«Quel impact de la privatisation sur les entreprises publiques ?»
Interview. Avec Charaf Britel, docteur en sciences de gestion.
LE MATIN
19 Février 2009
À 13:05
Charaf Britel est docteur en sciences de gestion à l'Université de Perpignan et expert financier à l'ESG de Paris. Il vient de soutenir sa thèse sur l'impact du processus de privatisation sur les performances des entreprises publiques qui constitue une première au niveau de la recherche scientifique. Entretien.
LE MATIN ÉCO : Vous avez soutenu, tout récemment, une thèse de doctorat de l'Université de Perpignan sous le titre «Impact du processus de privatisation sur les performances des entreprises publiques: le cas du Maroc», ce qui constitue une première au niveau de la recherche scientifique. Pourquoi avez-vous choisi ce sujet ?
CHARAF BRITEL : Au Maroc, la cession des entreprises publiques au secteur privé constitue une importante manne financière qui s'avère très bénéfique d'un point de vue socio-économique, permettant ainsi une atténuation des charges publiques et l'émergence du marché financier national.Or, la privatisation crée, certes, une croissance économique mais doit se refléter également par des transformations positives sur la rentabilité des institutions privatisées. D'où l'objectif de mon travail qui consiste à l'identification des conséquences de l'impact du processus de privatisation sur les performances des entreprises publiques marocaines transférées à travers la Bourse des valeurs de Casablanca.Afin de mieux répondre à cette problématique, ma recherche ne repose pas uniquement sur l'étude des caractéristiques de performances comparant la propriété privée et celle publique mais dépasse cette dualité et se focalise notamment sur d'autres critères internes et externes susceptibles d'influencer l'impact du processus de privatisation sur l'efficacité des firmes privatisées.
Sur quels matériaux avez-vous travaillé pour votre recherche et comment avez-vous procédé ?
La particularité de mes résultats découle de l'utilisation d'une combinaison entre des méthodes statiques et dynamiques appliquées et testées pour la première fois dans un pays en voie de développement tel que le Maroc. Les premières méthodes analysent, sur le moyen et le long termes, au cours de la période d'avant et après la privatisation des sociétés transférées entre les années 1990 et 2004, les éléments suivants: la variation de leur rentabilité, productivité, politique de financement, stratégie d'investissements ainsi que leur tendance de distribution de dividendes. Les deuxièmes méthodes permettent de mesurer plusieurs nouveaux critères politico-économiques, manageriels organisationnels ainsi que ceux relatifs aux effets des leviers des investissements engagés par les dirigeants privés ou publics des sociétés examinées.
Quelles sont les circonstances qui ont poussé différents gouvernements à privatiser certaines de leurs entreprises publiques ?
Le choc pétrolier des années 70, ayant entraîné une forte croissance du chômage et de l'inflation en provoquant ainsi des effets de fracture sociale, a dévoilé les limites de la gouvernance de certaines entreprises publiques déficientes. Celles-ci ont alourdi l'endettement de leurs gouvernements, discréditant ainsi la doctrine keynésienne. A cet effet, la performance de la gouvernance privée a remis en cause cette hémogénie, enclenchant un débat scientifique qui a donné lieu à une panoplie de travaux de recherches théoriques dont l'objectif est d'apporter des solutions optimales à certaines défaillances de la gouvernance du secteur public (comme la théorie de Public Choice, la théorie d'agence, la théorie des droits de propriété…). En fait, plusieurs théories ont critiqué cette défaillance et d'autres ont fourni des recommandations plausibles afin de pallier cette situation de plus en plus répandue dans le monde. Parmi les prémonitoires des économies mondiales ayant adopté la politique de privatisation, nous avons le gouvernement de Margaret Thatcher en Angleterre. Ce gouvernement a utilisé la politique susmentionnée pour faire face à une importante crise économique britannique dont sévissait le pays durant la fin des années 70 et dont le secteur public jouait un rôle prépondérant dans l'aggravation du déficit budgétaire.Généralement, il existe trois raisons principales amenant les différents gouvernements à privatiser certaines de leurs entreprises publiques, à savoir redynamiser leur économie par le renflouement des caisses de l'Etat par de nouvelles ressources grâce à ‘'la mise en vente des deniers publics'' (firmes étatiques); limiter les défaillances de certaines entreprises publiques conduisant à la ‘'dénationalisation'' des plus faibles afin de limiter l'amplification du déficit budgétaire national et enfin se conformer aux recommandations du FMI et de la Banque mondiale prônant l'utilisation de la stratégie de privatisation, notamment dans les pays en voie de développement afin de pallier leurs problèmes économiques.
