Des écoles publiques de grande renommée offrent des diplômes payants. La chose semble relever de la contradiction, sauf que la nature des diplômes en question et, surtout, le processus de la formation, font que cette dernière ne peut être que payante.
LE MATIN
17 Avril 2008
À 12:30
Parallèlement, ces formations se font à travers des partenariats avec des écoles de renommée mondiale, le cursus étant dispensé en grande partie par des enseignants étrangers. D'où la logique que celles-ci ont forcément un coût. Il est ainsi clair qu'il ne s'agit pas d'un phénomène de mode, mais bel et d'un process revêtant un aspect vital sur le plan professionnel. Dans le lot, le «Master of Business Administration» (MBA), ainsi que différents « Masters » sont convoités à grande échelle. Des brevets payés rubis sur ongles, parfois, en vertu de leur importance sur le marché de l'emploi, de leur qualité et de celle des enseignants qui en assurent le déroulement. À titre d'exemple, un MBA de l'Ecole nationale des ponts et chaussées de Paris (ENPC), dispensé à l'Ecole Hassania des travaux publics (EHTP), qui se veut comme une formation multidisciplinaire en Management international, affiche un coût de l'ordre de 130.000 DH.
De même, l'Executive MBA offert par l'Institut supérieur de commerce et d'administration des entreprises (Iscae) est dispensé moyennant la somme de 45.000 DH. La différence est de taille, certes, mais le coût de la formation n'est forcément pas la seule dissimilitude, puisqu'il y va également de la nature des sésames. À noter à ce propos que l'EMBA (Executive Master of Business Administration) a été créé au départ pour les seniors par l'Université de Chicago en 1943. Un programme nécessitant une expérience significative en management et business. En revanche, pour ce qui en est du MBA «Made in EHTP», l'expérience en question n'est pas requise. Toutefois, cette formation est considérée comme la Rolls-Royce des MBA chez nous. Proposé depuis 1998 dans l'optique de former des cadres marocains de haut niveau, en les dotant d'outils de management les plus modernes, le MBA de l'EHTP est porteur de nombreuses spécificités.
À commencer par le fait qu'il soit adossé à ce gros mastodonte qu'est l'ENPC. Sur un autre plan, la formation dispensée est la même que celle prévalant dans les autres pays. «Devant le succès enregistré et pour souligner la dimension internationale de cette formation, l'ENPC a conclu des conventions de partenariat avec des universités prestigieuses dans le monde, en vue de créer le même cycle dans ces pays. Il s'agit de la Grande-Bretagne avec l'Université d'Edimbourg, de l'Inde avec l'Indian Institute of Technology Delhi, du Japon avec l'Université de Nagoya, de la Chine avec l'Université de Tongji à Shangai et avec l'EHTP à Casablanca», peut-on apprendre auprès de l'EHTP. On retiendra également que les futurs lauréats dans tous les pays sont pris en main par les mêmes enseignants. Pour pouvoir s'y inscrire, 5 années d'expérience professionnelle sont requises pour les Bac+4, tandis que cette durée est de 2 années pour les Bac+5.
Mais cela ne semble pas suffisant, puisque les prétendants sont sélectionnés sur des bases draconiennes quant à leur expérience et, aussi, à leur motivation. «Il faut également reconnaître que l'école publique donne plus de crédibilité à son MBA, ce qui me semble tout à fait logique», souligne un enseignant universitaire. «Ciblant les hauts cadres à fort potentiel disposant d'une solide formation universitaire (ingénieurs, diplômés des grandes écoles de gestion, diplômés 3e cycle universitaire, etc.), le cursus est dispensé en anglais par des spécialistes nord-américains, européens, japonais, mais aussi marocains», précise-t-on. Chose qui justifie le coût de la formation, partant du fait que le programme MBA proposé par l'EHTP est assuré par des professeurs à la renommée internationale, officiant dans les plus prestigieuses universités du monde.
Par ailleurs, plus qu'un label, un MBA, selon l'avis de plusieurs lauréats, ne se limite pas à les doter des outils nécessaires à la gestion de l'entreprise. Il serait à même de leur garantir une plus grande confiance en soi. «Nombreux sont les lauréats qui prennent assez de confiance pour lancer leur propre entreprise», affirme Jamal, qui a créé sa propre boîte quelques mois après avoir décroché le précieux label. Ingénieur de formation, Jamal travaillait en tant que directeur du système d'information dans une grande entreprise de la place. Évolution de carrière oblige, il sera nommé au poste de directeur administratif et financier. «C'est là où j'ai senti un réel besoin de cerner certains aspects liés à la finance ou encore à la gestion des ressources humaines, deux domaines qui m'échappaient encore car ils n'ont rien à voir avec ma formation initiale et ma spécialisation», précise Jamal.
À ce propos, c'est en fonction des besoins de l'entreprise que tel ou tel cadre est choisi pour bénéficier de la formation. Celle-ci est généralement effectuée aux frais de l'employeur et conditionnée par une période durant laquelle le cadre «élu» ne pourrait quitter son entreprise. L'évolution se trouve toujours au centre de ce besoin dictant le recours aux grandes écoles dans une optique de performances. Le cas d'un ingénieur promu à de nouvelles responsabilités, ou qui se retrouve las de tout ce qui est d'ordre technique, sachant qu'il a également toute une équipe à gérer, est également le genre de profils attirés par ces formations.
