Normes Les banques marocaines se mettent aux nouvelles normes bancaires instaurées par les accords Bâle II. Ce qui oblige les entreprises qui ont recours aux crédits bancaires à prendre en compte les exigences de cette nouvelle réglementation, en faisant preuve de plus de transparence.
LE MATIN
16 Octobre 2008
À 16:05
Décidemment, les PME ont du pain sur la planche.
Certes les nouvelles normes bancaires qu'instaure Bâle II se traduisent par des contraintes supplémentaires pour les PME qui peinent à se mettre à niveau, malgré tous les programmes et les incitations qui ont été mis en place à ce sujet. Toutefois, ces petites structures doivent voir en ces nouvelles exigences de bonne gouvernance et de transparence, qui conditionneront désormais davantage l'accès au financement, comme une opportunité. En fait, cette adhésion pourrait être assimilée à une thérapie de choc, à une question de vie ou de mort. En publiant un Digest destiné à sensibiliser les PME aux opportunités que leur apportent cette profonde réforme de la réglementation bancaire et aux risques qui les guettent si elles ne la prennent pas en compte dans leur mode de gestion, la CGEM semble les mettre devant leur responsabilité. Certes, la centrale patronale insiste, pour une application saine de cette réforme qui se traduira par l'instauration obligatoire de ces nouvelles normes avec leur lot de contraintes, sur un certain nombre de préalables. En fait, selon la CGEM, il s'agit d'un processus de longue haleine et laborieux, puisqu'il nécessite «une construction progressive» et une action collective et concertée. Toutefois, en fin de compte, les entreprises doivent s'y mettre, surtout qu'elles ont tout intérêt à le faire. L'enjeu est de taille. Sans cette conformité, les entreprises ne pourront tout simplement plus espérer avoir accès au financement bancaire. En effet, explique les auteurs de cette note, les PME qui ne sont pas transparentes ne bénéficieront pas d'un accès facile à la place financière. Pourtant, à y voir de plus près, ces nouvelles normes présentent plutôt des opportunités. En fait, explique ce Digest, «en incitant à une différenciation plus forte des tarifs en fonction du risque, Bâle II pourrait conduire à une tarification bancaire plus proche des coûts. Une telle évolution pourrait réduire l'exclusion du crédit des entreprises risquées, liée à la pratique actuelle de relative uniformité des tarifs et ainsi in fine d'améliorer l'offre de crédit». En fait, les banques procèderont à une notation des entreprises. Ce qui consiste à apprécier sa possibilité de faire face à ses engagements financiers, en l'inscrivant dans une classe homogène de risque. Pour ce faire, on se base sur une palette très complète d'indicateurs, financiers et non financiers, quantitatifs et qualitatifs. Il s'agit notamment, précise-t-on, des ratios comptables, des données de fonctionnement du compte ou des données non financières comme l'organisation interne de l'entreprise et la qualité des documents prévisionnels présentés à la banque, ou encore la gestion de paramètres externes (risques environnementaux, risques clients)…
Parmi les apports importants de la mise en œuvre des notations internes par les banques figure notamment l'individualisation de l'octroi des crédits. On peut donc imaginer que les banques vont devenir plus sélectives dans le choix de leurs clients afin de préserver un équilibre profitable entre l'engagement qu'elles prennent, les risques qu'elles assument et la rémunération de leurs services. Bien évidemment, ces notations internes devront être réactualisées régulièrement en fonction de la situation financière de l'entreprise et de l'évolution de ses remboursements. La notation interne doit permettre de couvrir tous les facteurs de risque de l'entreprise (financiers, externes mais également les risques relatifs à la qualité du management) qu'il s'agisse d'une PME saine ou d'une PME dont les risques de défaut sont importants. Il est à noter que les plus petites PME pourront être classées en clientèle de détail. Cette mesure concernera environ 90% des entreprises marocaines, selon cette étude qui souligne que le fait d'être classée à part permettra à la PME de bénéficier d'un traitement plus favorable. De même, ajoute-t-on, la notation en interne avancée favorisera les grandes sociétés (corporate). De ce fait, il n'y a que les PME présentant des risques relativement élevés qui verront leurs conditions de financement se dégrader, et ce, d'autant plus que la taille de l'entreprise est importante.
Par ailleurs, les auteurs de l'étude estiment que l'accès au crédit et le niveau moyen des taux d'intérêt ne devraient pas être affectés par ces réformes, étant donné qu'ils dépendent beaucoup plus des conditions de la concurrence et des pratiques commerciales des établissements que des contraintes réglementaires. Par contre, ajoutent-ils, l'application de ces nouvelles normes, du fait qu'elles font dépendre le montant de fonds propres requis des risques réellement assumés par la banque, se traduirait à terme par une plus grande différenciation des taux d'intérêt selon les entreprises. Ainsi, précise-t-on, l'écart s'accroîtra entre le taux accordé à un emprunteur présentant une bonne notation et celui offert à un client considéré comme plus risqué. Par conséquent, le coût du crédit sera ainsi davantage individualisé. Certes, certaines banques seront tentées de ne pas se conformer à cette exigence. Mais, le marché est apte à déjouer cette résistance.
En effet, explique l'étude, Bâle II exige une notation pour chaque preneur de crédit, mais n'impose pas de fixer les tarifs en fonction du risque. « Certaines banques pourraient donc être tentées de poursuivre dans la voie des subventions croisées. Mais les preneurs de crédit bien notés ne l'accepteront pas et se tourneront vers des prestataires plus intéressants », estime-t-on.
