des capitaux), de la FMEF, ainsi que l'ensemble de l'écosystème en la matière.

Comment l’intelligence artificielle peut-elle transformer l’éducation financière et rendre les concepts financiers plus accessibles ?

Concrètement, pour un étudiant, disposer des possibilités offertes par l’IA aujourd’hui équivaut à avoir un professeur personnel en permanence, à domicile, à tout moment de la journée ! C’est révolutionnaire et extrêmement positif, au vu des avantages que les étudiants peuvent en tirer : gain de temps, accès illimité et rapide à la connaissance.

Et l’IA a encore un avenir d’expertise à offrir. Nous sommes dans un monde mutant où la digitalisation et l’IA évoluent très rapidement. Et c’est dans ce cadre que nous estimons important de conjuguer nos efforts à ceux du corps universitaire afin de munir notre jeunesse, qui représente les forces vives de notre pays, d’infrastructures de formation académique qui lui permettent d’aborder le futur avec ce que la technologie peut leur offrir de meilleur.
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