Quel a été le prix de cette politique ?
En suivant les suggestions du Plan d'ajustement structurel (PAS) proposé par la Banque mondiale, la politique de privatisation marocaine représentait la solution optimale pour notre pays pour réduire le poids de son secteur public dont le déficit absorbait, durant les années 80, jusqu'à 10% du budget de l'Etat.Jadis, les gouvernements qui se sont succédé au Royaume dépensaient une bonne partie de leur budget annuel dans des subventions très importantes pour financer les déficits de leurs firmes publiques. Malheureusement, ceci se répercutait négativement sur le développement économique national.Ainsi, le processus de dénationalisation est à l'origine pour le gouvernement marocain d'une importante manne financière engendrée par la cession de certaines de ses entreprises publiques déficitaires et même rentables au secteur privé. Les conséquences financières de ce processus sont multiples et s'avèrent très bénéfiques sur une multitude de domaines socio-économiques. En matière d'atténuation des charges publiques, il est à signaler que les recettes générées par la politique de privatisation marocaine, jusqu'à la fin de l'année 2008, se chiffrent à près de 100 milliards de dirhams. Par conséquent, la part du secteur public marocain en comparaison au PIB a reculé positivement de 17 à 12% entre les années 1989 et 2003 en répondant ainsi positivement aux recommandations des instances internationales. De ce fait, le processus de privatisation a pris une ampleur mondiale en s'appliquant même à des régimes qualifiés de communiste (Chine) ou de l'ex-bloc soviétique (la Russie, la Hongrie, la Bulgarie...) qui s'opposaient auparavant à la libéralisation de leur économie. Ces pays ont tous opté pour la dénationalisation de leurs firmes étatiques, en appliquant ainsi le principe : «trop d'Etat tue l'Etat ainsi que les établissements qu'il contrôle».
Depuis le lancement des privatisations en 1993 jusqu'à aujourd'hui, quels sont les secteurs et les entreprises touchés par la privatisation?
Durant les 16 dernières années, ‘'plusieurs secteurs d'activité économique de poids'', particulièrement stratégiques, ont été libéralisés grâce à la politique de privatisation. Ils reposaient essentiellement sur le transfert des capitaux des plus grandes entreprises étatiques nationales au profit d'un noyau dur d'actionnaires. Entre les années 1993 et 2008, plusieurs privatisations ont été concrétisées dans divers domaines économiques (banque, cimenterie, raffinerie de pétrole, etc.). Il est à noter que pendant les cinq dernières années, trois établissements publics ont été privatisés, représentant à eux seuls près des deux tiers des revenus des privatisations marocaines: -Le secteur des télécommunications a été l'une des prouesses de cette politique ayant permis d'approvisionner les caisses de l'Etat de plus de 31 milliards de dirhams. A l'issue de cette opération de privatisation, plus de 51% du capital de l'opérateur national Maroc Telecom a été cédé à la multinationale française Vivendi Universal. - Au mois de septembre 2006, la dernière part, représentant 20% du capital de la Régie des tabacs, a été acquise par la société franco-espagnole Altadis. Cette société détient actuellement la totalité des actions de la Régie marocaine et dispose, en plus, d'un monopole de production jusqu'à la fin de l'année 2010. La mise en vente totale de la Régie des tabacs marocaine a permis aux pouvoirs publics d'encaisser une coquette somme supérieure à 18 milliards de dirhams. -Au titre de l'année 2005, la société industrielle marocaine SOMACA (de construction de véhicules) a enregistré une passation de 12% de son capital, vendu à la maison Renault. Cette cession s'insère dans le cadre d'un partenariat conclu entre le gouvernement marocain et le constructeur français, d'après lequel la part de 26% du capital a été déjà transférée en juillet 2003. En outre, suite au lancement du processus de privatisation en 1993 jusqu'à aujourd'hui, plusieurs entreprises étatiques ont été cédées via la Bourse des valeurs de Casablanca. Celles que j'ai analysées dans mon étude sur le moyen et le long termes (à l'exception de Maroc Telecom dont la privatisation en 2004 est récente) sont les suivantes: (Voir tableau).
Qu'en est-il de l'ouverture du capital au personnel ?