Ce qui nécessite d'appliquer «une tarification nettement différenciée en fonction du risque de défaillance». Cette mesure ne manquera pas d'inciter les entreprises qui ont besoin de crédits à améliorer en permanence les paramètres déterminant leur «rating», afin de pouvoir bénéficier de conditions de crédit plus avantageuses. Ainsi, «grâce à la qualité de ses conseils, la banque fait office de «coach» et de partenaire critique, mais constructif», selon l'étude. En fait, explique-t-on, « loin de se contenter de mettre des fonds à disposition, elle apporte au client une réelle valeur ajoutée. Les moyens humains de la banque pour la bonne adoption des normes bâloises revêtent donc une importance particulière ».
Reste à résoudre le problème de l'alimentation de la base de données sur les entreprises. En fait, c'est cette opération qui garantit le bon fonctionnement et l'efficacité des modèles internes. Les problèmes qui se posent à ce sujet consistent notamment en l'hétérogénéité des données, la fiabilité et la précision des données et l'insuffisance de la durée des séries d'historiques. Ce qui amène les auteurs de ce Digest à conclure que la réussite de la réforme bâloise dépend énormément des preneurs de crédits qui ne sont autres que des entreprises. « La PME doit y adhérer en communiquant à sa banque des états financiers reflétant sa situation patrimoniale exacte et en émettant des informations fiables, précises et mises à jour », précisent-ils. Elle doit donc donner l'image d'une PME transparente, éthique et citoyenne, concluent-ils.
Mais comment obtenir un meilleur rating ? L'étude a énuméré quelques points qui contribuent à un rating approprié pour les PME. Il s'agit de la remise anticipée des états financiers, du respect des normes comptables, de la comparabilité d'un exercice à un autre et de la présentation des chiffres consolidés en cas de groupes de sociétés. De même, pour un bon rating, il faudra faire preuve d'une transparence sur les réserves latentes et la politique d'amortissement, recourir à la communication spontanée de toute modification de situation, à la remise d'un organigramme avec profil du management, d'un business plan simple et clair et à la discipline de paiement.
En outre, il est à noter, rappelle l'étude, que depuis une dizaine d'années, la maîtrise des risques est devenue un thème central dans la conduite des politiques d'investissement et de développement des établissements financiers. Il a progressivement été intégré par l'ensemble des dispositifs prudentiels internationaux et locaux (Bâle I) jusqu'à s'inscrire au cœur des derniers développements réglementaires (Bâle II).
Cette réforme des ratios de solvabilité bancaire vise à mettre en adéquation les fonds propres des banques avec les risques qu'elles prennent. Bâle II accompagne et complète un mouvement, initié plus de dix ans auparavant, destiné à mieux appréhender le risque par les banques. Ces nouvelles règles, plus orientées vers la notion de risque réel, souligne-t-on, permettront aux banques de recourir à leurs propres modèles de notation de leurs clients, ce qui représente la principale avancée de Bâle II. --------------------------------------------
Un processus long et laborieux
La CGEM, à travers cette étude, estime que la mise en place de ses dispositions au Maroc exige l'existence d'un certain nombre de préalables. Il s'agit notamment de bases de données comme la centrale des risques et des bilans. Ces données, souligne-t-on, vont faciliter l'instauration d'un rating objectif et juste (la notation des entreprises). Ce qui revient à dire que les PME qui ne sont pas transparentes ne bénéficieront pas d'un accès facile à la place financière.
De même, selon les auteurs de ce Digest, la mise en place de cette réforme au Maroc repose sur une action concertée entre tous les intervenants. « Une telle réforme, si elle est aujourd'hui souhaitable et nécessaire car dictée par les impératifs internationaux, et si elle s'inscrit dans une logique d'adhésion à une charte éthique prévoyant la transparence et la modernisation des organisations professionnelles et interprofessionnelles, ne se conçoit pas en revanche, comme un modèle-type prêt à l'usage », ont-ils souligné. Bien au contraire, expliquent-ils, elle est le fruit d'une « interaction spontanée de tous les opérateurs économiques, faisant suite à un processus laborieux et à une construction progressive, volontariste, constante et en perpétuel perfectionnement ».
Ce qui se traduira par la conception d'une charte devant contenir, selon la même étude, un certain nombre de critères d'engagements éthiques mais aussi des critères objectifs tels que la certification des comptes. ----------------------------------------------------
Les applications au niveau national
En respect de l'échéancier fixé par Bank Al-Maghrib (BAM), tous les établissements de crédit ont déjà adopté l'approche dite standard afin d'évaluer et de reporter le risque crédit. Le reporting réglementaire à BAM selon les normes bâloises (approche standard) a commencé en juin 2007 et toute la place bancaire devra progressivement migrer vers les méthodes dites avancées, afin d'aboutir à une meilleure appréciation des risques, notamment le risque de crédit.
BAM a fixé l'horizon de 2012 pour généralisation des méthodes avancées dans toute la place bancaire marocaine. Il est à noter que dans ce cadre, les banques se sont engagées à assurer la gratuité de certaines opérations de base, à modérer la tarification de certains services et à réduire les délais de recouvrement et les dates de valeur. De même, le GPBM, sur proposition de la banque centrale, a décidé d'instaurer une procédure de médiation bancaire.
BAM œuvre également, en coordination avec les ministères et les organismes concernés, à la réforme portant sur la mise en place du système de garantie à l'échelle nationale, permettant ainsi une tarification appropriée selon le profil de risque encouru. L'institut d'émission a également défini une stratégie globale de refonte des centrales d'information à l'horizon 2009 devant permettre une appréciation globale du risque de la clientèle.
L'un des volets de cette stratégie consiste en la mise en place d'une plate-forme destinée à permettre au réseau bancaire d'accéder notamment aux données du fichier central des incidents de paiement par chèque. BAM compte également mettre en place une centrale des risques (projet en cours) pour détecter tous les incidents de paiement.