La médiation a désormais droit de cité
En cas de litiges, il va de soi que l'on ne peut que solliciter la justice. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, et bien que l'on fasse appel au juge, celle-ci est de plus en plus pointée du doigt.
LE MATIN
20 Février 2008
À 20:57
Il faut dire que les procédures à tout bout de champ, lentes de surcroît, ça encombre les tribunaux, ça coûte cher, ça dure longtemps, ça canalise des énergies précieuses. Bref, ce n'est pas très constructif et on peut être sûr que la décision va mécontenter au moins l'une des parties, sinon toutes. Car une décision imposée fait souvent mal. C'est pour cela, et après plusieurs années de débats et de réflexion, que le Maroc s'est doté depuis décembre 2007, d'un cadre juridique instituant et réglementant la médiation en tant que recours alternatif pour le règlement des conflits. Car, ayant fait ses preuves sous d'autres cieux, la médiation s'est avérée « un substitut très bon marché et souvent très satisfaisant à une procédure judiciaire ».
Afin d'accompagner cette importante innovation juridique, un Centre National de la Médiation, initié par un groupe de jeunes compétences dont des avocats, des juristes, des experts et des intellectuels de différents horizons, a été créé avec, pour objectif de garantir à l'exercice de la médiation, l'indépendance, le respect du secret, de la déontologie et la probité. L'Assemblée générale instituant le CNM s'est tenue le vendredi 8 février à Rabat. Car, si aujourd'hui, la loi permet à une large catégorie de professionnels la possibilité d'exercer la médiation, il n'en demeure pas moins que cet exercice nécessite une parfaite maîtrise des outils de travail, une connaissance pointue de la loi ainsi qu'une fine connaissance des mécanismes de médiation.
Ainsi, conscients des difficultés qui peuvent naître de cette situation, de l'engorgement des tribunaux, et de l'importance d'une justice mieux perçue par ceux qui y sont confrontés et qui en dénoncent la lenteur, la complexité et le coût ; les fondateurs du CNM ont voulu apporter leur contribution pour diffuser et y sensibiliser ce nouveau mode de règlements de conflits.
Lors de l'Assemblée générale, Nadia Oulehri, présidente du CNM, a souligné l'importance du recours à la Médiation tout en mettant en exergue l'originalité d'un tel mode de règlement des conflits par rapport à l'arbitrage ou encore aux mécanismes contentieux traditionnels, car elle présente l'intérêt de la neutralité.
Elle a ajouté que la médiation permettait «avant tout de rétablir le dialogue et la communication dans une société qui ne sait plus s'exprimer, qui n'ose plus dire "j'ai mal", qui avale ses rancœurs pour les extérioriser malheureusement, souvent d'une manière violente.» Le médiateur reste neutre. Il ne tranche pas le conflit. Il aide les parties à gérer elles-mêmes le différend qui les oppose et à dégager une solution satisfaisante, émanant de leur propre volonté ; la médiation devenant ainsi un outil de pacification sociale, répondant au besoin d'une société où l'homme en conflit retrouve un espace de dialogue. Plusieurs membres du CNM, dont des avocats confirmés, ont suivi une formation dispensée par des professionnels et des experts internationaux, tant au Maroc qu'à l'étranger.
Reste à faire entrer la médiation dans les mœurs, cela procède d'une volonté politique de l'ensemble des acteurs du monde judiciaire, et notamment de celle des avocats qui doivent eux-mêmes être prescripteurs des clauses de médiation ; et ce d'autant plus qu'elle peut toucher des pans entiers de la vie sociale.
Ainsi la Médiation n'est pas réservée aux seuls conflits d'ordre commercial mais peut être mise en œuvre dans le domaine administratif, familial, social, industriel ainsi que dans les conflits civils, tels que les troubles de voisinage. Cela implique l'engagement de tous aux côtés du Centre national de la médiation.
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Ce qu'elle est et ce qu'elle permet
La médiation est un processus de résolution des conflits par les parties elles-mêmes. C'est « un processus par lequel un tiers neutre tente, à travers l'organisation d'échange entre des parties, de permettre à celles-ci de confronter leurs points de vue et de rechercher avec son aide, une solution au conflit qui les oppose.
La médiation consiste d'abord à laisser s'exprimer les points de vue de tous, puis à trouver cuex sur lesquels les adversaires sont d'accord (il y en a souvent, mais ils sont masqués par le conflit), puis enfin à reconstruire une relation à partir de ces données communes et à trouver un accord qui sera accepté par tous et pour satisfaire tout le monde. Le médiateur est tenu par l'obligation du secret à l'égard des tiers. Les déclarations qu'il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des deux parties. Elles ne doivent, en aucun cas, être utilisées contre l'une des parties dans une autre instance. Et le médiateur ne décide pas pour les parties, il les aide seulement à trouver et à formuler une solution ; c'est ensuite le juge qui l'homologue à l'amiable, ce qui tient lieu de décision.