Parmi les objectifs primordiaux de la politique de ‘'désétatisation'' figure la consolidation et le renforcement du développement de l'actionnariat salarié. Evidemment, le fait d'intégrer les salariés dans le capital de leur société privatisée représente une opportunité pour cette dernière pour se prémunir d'une nouvelle forme de financement. Dans le cadre de mon étude empirique, menée sur les onze entreprises publiques privatisées à travers le marché financier marocain, j'ai démontré que l'actionnariat des salariés produit un impact très positif sur les performances de leur établissement après son transfert au secteur privé. Ainsi, cet actionnariat permet d'encourager la stabilité et la ‘'coalition du capital humain'' en préservant ainsi le système de gouvernement de l'entreprise contre l'asymétrie de l'information (conflits d'intérêts) et les comportements opportunistes. Cette situation de confiance entre les différents intervenants au sein d'une entreprise permet de renforcer la prise des décisions stratégiques qui conditionnent la performance et conduit à la convergence des intérêts des salariés et ceux des dirigeants et des actionnaires.En revanche, le manque d'épargne représente le problème majeur qui sanctionne cette participation des salariés. Le cas de la société SNI en est un exemple concret. En effet, cette société était obligée d'allouer à ses employés des fonds de caisse ou des crédits bancaires pour leur faciliter la possibilité d'honorer leur engagement.
A l'aune de votre étude, pouvez-vous nous dire si la notion de performance diffère du secteur public au secteur privé et pourquoi ?
Effectivement, la notion de performance diffère sans aucun doute du secteur public au secteur privé. Au niveau des entreprises publiques, leurs objectifs dépendent étroitement du système politique mis en place par le gouvernement. Ce dernier définit, essentiellement dans les pays en voie de développement, les préférences politico-économiques et sociales à adopter par certaines entreprises étatiques. Celles-ci sont tenues généralement à concrétiser les préférences du gouvernement au détriment de leur propre rentabilité. En revanche, toute entreprise privée a pour but primordial de réaliser des profits pour garantir sa pérennité dans son marché. De ce fait, cette catégorie d'entreprises à tendance évidemment à investir dans les «affaires» les plus rentables.Par ailleurs, devant la crise économique mondiale actuelle qui sévit, les plus grandes industries mondiales libérales et le secteur privé ont dévoilé leurs limites.En effet, le système capitaliste planétaire se trouve en danger à cause de son principe de fonctionnement basé sur la réalisation exclusive du profit. Les firmes privées sont obligées, en cas de surproduction, de diminuer leurs prix de vente. Ceci provoque une baisse de l'accumulation du capital et une réduction des investissements, ce qui entraîne par la suite le licenciement du personnel provoquant l'accroissement du taux de chômage. Cette situation permet au secteur privé (capitaliste) de restaurer et de relancer son taux de profit. De ce fait, une nouvelle étape de surproduction est créée grâce au recul de l'investissement et à la baisse de la consommation liée au licenciement. Ainsi, on peut considérer que ce système s'engage dans un cercle vicieux et mène les pays qui l'adoptent en déflation et en récession. A cet effet, on peut reprocher au système capitaliste d'être un système inégalitaire d'où l'utilité de l'intervention de l'Etat, dans certaines situations spécifiques de crise, comme le moyen le plus efficace pour la relance de l'économie en garantissant l'égalité sociale à travers ses entreprises publiques. Quoique cet interventionnisme étatique soit prudent et astucieux et la mise en application de toute théorie économique exempte des courants idéologiques politiques totalitaires. Dans ce sens, Max Weber considère que toute «science de la politique économique» est, en réalité, une «science politique».
Existe-t-il des différences entre les deux en termes d'objectifs, d'approches stratégiques ou commerciales?
A priori, la conception stratégique et décisionnelle ainsi que sa mise en œuvre dans les entreprises s'accomplissent dans les conditions suivantes: Pour le secteur public, ce sont de temps à autre les instances ministérielles et certaines administrations socio-économiques qui ont tendance à influencer la mise en place des stratégies des firmes étatiques. Généralement, le ministère de tutelle ne fixera des stratégies à ses sociétés publiques qu'une fois que toutes les instances intervenantes formulent leurs propositions. A cause de cette démarche compliquée, ces sociétés sont perpétuellement face à des contraintes qui s'opposent au sens du rendement et de la rentabilisation. Quand au secteur privé, les stratégies de ses entreprises sont plus souples, rapides et clairement identifiées. Elles sont habituellement arrêtées par les dirigeants et ne demandent pas souvent l'aval du conseil d'administration ou du directoire.L'exécution des projets est sous la responsabilité des dirigeants, à leur tête le président-directeur général de l'entreprise privée, qui sont censés choisir le personnel qualifié pour mener à bien toutes les stratégies établies.
