Les sillons de l'avenir

Les producteurs s'alignent sur les prix de la Centrale Laitière

La vie de plus en plus chère ? Un sentiment de plus en plus partagé par la population face à l'inflation qui se propage et s'autoalimente.

30 Janvier 2008 À 20:24

Le renchérisse- ment des prix des intrants sur les marchés internationaux ne laisse pas de choix aux industriels qui n'ont pour seul moyen pour préserver leurs niveaux de marge que la répercussion de l'augmentation du coût de revient sur le client final. Centrale Laitière, filiale du groupe ONA, dominant l'industrie laitière au Maroc, après avoir annoncé il y a quelques semaines son appui financier aux éleveurs, vient de porter, il y a quelques jours, le prix du litre de lait à 6,4 dirhams, soit une hausse de 40 centimes par litre. Une révision du tarif que le management attribue à la hausse du prix des emballages consécutivement à la hausse de l'euro face au dirham et à la flambée des prix des aliments de bétail suite au déficit pluviométrique enregistré durant la campagne agricole 2006-2007.

Et puisque l'alignement des prix pour les produits laitiers comparables est la grande caractéristique de cette industrie alimentaire, les autres opérateurs vont lui emboîter le pas. « C'est évident que l'on va suivre pour s'aligner sur les produits de la Centrale Laitière. Si on n'augmente pas le prix, les clients se retourneront en masse vers nous. Une demande que nous ne pourrons pas satisfaire pour autant.
D'ailleurs, l'augmentation est inévitable vu le bond du coût de revient de la production du lait », argue M'hamed Loultiti, président de Copag, coopérative, créée en 1987 à Taroudant, qui constitue de plus en plus un concurrent sérieux de la Centrale Laitière, en particulier sur les segments du lait UHT et des yaourts.

Et à lui de poursuivre, « outre, le bond de 30%, 50% jusqu'à 100% du prix de certains aliments de bétail (maïs, orge, tourteau de soja,…), la tonne de la poudre de lait sur le marché international n'est pas en reste. Avec les tendances haussières de l'euro, elle est passée de 1.200-1.400 euros à 2.500 euros, soit le double de son niveau il y a un an et demi ». Devant un tel tableau, les industriels marocains ne craignent pas la concurrence étrangère. « Quand il n'y a pas de lait bon marché, la concurrence étrangère ne nous fait pas peur, puisqu'il n'y a pas de surplus à subventionner pour l'exportation. En cas de retournement de tendances, il faut garder des produits de qualité et s'aligner pour pouvoir faire face à la concurrence étrangère », souligne t-il. Pour l'heure, l'approvisionnement demeure le principal souci des industriels marocains.

Il y a quelques semaines, le management de la Centrale Laitière a pris la décision de revaloriser le revenu des 80.000 producteurs laitiers partenaires de la filiale agroalimentaire du holding ONA. Une manne financière de 148 millions de dirhams leur a été dédiée en 2008. Au mois de septembre dernier, la société a également subventionné 20.000 tonnes d'aliments de bétail, soit l'équivalent de la consommation annuelle de ses producteurs partenaires. Outre ces actions, elle a entrepris une série de mesures dont notamment l'importation et le financement de génisses au profit de ses producteurs partenaires, la création et la gestion de circuits d'insémination artificielle et l'équipement de plusieurs centres de collecte afin de renforcer la proximité avec ses producteurs. Est-ce suffisant pour soutenir l'éleveur ? « Cela reste insuffisant vu la situation actuelle du coût de production du lait.

Il est à signaler que l'alimentation du bétail bouffe près de 60% du coût de production du lait. Ce qui intéresse l'éleveur, c'est l'augmentation du prix du litre du lait à l'achat », considère ce professionnel.
Le prix d'achat du litre de lait étant situé entre 3,80 et 4 dirhams. Aujourd'hui, la petite taille des exploitations marocaines d'élevage laitier a des répercussions notables sur la compétitivité du secteur. La moyenne par étable au Maroc est estimée à trois têtes, ce qui est bien loin de la moyenne dans les exploitations européennes estimée à au moins une dizaine de têtes par étable. Cela dit, au Maroc, il existe des exploitations qui possèdent 100 et plus de têtes et qui sont dotées de grands moyens techniques, mais ils sont en nombre limité.

Elles pourront vivre quelques années face à la concurrence, mais le problème des aides et d'appui des éleveurs européens s'imposera toujours pour faire la différence sur le plan de la compétitivité entre les éleveurs marocains dotés de moyens très limités et les Européens largement subventionnés par leurs Etats et par l'Union européenne.
Ainsi, il leur serait difficile de subvenir aux besoins de l'industrie laitière au Maroc. D'où l'urgence de la création d'un groupement national des éleveurs du Maroc solide et organisé qui peut survivre à l'ouverture des frontières et à la concurrence internationale, et donc assurer l'approvisionnement de l'industrie laitière au niveau national.
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Cartographie du secteur laitier

L'industrie laitière au Maroc est dominée par la Centrale Laitière qui fait partie du groupe financier ONA. Elle est en liaison étroite avec le groupe français Danone qui détient 29% de son capital depuis 2001 (20% avant cette date). Sa part de marché serait près de 60%. Elle est suivie de très loin par d'autres sociétés ou coopératives laitières qui ont une portée plutôt régionale. C'est le cas de la coopérative laitière le BONLAIT, localisée à Marrakech, COLAINORD à Tétouan, COLAIMO à Oujda, EXTRALAIT à Kénitra, SUPERLAIT à Fès ou encore HALIB SOUSS localisée à Agadir. Dans le domaine des produits laitiers, la Centrale Laitière est en concurrence avec SIALIM, NESTLE Maroc et COPAG.

SIALIM est une filiale de la société française Fromageries Bel qui détient 70% de son capital social. Elle emploie environ 650 personnes et réalise un chiffre d'affaires d'environ 850 millions de dirhams dont un tiers à l'exportation. NESTLE Maroc est une filiale du groupe Suisse NESTLE, elle génère un chiffre d'affaires de l'ordre de 800 millions de dirhams dont 12% sur des marchés extérieurs. Il faut noter toutefois que le champ d'activité de NESTLE n'est pas limité aux produits laitiers. Celui-ci importe, fabrique et distribue un ensemble d'autres produits alimentaires. Quant à Copag, située dans la région de Souss, elle est formée de près de 170 adhérents dont près de 60 coopératives laitières, soit en tout 8 500 éleveurs. Le chiffre d'affaires de COPAG a enregistré un taux moyen annuel de croissance de l'ordre de 25% au cours des dernières années.
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