La vigilance est de mise

«Opérationnelle en fin 2008, Lafarge double la capacité de son parc éolien»

Interview. Avec Jean Marie Schmidt, administrateur-directeur général deR> Lafarge Ciments.
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12 Juin 2008 À 08:38

LE MATIN ÉCO : Jusqu'à quel point le secteur du ciment au Maroc est-il sensible au renchérissement des coûts énergétiques? Quel a été l'impact des derniers coups de tête du cours du Baril sur l'activité des cimentiers ?

Jean Marie Schmidt :
L'industrie cimentière est une industrie très consommatrice d'énergie. La fabrication d'une tonne de ciment nécessite l'utilisation de 90 kWh et le clinker, qui est le semi produit du ciment consomme environ 870 thermies/t. C'est donc le plus lourd de nos coûts. L'énergie représente près de 60% de nos charges variables. Notre secteur est donc très sensible au renchérissement des coûts énergétiques, parce qu'il est à la fois gros consommateur d'électricité (en 2007 Lafarge Maroc a consommé près de 432 millions de Kwh pour une production globale de ciment de 5,3 millions de tonnes) et grand utilisateur d'énergie thermique. Nous utilisons plus de 300.000 T de coke de pétrole par an, dont le prix, coût et fret a été multiplié à peu près par dix entre 1999 et aujourd'hui et par presque 3 entre 2006 et fin mai 2008.
Par ailleurs, le développement du Maroc génère un accroissement important de la consommation d'énergie électrique qui risque lui-même de provoquer, dans un avenir proche, des délestages préjudiciables à l'efficacité des industries marocaines et à la satisfaction des besoins du marché, en particulier dans notre secteur d'activité.

Quelles sont jusqu'ici les principales sources d'énergies de Lafarge ? Quelle est votre stratégie de diversification des consommables énergétiques ?

L'industrie cimentière a la particularité d'être «multi combustibles» en faisant appel à des combustibles de substitution dans un souci d'optimisation énergétique. Chez nous à Lafarge Maroc, nous faisons d'abord en sorte de diminuer notre consommation de combustibles «nobles» comme le fuel. Son utilisation (aujourd'hui de l'ordre de 1 à 2%) a été divisée par 3 en 10ans. Nous avons remplacé le charbon par le Pet Coke qui est un résidu difficilement utilisable par d'autres industries, du fait de sa contenance en soufre et de sa dureté ; Deuxièmement, nous utilisons des combustibles de substitution comme les pneus déchiquetés que l'on peut éliminer à cause de la température du four de 1400° ; Nous travaillons aussi sur d'autres déchets, tels que les huiles usagées et les déchets industriels banals. Nous avons également décidé d'utiliser des sources d'énergie alternatives dont l'éolienne, dans une optique de sécuriser notre approvisionnement et d'optimiser notre facture d'énergie.

L'énergie renouvelable a apporté ses grandes preuves. Quel est le niveau de gain en coûts apporté par cette source ?

La réalisation de notre premier parc éolien de 10 MW, premier parc privé au Maroc, nous permet de satisfaire 40 % des besoins en énergie électrique de l'usine de Tétouan. Le doublement de la capacité de production de l'usine de Tétouan et la modification annoncée du cadre réglementaire au Maroc pour favoriser l'auto production d'électricité en faisant sauter la barre de 10 MW, nous ont incité à lancer les travaux de doublement de notre parc éolien pour porter sa capacité à 20 MW. Cette première extension se fera par l'installation de 5 aérogénérateurs de 2MW, choisis en raison de leur conception spécialement étudiée pour les sites fortement ventés. Ils seront opérationnels à fin 2008.Une 2ème extension est prévue, de 12 MW supplémentaires, qui seront opérationnels en 2009.
Le 27 mars 2008, Lafarge Ciments a signé un accord de partenariat avec NAREVA Holding, filiale du groupe ONA spécialisée dans les métiers de l'Energie et de l'Environnement. Cette alliance porte sur le développement et l'exploitation par NAREVA d'un parc éolien pouvant atteindre une capacité de 100 MW dont l'énergie produite sera fournie exclusivement à LAFARGE CIMENTS. Ce projet qui pourrait être opérationnel à l'horizon 2010 permettrait à Lafarge Maroc de diversifier ses sources énergétiques et de sécuriser ses besoins en énergie.
D'autre part, nous sommes en train d'étudier la possibilité d'utiliser la chaleur du four pour fabriquer de l'électricité par cogénération.

N'y aurait-il toutefois pas des limites à l'approvisionnement d'une cimenterie à partir de l'éolien ?

Nous avons trois intérêts à choisir l'électricité éolienne. D'abord, nous sécurisons notre approvisionnement en électricité, dont le coût devient de plus en plus élevé au Maroc et dans le reste du Monde, alors que la croissance de l'économie qui fait augmenter les besoins en énergie fait craindre des délestages à partir de cet été. Le parc de Tétouan nous a fait économiser les devises (1,6 M$/an pour le 1er parc éolien de Tétouan) en réduisant l'importation du charbon nécessaire à la
production d'électricité. Écologiquement, un arc éolien prévient des émissions de gaz à effet de serre (CO2), parce que l'énergie éolienne rend possible la production d'électricité sans brûler de combustible fossile responsable de pollution atmosphérique. Comparativement à une centrale électrique consommant du charbon, le parc éolien de la cimenterie Tétouan II par exemple permet d'éviter chaque année le rejet dans l'atmosphère d'environ 30.000 tonnes de gaz carbonique (CO2). C'est en même temps intéressant sur le plan financier parce que l'on bénéficie de crédit carbone. La seule limite de cette source d'énergie c'est lorsqu'il n'y a pas de vent.
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Des projets dans le pipe

Lafarge Ciments qui continue sur sa lancée, ambitionne de consolider son leadership à travers une anticipation continue sur la croissance de la demande. A cet effet, le groupe a entamé des projets de modernisation et d'expansion. Outre la modernisation et le doublement de la capacité de l'usine de Tanger, devant être opérationnelle au troisième trimestre 2008, dans le pipe il y a également l'installation d'une deuxième ligne de 1 million de tonnes à la cimenterie de Tétouan ainsi que la réalisation d'une troisième ligne sur le site de Tétouan afin de tripler sa capacité de production à l'horizon 2010.
La filiale marocaine du groupe français Lafarge projette également de se doter d'une capacité additionnelle de 2 millions de tonnes en 2012 (le choix devrait se faire entre Meknès et Benslimane).

Parallèlement, le leader national de ciment poursuit ses actions de baisse des coûts industriels grâce à la finalisation de son projet de maintenance, au doublement du taux d'utilisation des combustibles de substitution et celui de son parc éolien. Sur le plan commercial, Lafarge Ciments prévoit l'élargissement de sa gamme de produits et l'amélioration du service apporté aux clients, notamment via la généralisation des ateliers de palettisation à l'ensemble de ses sites. Ce leader aspire également au développement de ses activités autres que le ciment, à travers notamment l'installation de cinq nouvelles centrales en 2008 par Lafarge Bétons et l'investissement par Lafarge Granulats dans la fabrication du sable de concassage comme alternative à l'actuelle destruction du littoral marocain provoquée par l'utilisation intensive du sable de dune. A noter aussi le doublement de la capacité de production de Lafarge Plâtres via le démarrage d'un deuxième four identique au premier. Au regard de ces perspectives, Lafarge Ciments devrait indéniablement conforter la bonne santé de l'ensemble de ses fondamentaux.
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