En ce qui concerne l'approche commercial des deux secteurs. Tout d'abord, les règles commerciales des entreprises publiques, relatives à la fixation de leur production des biens ou services et les prix ou quantités y afférents, privilégient particulièrement l'intérêt général et non pas le but lucratif, ce qui sanctionne leurs performances. Dans les pays en voie de développement, ces règles sont généralement prescrites dans un cadre de production monopolistique qui n'encourt souvent pas des risques de concurrence. La bureaucratie est le mot d'ordre qui règne continuellement lors de la mise en application de la production. Les firmes privées, face à une clientèle de plus en plus exigeante ainsi qu'une concurrence nationale et internationale de plus en plus accrue, sont fréquemment obligées de négocier dans les meilleures conditions la mise en œuvre de leurs stratégies.Pour parvenir à leurs objectifs, les dirigeants de ces firmes essayent d'atteindre un rapport qualité/prix défiant les autres concurrents. De cette manière, la productivité et la rentabilité deviennent les clés de réussite du secteur privé garantissant, dans ce cas, sa survie et la supériorité de sa performance.
Quelle évaluation faites-vous de la performance des entreprises privatisées marocaines avant et après leur transfert et quelles conclusions tirez-vous de ce chapitre?
En résumé, j'ai réalisé deux études empiriques qui se sont basées respectivement sur une analyse statique (simultanée) et dynamique. Ces études ont concerné fondamentalement les conséquences du processus de privatisation sur la performance des entreprises publiques privatisées via la BVC. De ce fait, mes différents résultats ont conclu que les entreprises dénationalisées ayant bénéficié d'une meilleure croissance de leur efficience et de leur efficacité sont très minoritaires. Par conséquent, la majorité n'a réalisé qu'une croissance de performance peu significative, marginale ou négative.Ma première étude empirique statique (simultanée) m'a permis de comprendre certains aspects manageriels adoptés par les nouvelles gouvernances privées des entreprises susmentionnées. Il s'agit essentiellement, pour la majorité des firmes examinées, de la mise en place d'une politique de remboursement par anticipation des dettes exigibles envers les établissements de crédit. Néanmoins, ladite politique d'autofinancement s'est généralement accompagnée par des investissements considérables mais peu rentables, observés au moins sur la période de notre recherche retenue de 1990 à 2004. En outre, la gouvernance privée, qui a pris le contrôle des entreprises privatisées, a confirmé sa prédilection en répondant positivement à ses actionnaires par l'augmentation de la répartition des dividendes malgré une faible productivité de l'entreprise.En ce qui concerne mon analyse dynamique de la rentabilité économique appliquée sur chacune des entreprises privatisées à travers la BVC, j'ai conclu à des résultats mettant souvent en doute l'efficience de ces entreprises après leur privatisation. Ces résultats décevants ont été confirmés par 3 autres ratios de rentabilité (le ROE, le ROS et le résultat économique). Concernant l'hypothèse relative aux effets exogènes, elle se rapportait aux conséquences politico-économiques sur la variation de la performance des firmes privatisées. Dans ce cadre, j'ai remarqué que la croissance des dépenses des administrations publiques amenait l'Etat à réduire son assistance financière à ses entreprises, lors de leur privatisation, provoquant ainsi une décroissance de leur performance.Quand à l'hypothèse liée aux effets endogènes, j'ai constaté qu'il y a une bonne maîtrise des coûts par la nouvelle gouvernance privée à la suite de la privatisation des entreprises publiques marocaines. Ceci s'explique par le fait que la hausse des charges du personnel des entreprises étudiées s'accompagne souvent par une croissance de leurs 3 ratios de rentabilité : le ROA, le ROE et le résultat économique. Ma dernière hypothèse concerne l'analyse de la relation de causalité entre la performance des entreprises privatisées et l'effet de levier d'investissements engagés par leur nouvelle gouvernance privée. Dans ce cadre, je remets en cause particulièrement la stratégie d'investissements relative à la prise de participation des entreprises dénationalisées dans d'autres sociétés qui se fait au détriment de l'amélioration de leur performance.
Quelles ont été les conséquences externes des privatisations sur l'environnement économique, cas de la création du Fonds Hassan II ?