«C'est de la sorte que l'on devient gestionnaire et pas uniquement technicien. Quand on se retrouve face à un directeur des ressources humaines ou un directeur financier, on parle le même langage, tout en ayant un bagage technique nécessaire pour gérer l'entreprise sur d'autres volets», poursuit cet ingénieur en technologies de l'information. Cependant, qu'en est-il sur le marché de l'emploi ? Un MBA est-il vraiment une carte qui vaut son pesant d'or dans le jeu ? «Quoique le MBA est destiné à des cadres en poste, en fonction de leur évolution, une personne qui a suivi cette formation dispose d'un atout de plus sur son CV, au cas où il chercherait à intégrer une nouvelle boîte. Un MBA, cela a son poids dans la négociation de tous les aspects tournant autour du poste à pourvoir », explique ce chef d'entreprise.
Durant la formation, outre le fait que le spécialiste s'ouvre sur toutes les disciplines de la gestion à travers le programme, il s'avère que l'apprentissage se déroule également à un autre niveau. «Pendant toute la durée de la formation, vous vous retrouvez avec divers profils et spécialités. Vous côtoyez des avocats, des médecins, des ingénieurs toutes spécialités confondues, etc., d'où l'échange qui en résulte, c'est une hétérogénéité très enrichissante à plusieurs niveaux», explique Jamal. Sur un autre plan, dans le cadre de la formation, le MBA revêt certes la casquette de grand allié, mais d'autres alternatives existent, généralement à moindre coût. C'est notamment le cas des «Masters» qui font dans une multitude de spécialisations.
Au niveau de l'Iscae, une dizaine de Masters sont accessibles au public, ne nécessitant pas d'expérience professionnelle et dont le coût oscille entre 30.000 et 60.000 DH. En haut de la pyramide, on retrouve le Master spécialisé en Management des villes et des territoires, le reste étant accessible moyennant la somme de 30.000 DH (Contrôle de gestion, Management public, Finance, Droit de l'entreprise, Marketing, Commerce international et Ressources humaines), exception faite du Malog (Master achats et logistique globale), dispensé quant à lui à 36.000 DH. En ce qui concerne la formation continue, des certificats annuels sont disponibles pour un coût de 10.000 DH, que ce soit en «Achats et pprovisionnements», «Audit et Finances», «Conduite de projet», «Gestion d'entreprise», «Marketing vente», «Ressources humaines» ou encore «Management des systèmes d'information». Il en est de même pour le certificat IFRS normes comptables internationales. L'Iscae détient également un cycle d'expertise comptable français, moyennant quelque 87.000 DH.
Du côté de l'EHTP, un éventail de Masters est également proposé, tournant autour de la qualité, de l'architecture des systèmes d'information, du management de projet, des ressources humaines, de l'ingénierie du consulting, du management de la communication, de l'ingénierie logistique, etc. Cela a, bien entendu, un coût et diffère d'un Master à l'autre. Cependant, dans un contexte professionnel marqué par une concurrence qui se fait à couteaux tirés, et donc par une évolution à pas de géant et à multiples facettes, ces brevets deviennent plus qu'une nécessité. Quel qu'en soit le coût, si l'on raisonne en termes d'investissement, c'est là un placement qui en vaut le coût. --------------------------------------------------------------------
MB… quoi ?
Le Master of Business Administration, différent du diplôme français du Master en administration des affaires, est un diplôme d'agrément international dans le domaine des affaires, du commerce et de la gestion des entreprises. Ce diplôme est d'abord apparu aux États-Unis sous l'intitulé anglais de Master of Business Administration, en abrégé MBA. En raison de l'influence du système américain, l'appellation de ce diplôme restera en anglais dans les pays non anglophones. En France, il existe une différence entre maîtrise et master. Par conséquent, ce diplôme peut être connu sous le nom de «Master en administration des affaires», s'il s'agit d'un diplôme national.
S'il ne s'agit pas d'un diplôme national, le terme master ne peut pas être utilisé. La «qualité» d'un MBA s'évalue en fonction des accréditations et des classements obtenus auprès d'institutions internationales. Trois institutions spécialisées sont aujourd'hui de référence : AMBA (Angleterre), EQUIS (Européenne), AACSB (USA). Les classements annuels du «Financial Times» et de «Business Week» sont également considérés. A noter à ce propos que le programme de l'EHTP a été accrédité, en janvier 2004, par l'AMBA (Association mondiale des MBA).
La maîtrise en administration des affaires provient des Etats-Unis, où les deux premières «business schools» américaines (Wharton et l'Université de Chicago) ont été créées en 1881. Le MBA propose toute une panoplie de sujets, comme l'économie, l'organisation, le marketing, la comptabilité, la finance, le management stratégique, le business international, le management des technologies de l'information, les ressources humaines et les stratégies politiques.