29 Juillet 2013 À 20:39
Le Matin : Quel regard portez-vous sur les réformes engagées par le Maroc au cours des dernières années ?S.E.M. Amadou Sow : J’ai eu la chance de vivre, ici, au Maroc, de 1999 à 2004, les six (6) premières années du règne de Sa Majesté Mohammed VI, alors que j’étais Conseiller à l’ambassade du Sénégal chargé des affaires politiques et économiques. J’ai eu le privilège d’y revenir neuf (9) ans après, cette fois au poste d’ambassadeur. Ainsi donc, j’ai pu mesurer et vivre concrètement l’ampleur et surtout l’évolution positive, à tous points de vue, des importantes réformes engagées par le Souverain chérifien.Dès son intronisation, Sa Majesté le Roi Mohammed VI avait clairement précisé, dans ses discours, Sa haute idée de la démocratie et la manière dont Il entendait en précipiter l’ancrage dans le Royaume ainsi que Sa vision de ce que doit être le respect des droits de l’Homme qu’Il avait voulu marquer de son empreinte novatrice. Il s’y ajoute les grandes orientations qui précisaient les perspectives vers lesquelles le Souverain souhaitait voir se diriger le Maroc qui peuvent se résumer ainsi : apporter des réformes substantielles au système de l’enseignement et de la formation, résoudre progressivement le problème du chômage, assainir la justice et l’administration, poursuivre les efforts d’ouverture de l’économie nationale et son arrimage au processus de mondialisation.Aujourd’hui, l’observateur que je suis, a pu constater, aisément, un bilan hautement positif d’un Maroc qui poursuit sa modernisation politique, économique et sociale, bref, un pays qui marche vers plus de démocratie et de progrès.
Concrètement, quels sont vos constats ?Sur le plan politique, Sa Majesté le Roi avait annoncé, en mars 2011, une réforme constitutionnelle. La nouvelle Constitution a été adoptée lors du référendum du 1er juillet. Le Royaume a pu ainsi accélérer sa transition démocratique et politique et se dotant rapidement d’une nouvelle loi fondamentale qui s’inspire largement des principes d’une monarchie parlementaire.Les importants chantiers futurs, à savoir, la réforme territoriale qui sera une poursuite du nouveau concept de l’autorité que Sa Majesté le Roi avait lancé au début de son règne et celle de la Chambre des conseillers seront déterminantes pour l’achèvement de l’architecture politique du Maroc.Sur un autre plan, il faut noter et saluer la réforme de la «Moudouwana», qui consacre l’égalité entre l’homme et la femme et instaure une relation basée sur la concertation et le partage de la responsabilité. Cet acte, particulièrement révolutionnaire, posé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, démontre, encore une fois de plus, que la démocratie, les droits humains et la modernité sont devenus des choix irréversibles du Maroc.Dans le domaine de l’économie, le Maroc n’a pas échappé à la crise économique mondiale, comme le reste de tous les autres pays. Mais il a quand même réussi à préserver et consolider ses équilibres macro-économiques faisant ainsi du Royaume l’une des économies les plus florissantes du Maghreb.
Comment évaluez-vous la visite de S.M. Le Roi Mohammed VI en Afrique, notamment au Sénégal ?La récente tournée africaine de Sa Majesté le Roi Mohammed VI a permis de confirmer, si besoin en était, la solidité des relations qui unit le Royaume du Maroc et l’Afrique subsaharienne, en général, et la République du Sénégal, en particulier.Ces visites ont donné une forte impulsion et un réel contenu aux relations de coopération dans les domaines prioritaires tels que l’agriculture, les pêches, l’éducation, la formation, la santé, la gestion de l’eau, l’irrigation, les télécommunications, l’aménagement urbain et les infrastructures de base, avec la signature de nombreux accords.La tournée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI a été un symbole de la nouvelle dynamique que le Souverain souhaite ancrer dans les relations avec les pays africains, et une confirmation de la place privilégiée de l’Afrique dans la politique étrangère du Maroc.
