L'élevage occupe une place prépondérante dans le secteur agropastoral au Maroc.
LE MATIN
29 Mai 2008
À 12:46
Il représente une grande part du produit intérieur brut (PIB) agricole qui se situe entre 30 et 40% et constitue une source de liquidité permanente facilement mobilisable pour la plupart des agriculteurs (surtout en élevage de petits ruminants). Outre les produits destinés à la consommation familiale dans le monde rural, l'activité approvisionne, en matières premières (lait, viande, peaux, laine), plusieurs secteurs agro-industriels et l'artisanat. Généralement extensif, l'élevage se pratique sur des parcours collectifs. Il présente des modalités régionales qui vont des grandes transhumances concernant des familles entières aux mouvements de moindre amplitude menés par un berger. Ce patrimoine animal est évalué en avril 2007 à 2,8 millions de bovins soit 40% de race locale et 60% de race améliorée et race pur, 16,9 millions d'ovins, 5 millions de caprins et près de 180.000 têtes de camelins en plus du cheptel avicole, cunnicole, apicole et les équidés.
Pour Mustapha Snoussi, éleveur et membre du bureau de l'Association nationale des éleveurs de bovins, l'évolution du cheptel demeure dépendante des aléas climatiques et les éleveurs sont aujourd'hui confrontés aux effets de la sécheresse, à la rareté de l'eau et au manque de fourrages, de maïs, de légumineuses et autres aliments de bétails. «Malgré les conditions difficiles, le cheptel se développe, notamment celui du bovin. La lactation de la race locale des bovins est de 500 l par an. Celle de la race alimentaire type croisé est de 1200 l par an ; alors que celle de la race pure est de 3800 l par an, sachant que les génisses généralement importées de la France (70%) donnent quelque 10.000 l par an dans leur milieu naturel d'origine. Cela vient du fait que les conditions de vie et l'alimentation sont meilleures dans les pays européens que chez nous», explique-t-il.
Le secteur approvisionne par ailleurs la grande distribution et le marché intérieur en différents produits (Le lait, dérivées du lait, Yaourts, viande..). Il contribue à la garantie de la sécurité alimentaire du pays, et demeure un important facteur de développement rural. Il est aussi caractérisé par l'existence des ressources génétiques offrant une grande diversité de races bien adaptées aux conditions du milieu et d'élevage ainsi que par une maîtrise de la situation sanitaire du cheptel, qui, malgré des épisodes de sécheresse, demeure satisfaisante. Le pays a d'ailleurs l'avantage, jusqu'à présent, de bénéficier du statut indemne vis-à-vis des grandes maladies animales telles que l'encéphalopathie spongiforme bovine, la peste des petits ruminants, la péripneumonie contagieuse bovins, la fièvre aphteuse. A cela s'ajoute de nouveaux créneaux porteurs, notamment les produits animaux de qualité (label "biologique"), dont le Maroc pourrait être un exportateur compétitif (viande ovine, caprine, miel, viande avicole dite fermière…).
Ceci dit, le secteur se heurte encore à de nombreuses contraintes. Il s'agit, selon Mustapha Snoussi, de contraintes d'ordre structurel, liées à la sécheresse récurrente, aux problèmes d'accès aux exploitations d'élevage, à la faible taille et à la dispersion des troupeaux. Il y a aussi le manque de formation chez les agriculteurs, l'inexistence d'un système d'identification permettant d'assurer la traçabilité des animaux et l'application des mesures de police sanitaire, la faible participation des éleveurs aux coûts de prophylaxie et l'insuffisance des moyens d'encadrement sanitaire. Ce qui expose à terme le cheptel à certaines maladies graves telles que la tuberculose, la brucellose, et autres… Les contraintes d'ordre technique sont également avancées par les éleveurs. Il s'agit notamment d'une sous-utilisation des intrants, du faible niveau de productivité du cheptel, d'infrastructures de transformation et de valorisation peu développées et inadaptées aux règles d'hygiène (abattoirs…).
«Le faible niveau technique des éleveurs pour la conduite des troupeaux, le manque des moyens financiers et d'encadrement au niveau des organisations professionnelles, le renchérissement des prix des facteurs de production engendrant des coûts élevés, des circuits de commercialisation et de distribution inadaptés et faiblement organisés handicapent amplement la filière et limitent sa compétitivité pour pouvoir faire face à la concurrence internationale», ajoute Mustapha Snoussi de l'ANEB. Pour lui, malgré le potentiel du secteur, il est difficile de concurrencer les éleveurs étrangers, en l'occurrence les Européens. «85% des éleveurs marocains ont moins de 3 vaches et 14% ont de 4 à 10 vaches alors que 1% ont plus de 141 vaches. Alors qu'au niveau de l'Union européenne la moyenne par tête est de 50 têtes par éleveur sur une moyenne de 60 ha de fourrage.
Les Hollandais ont en moyenne 80 têtes par éleveur et affichent l'ambition d'attendre 300 têtes par éleveur. Le nombre d'éleveurs est de 770 mille éleveurs, dont 300 mille producteurs laitiers. Ils bénéficient aussi des subventions de l'Union européenne qui sont de l'ordre de 40% sur le revenu annuel. Ils produisent en moyenne 7500 l de lait par an ; alors que vu nos moyens et nos méthodes de conduites, la production moyenne du lait chez nous est de 2500 l par an», explique-t-il. Pour bon nombre d'éleveurs, sans une aide et un engagement de l'Etat pour maintenir son soutien au secteur, le développement ne peut pas se faire. Il faut, selon Snoussi de l'ANEB, doter les éleveurs de moyens nécessaires pour la mise à niveau du secteur avant de se lancer dans des actions de libéralisation qui risquent d'accélérer sa disparition sachant son importance dans le monde rural.
Il est à noter que le développement de la filière a bénéficié, pendant de longues années, du soutien et de l'appui de l'Etat, notamment à travers l'octroi des subventions pour la construction des étables, l'encouragement des regroupements en coopératives et la création de centre de collecte. A cela s'ajoute, entre autres, la permission accordée aux éleveurs d'importer des génisses de race pure sans droits de douanes, l'octroi des crédits remboursables par les recettes provenant du lait, les aides à la création des usines de transformation sous forme de fermes coopératives, l'introduction de l'insémination artificielle pour l'amélioration génétique de l'élevage et l'approvisionnement en aliments de bétail. Aujourd'hui, les éleveurs se sentent désarmés, notamment face au désengagement de l'Etat, à l'enrichissement de la matière première et au spectre de la libéralisation qui plane sur le secteur. -----------------------------------------------------------------------------
La production du lait et de la viande bovine en chiffres
Pour l'Association nationale des éleveurs de bovins (ANEB), la production laitière est passée de 400 millions l par an, il y a quelques années à 1,6 milliard l par an dont 70% est acheminé vers les usines de transformation et les coopératives de production du lait. Cette performance est réalisée grâce à la création des centres de collectes du lait, qui se chiffre aujourd'hui à 1200 centres alors que le Maroc ne comptait qu'une dizaine en 1970. Le nombre des usines est passé de son côté de 7 en 1970 à plus de 50 usines aujourd'hui dont plusieurs sont certifiées HACCP et Iso. De fait, la capacité de transformation du lait des usines est passée de 850 litres par an en 1980 à 3 millions de litres par an aujourd'hui. Ils produisent différents types de lait (L'ait pasteurisé, UHT…) et les dérivés du lait. La production des viandes rouges a atteint de son côté 400 mille tonnes.