Depuis le lancement du programme du processus de privatisation en 1993 et jusqu'à l'année 2000, la totalité des recettes générées de cette opération ont été affectées directement au budget de l'Etat. A partir de l'année 2001, une part importante représentant la moitié des recettes des privatisations a été transférée au Fonds Hassan II. Par décret n°2-00-129 du 16 mars 2000, ce fonds a été créé sous la dénomination «Fonds Hassan II pour le développement économique et social». L'objectif de ce fonds consiste à jouer le rôle de levier socio-économique et à apporter son concours à tout investissement permettant la création de l'emploi, de soutenir la modernisation des grandes infrastructures nationales et la promotion des niveaux économique et social du pays. Ensuite, conformément au dahir n°1-02-02 du 29 janvier 2002, la loi a érigé le Fonds Hassan II en établissement public doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. A partir de l'année 2003, la majorité des ressources de ce fonds sont logées auprès de Bank Al-Maghrib.Le Fonds Hassan II a reçu jusqu'à la fin de l'année 2006 près de 31 milliards de dirhams prélevés des 94 milliards des recettes générées par tout le processus de privatisation.A la fin de l'année 2008, les différents secteurs d'activités économique et sociale qui ont été concernés par la participation financière du fonds sont les suivants : soutien des domaines d'équipement alloué à la société des Autoroutes du Maroc, appui financier de l'Agence spéciale Tanger-Méditerranée pour la construction du plus grand port commercial de la Méditerranée, le secteur de l'habitat à caractère social occupe une place prépondérante dans les dépenses engagées par ce fonds, généralisation des projets touristiques sur tout le territoire national, assistance aux petits agriculteurs, promouvoir les projets à travers la politique des microcrédits… Cependant, la stratégie du Fonds Hassan II devra faire l'objet d'une réflexion approfondie au niveau des responsables politiques et économiques pour trouver les meilleurs moyens afin d'assurer sa pérennité. Cette question devra être sérieusement analysée pour aboutir à des solutions concrètes afin de pallier l'extinction ou le ralentissement de la collecte des recettes des privatisations.
Comment le processus de privatisation a-t-il participé à l'émergence du champ boursier et inversement?
Il est nécessaire de souligner que le gouvernement marocain a mis en place tout un programme d'accompagnement pour le lancement du processus de privatisation. Parmi ces mesures d'accompagnement les plus importants, on trouve la modernisation de la Bourse des valeurs de Casablanca. Cette modernisation s'est concrétisée suite à la mise en place des changements structurels et organisationnels à la BVC. Ces changements lui ont permis d'absorber la masse des capitaux drainés par les différents investisseurs et de proposer de nouveaux produits apportés suite au lancement de la politique de privatisation en participant ainsi activement à sa réussite. De sa part, la BVC a vu, suivant ses chiffres publiés au titre de l'année 2006 correspondant au lancement des privatisations en 1993 et jusqu'à la fin de l'année 2005, sa capitalisation se multiplier par plus de 8 fois (passant de 30 à plus de 252 milliards de dirhams) et son volume de transaction par près de 30 fois (passant de 4,9 à 148,5 milliards de dirhams). En outre, cette politique a renforcé le développement de l'actionnariat populaire grâce notamment aux campagnes institutionnelles incitatives permettant la participation des différentes couches sociales marocaines.
Quel diagnostic faites-vous, in fine, sur la réussite du processus de privatisation au Maroc?
Suite à ces différentes constatations, mon étude considère que l'impact du processus de privatisation au Maroc sur la performance des sociétés transférées à travers le marché financier marocain (à l'exception de la société Maroc Telecom) reste globalement mitigé et peu convaincant.Il faut soulever le fait que la majorité des entreprises publiques privatisées via la BVC entre 1993 et 2008 étaient plus ou moins saines financièrement avant leur dénationalisation. Ainsi, leur capacité à réaliser des performances n'a pas été clairement bouleversée par le changement de leur gouvernance publique par une nouvelle gouvernance privée dont les compétences demeurent moyennes et sans une efficacité immédiate.Enfin, je propose à ce que la politique de privatisation porte sur les entreprises publiques déficitaires afin qu'elles puissent profiter pleinement de l'expérience des entreprises privées les plus performantes. A ce titre, il serait préférable dans certaines situations à ce que les Etats soutiennent la gouvernance publique de leurs entreprises au lieu de les transférer à des gouvernances privées moins efficientes.
A quelles limites vous êtes-vous heurté dans votre étude ?
Les limites de ma recherche peuvent se rapporter à plusieurs obstacles dont les plus importants sont les suivants: difficulté d'accès aux données et statistiques fiables des entreprises privatisées examinées, énorme manque d'informations sur certaines de leurs données spécifiques comptables. De plus, mon étude qualitative (questionnaire) a été différée à cause de l'insuffisance de la collaboration des dirigeants de 80% des entreprises. Le thème de ma recherche représente donc un «sujet-carrefour» aux niveaux politique, économique et juridique.