Un travail sisyphien, mais… payant

On l'a échappé belle !

La crise financière internationale suscite toujours l'intérêt. Mardi dernier, c'est autour de l'Association marocaine des diplômés de Dauphine d'organiser une conférence sous ce thème en tentant de décrypter son impact sur le Maroc.

13 Novembre 2008 À 17:17

D'éminents intervenants ont été à l'honneur, dont Adil Douiri, ancien ministre du Tourisme, et Thami Kabbaj, ancien trader sur les marchés financiers, actuellement professeur agrégé d'économie en France. Une seule expression revient plus d'une fois sur les lèvres des conférenciers: ‘'On l'a échappé belle!''

Office des changes, merci !
En effet, les banques marocaines sont passées à côté de la catastrophe, parce que, d'abord, «elles n'ont pas le droit d'investir dans les marchés mondiaux, d'acheter des titres de subprimes», laisse entendre l'ancien ministre. En plus, elles n'ont pas d'actifs en dollars ou en euros; elles n'ont pratiquement que des actifs en dirhams. C'est dire que les principaux vecteurs de contagion de la crise, qui auraient pu les mettre en péril, sont complètement verrouillés.
Outre les banques, la Bourse de Casablanca reste également à l'abri de la crise financière. En intervenant lors de cette conférence, Youssef Benkirane, président de l'Association professionnelle des sociétés de Bourse, a précisé que les investisseurs étrangers ne détiennent que 5% de la capitalisation boursière et en moyenne 10 à 15% des volumes de transaction. Par conséquent, même un reflux des capitaux drainés par ces investisseurs n'est pas déterminant dans l'évolution de la Bourse des valeurs de Casablanca.

Et la correction actuelle ? La crise financière n'y est pour rien, c'est plutôt une question de cycle, croit Adil Douiri. Au cours du dernier cycle, la Bourse de Casablanca est montée en continu d'octobre 2002 à mars 2008.
Date à laquelle «le marché boursier est essoufflé, fatigué et cher. C'est normal qu'il y aura un retournement de cycle». Bref, «c'est une correction d'exubérances irrationnelles, l'essentiel est qu'elle se fasse d'une façon ordonnée». Vivement la crise et vivement la reprise! «L'indépendance de ces deux composantes du système financier marocain est à expliquer par le contrôle des changes qui nous isole complètement du système financier international», souligne A. Douiri. Avant d'ajouter que s'il y a un impact, il passera plutôt par les canaux de transmission de l'économie réelle. Ainsi, «bon an mal an, nous perdons un point à un point et demi de croissance», estime l'ancien ministre du Tourisme. Cet effet limité de la crise financière révèle que le Maroc est loin d'être intégré dans l'économie et le système financier mondial. En d'autres termes, le taux de croissance relativement élevé enregistré depuis 2005 est dû essentiellement à des facteurs endogènes.

Le libre-échange, une "bataille”
Faut-il pour autant renoncer à s'intégrer dans l'économie mondiale pour rester protégé ? Non, répondent à l'unanimité les conférenciers. Le Maroc doit exploiter les différentes locomotives de croissance. Le libre-échange est "une bataille'' parmi d'autres que le Maroc doit mener à fond. «Mieux utilisé, il génère sans aucun doute un surcroît de croissance», explique Thami Kabbaj en évoquant le cas de certains pays asiatiques. C'est ainsi qu'il faut consolider les plans de capacité comme "Emergence'' et la ‘'Vision 2010'', mais il faut verser des fonds et muscler les ressources humaines, et ce sans perdre de vue que sur le chemin de la construction de cette capacité se succèdent phases haussières et baissières, qu'il ne faut pas considérer comme bizarres. «Quelqu'un qui croit que l'économie n'est pas cyclique se trompe», conclut A. Douiri.
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Mécanismes de transmission de la crise

Désormais, c'est bien connu. L'essentiel de l'impact de la tourmente financière transitera par les canaux de transmission de la sphère réelle de l'économie. Le Centre marocain de conjoncture (CMC) fait la distinction entre trois canaux. En premier lieu, le comportement de la demande extérieure adressée à la production nationale en liaison avec les développements de la conjoncture internationale. En effet, l'affaiblissement de cette demande devra se traduire par un repli des exportations, de la production et de l'emploi dans les secteurs les plus exposés dans les branches industrielles, en particulier l'agroalimentaire et le textile. En second lieu, les flux d'investissements étrangers directs et leur incidence sur le développement des capacités de la production.

Le troisième facteur agissant sur l'économie interne concerne la contraction des flux financiers en provenance de l'étranger générés par le tourisme ou encore les transferts des MRE. Les activités produisant des biens finis de consommation ainsi que celles liées à la construction de logements vont certainement en pâtir. À travers ces trois canaux de transmission, l'évolution de la conjoncture internationale dans les mois à venir, compte tenu des répercussions directes et indirectes de la tourmente financière, devra induire, en toute probabilité, un ralentissement de l'activité et de la croissance. Les pronostics les plus optimistes estiment la perte à un point de croissance, alors que ceux plus pessimistes tablent sur deux points.
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