«Les recettes actuelles des CCIS frisent parfois le ridicule»
Interview. Driss Houat, président de la Fédération des chambres marocaines de commerce, d'industrie et de services (FCMCIS).
LE MATIN
24 Juillet 2008
À 18:20
LE MATIN : Pourquoi avoir attendu 18 ans avant de tenir les deuxièmes assises des CCIS ?
DRISS HOUAT : C'est une excellente question et qui est justifiée du reste. ...s'il est vrai qu'on a pris beaucoup de temps pour tenir nos deuxièmes assises, c'est que durant toute cette période il y a eu des concours de circonstances qui ont fait que les conditions n'étaient pas toujours réunies pour la tenue d'un aussi important rendez-vous…Et comme dit l'adage : «Tout vient à point à qui sait attendre».
Quelles sont les principales conclusions formulées à l'issue de ces 2e assises ?
Nous avons tenu à faire de ce rendez-vous, un nouveau point de départ pour les instances consulaires. Ainsi, nous avons insisté à ce que les recommandations issues de cette rencontre, ne soient pas des «recommandations de plus», mais qu'elles soient réalisables et traduisent la volonté de changement et de positionnement des chambres de commerce, d'industrie et des services (CCIS) en tant qu'acteurs économiques local et national. Dans ce cadre et pour résumer, je citerai, la résolution appelant à créer une agence nationale de promotion des CCIS sous la présidence du Premier ministre. Le renforcement du partenariat avec les collectivités locales, l'activation de la signature du contrat programme avec les CCIS et le Ministère en charge de l'Industrie et du commerce sont autant de recommandations issues de cette rencontre….
Pourquoi, d'après vous, certains comparent les CCIS à des coquilles vides ?
Il est de notoriété publique que l'action des acteurs économiques et sociaux est appréciée d'après leurs résultats. Bien souvent la réalisation des résultats à eux seuls ne suffit pas si ces mêmes acteurs ne le font pas savoir. Et c'est ce qui arrive souvent aux chambres qui entreprennent de nombreuses actions et initient d'ambitieux programmes, mais restent sévèrement jugées par défaut de communication. Ceci ne nous dédouane pas de l'autocritique, mais il faut quand même reconnaître qu'en dehors des grandes villes, il est bien difficile de trouver des structures pour accueillir, représenter et défendre les intérêts des opérateurs économiques à part les CCIS. Et quelle que soit la nature de leur prestation, elles restent l'interlocutrice unique dans bien des cas. « Coquilles vides » est à mon sens, un jugement de valeur totalement infondé.
Parmi les points examinés par les assises, il y a le «dysfonctionnement du système financier des chambres ». Qu'est-ce qui ne marche pas à ce niveau ?
Les recettes actuelles des Chambres frisent parfois le ridicule. Il est insensé de les taxer de léthargie, d'incompétence et autre, tout en les privant de moyens pour mettre en place et conduire leurs plans d'actions. Actuellement, les ressources des CCIS essentiellement parafiscales, émanent du décime additionnel de la patente. Les recettes ont constitué en 2006 près de 120 millions de dirhams pour 28 Chambres, dont plus de 80% ont été absorbés par les charges et les salaires des permanents. Avec les 20% restants, la marge de manœuvre des Chambres se trouve bien réduite. Ajoutez à cela la lourdeur des procédures et du système de contrôle, en amont, en aval et en cours, qui rend encore pénible la gestion de ces maigres deniers. Les recommandations de ces assises, ont mis le point sur la nécessité de procéder à des aménagements au niveau de l'organisation financière et comptable des CCIS pour leur permettre de s'acquitter sans entrave de leur mission. De même, il y a lieu de permettre aux Chambres d'avoir la possibilité de générer leurs propres ressources sans que cela n'impacte leur budget. C'est dans ce cadre qu'intervient la convention signée entre la FCMCIS, le ministère des Finances et le Ministère de l'Industrie et du Commerce. Je crois que dans ce registre, le marché joue un grand rôle de régulation où seuls les meilleurs perdurent. Il faut dans ce sens donner les moyens aux Chambres et laisser le marché s'occuper du reste.
Le code des élections des CCIS est à revoir. Pourquoi ? Dans quelle finalité ?
Le Souverain a interpellé à plusieurs reprises les Chambres pour qu'elles deviennent un levier de l'investissement productif. Nous considérons cet appel comme le stimulus dont nous avions besoin pour amorcer un nouveau départ. En plus, nous considérons la réforme des textes comme un grand pas vers la dynamisation des actions et du positionnement des CCIS en tant qu'acteur économique et social incontournable. On ne le répétera peut-être jamais assez, la révision des textes est un préalable pour le changement. Le système représentatif actuel dépendant des listes électorales induit des groupes hétérogènes et ne traduit pas la réelle représentativité des secteurs. Un seul souci nous anime pour la révision de ce code : assurer une réelle représentativité des secteurs du commerce, d'industrie et de services, et garantir la venue de vrais professionnels au sein des CCIS.
Les CCIS ont une vocation économique de premier ordre. Mais, l'appartenance politique des élus n'est-elle pas un obstacle qui limite parfois la marge de manœuvre de ces Chambres ?
Il faut le reconnaître, l'appartenance politique n'a pas toujours été un élément favorable aux CCIS. Les alliances se tissent souvent au gré de l'appartenance politique au détriment, des programmes économiques. En plus, certains membres ont souvent du mal à se défaire de leur logique politique au profit de l'enjeu économique. Je crois que le changement de cette situation est tributaire de la reforme qui interviendra dans les textes.
On dit que les CCIS n'ont pas l'autonomie nécessaire pour mener à bien leurs projets. Pourquoi ?
De par leur statut, les CCIS sont des établissements publics mis sous la tutelle du Ministère en charge de l'Industrie et du Commerce. La particularité des Chambres par rapport aux autres établissements publics c'est qu'elles sont gérées par des élus émanant du secteur privé. Ainsi, chaque CCIS est souveraine, c'est son Assemblée générale qui décide des orientations et décisions à tenir. C'est seulement, en termes de ressources qu'il faut comprendre l'absence d'autonomie des Chambres.