Que pensez-vous des accords conclus lors de la tournée royale ?Au Sénégal, mon pays, Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le Président Macky Sall ont présidé la cérémonie de signature de deux importants accords bilatéraux. Le premier accord porte sur le transport routier international de voyageurs et de marchandises, avec la construction d’un pont sur le fleuve Sénégal. Cet instrument juridique capital pour booster le flux des marchandises entre les deux pays contribuera certainement au renforcement des relations économiques. Et avec la réalisation du pont sur le fleuve Sénégal, un des objectifs du volet infrastructures du NEPAD, si cher au Président Macky Sall, sera atteint.L’autre texte signé lors de cette visite du Souverain est le protocole d’accord de coopération dans les domaines des mines, des hydrocarbures, de l’électricité et des énergies renouvelables. Cet accord, qui s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique et multiforme permettra, sans aucun doute, une coopération plus dynamique à même de permettre au Sénégal de profiter de la riche expérience marocaine afin de résoudre l’épineuse question de l’électricité au Sénégal.À cela s’ajoute l’inauguration par les deux Chefs d’État d’une clinique ophtalmologique dénommée «Clinique ophtalmologique Mohammed VI», réalisée à Dakar par la Fondation Alaouite pour le développement humain et durable, ainsi qu’une unité de production des médicaments baptisée «West Africa Pharma», filiale du laboratoire marocain Sothema.Dans les autres pays visités, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a posé des actes de même nature, administrant la preuve de Son engagement en faveur de la coopération Sud-Sud et Sa conviction quant à l’importance qu’occupe le continent dans la stratégie d’action du Maroc.Tout cela pour dire que la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI au Sénégal a permis de poser un nouveau jalon dans les relations plusieurs fois séculaires entre les deux pays, et permettra de renforcer les liens de partenariat dans de nombreux domaines d’intérêt commun conformément à l’esprit de dialogue et de coopération Sud-Sud.
Le Sénégal soutient la marocanité du Sahara. Quel regard portez-vous sur l’initiative marocaine d’une large autonomie au Sahara ?Concernant la marocanité du Sahara, je voudrais simplement rappeler la position sans équivoque qui a toujours été celle du Sénégal et de son Président de la République, S.E.M. Macky Sall : c’est une question qui devrait être très simple, parce qu’évidente. Mais elle a été complexifiée par les adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc. C’est une conviction profonde qui, malgré la durée de ce conflit artificiel, ne souffre aujourd’hui d’aucune ride et il n’est pas superfétatoire de rappeler que de 1975 à nos jours, le Sénégal est, sans aucun doute, l’un des pays qui se sont le plus engagés, à côté du Maroc, d’une manière constante et déterminante, pour la défense de l’intégrité territoriale du Royaume. La proposition marocaine d’accorder une autonomie de gestion élargie aux provinces du Sud est la seule solution réaliste pour sortir de cette crise. C’est pourquoi d’ailleurs elle a très bien été accueillie par la communauté internationale. C’est une démarche démocratique pour régler la question du Sahara et assurer le développement économique, social et culturel des provinces du Sud. Il s’agit à notre avis de l’unique solution pour sortir le Maghreb et le continent africain d’un conflit artificiel qui n’a que trop duré. C’est pourquoi lorsque cette question d’un référendum sur l’autodétermination a été soulevée à l’Union africaine, le Sénégal et plusieurs autres pays africains ont tout simplement fustigé cette initiative malheureuse, relative à une question dépassée qui ne concerne plus Addis Abeba, mais New York. Il n’était pas question de laisser distraire l’organisation continentale avec un dossier d’un autre âge, actuellement pris en charge par l’ONU. À cela s’ajoute le risque sécuritaire pour la stabilité de la région Sahel en raison de l’activisme terroriste et mafieux dont le Maroc est sans conteste une pièce maîtresse du dispositif de lutte contre ce fléau.
Enfin la question que je me pose c’est comment peut-on faire l’impasse, si l’on est intellectuellement honnête, de l’important effort du Maroc pour développer ses provinces Sud au grand bénéfice des populations concernées ?Aujourd’hui, toutes opinions politiques conséquentes confondues considèrent que la proposition d’une large autonomie au sein du Maroc constitue la seule base sérieuse et réaliste de négociations pour sortir de cette crise. Elles traduisent également la volonté du Maroc de trouver une solution politique négociée à la question du Sahara en accordant à ses provinces du Sud une autonomie à même de permettre à leurs populations de gérer elles-mêmes leurs propres affaires régionales dans le cadre de la Souveraineté, de l’unité et de l’intégrité territoriale du Royaume.