La ruée vers Rabat n'a toujours pas eu lieu. Hier, le ton était à l'optimisme et à la mobilisation générale pour faire de la ville administrative l'une des premières destinations touristiques du pays.
LE MATIN
19 Mars 2009
À 14:15
Aujourd'hui, l'enthousiasme est quelque peu retombé laissant place à la morosité, en partie, en raison de la crise mais aussi et surtout faute de financements suffisants, selon Moulay Lahbib Alaoui, président du Centre régional du tourisme.
Classée 6e après Marrakech, Agadir, Casablanca, Tanger et Fès, la capitale administrative avait, en 2006, opté pour une politique plus ambitieuse que par le passé. Le challenge auquel devait se mesurer l'équipe du CRT était de taille. Un vaste plan d'action lancé, à grand renfort de publicité, sous le nom de code PDR (Plan de développement régional de Rabat) devait immanquablement relancer le tourisme sur les deux rives du Bouregreg. Parmi ce dispositif de promotion touristique, un site Web visitrabat.com avait été élaboré pour vanter les mérites de la capitale et un guide touristique «Destination Rabat, la légende des deux rives» avait été édité répertoriant les curiosités de cette ville. Une carte de la région et un magazine trimestriel «Rabat, d'une rive à l'autre», à l'usage des visiteurs en mal de traditions et d'exotisme, avaient également été conçus pour compléter ce kit marketing. Sans compter le circuit bipôle Rabat–Fès qui devait être l'itinéraire incontournable autour du patrimoine arabo-andalou et des sports de prestige comme le golf et le thermalisme.
Le CRT jetait là les premières bases d'un travail destiné à être enrichi mais susceptible de repositionner la ville et de faire affluer les touristes. Oui, mais voilà… 4 ans ont passé depuis le lancement de la stratégie marketing du PDR et on ne voit toujours rien venir bien que, selon le directeur du CRT, le nombre des touristes étrangers dans la capitale, ait atteint 21.2443 en 2008. Le CRI annonce également que 15 projets lancés dans la capitale ont nécessité un investissement de 514 MDH, soit 7% des réalisations de l'année. Il se trouve, néanmoins que le fameux site visitrabat.com, d'abord programmé en français pour une meilleure accessibilité, devait également être disponible en arabe et en espagnol. Outre que le site n'est pas réactualisé depuis 2005, il ne présente aucune nouveauté par rapport à la promotion culturelle de la ville et reste dans l'ensemble peu informatif. Les autres supports marketings ont été, quant à eux, visiblement abandonnés.
M. Alaoui défend la position du CRT en arguant que dorénavant, la région souhaite capitaliser sur ses points forts en suivant le fil conducteur de ‘'la légende des 2 rives'', tout en insistant sur le volet du patrimoine historique et culturel. A cet effet, une brochure sell-book et un DVD devraient bientôt voir le jour. De plus, annonce-t-il: «Nous sommes en pourparlers avec l'ONMT (Office national du tourisme) pour l'ouverture de 2 kiosques d'information, un du côté des Oudayas et l'autre sera implanté au sein de la gare de Rabat ville, dès la fin des travaux de celle-ci». L'ouverture de plusieurs restaurants internationaux et l'aménagement de 2 maisons d'hôtes dans la médina sont également à l'étude. Un bien maigre programme pour hisser la capitale au rang de ses consoeurs, Fès et Marrakech qui, au dire de Moulay Lahbib Alaoui, seraient bien moins dotées en infrastructures et auraient des atouts moindres. «A Rabat, nous avons 3 parkings, une façade atlantique de 60 km, une corniche en pleine réhabilitation avec le projet Safira, l'aménagement du Bouregreg, les hauts plateaux de Zemmour-Zaërs, le parc zoologique, sur 50 ha, qui doit voir le jour fin 2010 et qui comportera des espaces ludiques, des lieux de restauration et d'hôtellerie. La circulation va être un modèle du genre avec le passage du tramway. Nous misons sur nos points forts pour changer radicalement la perception de la ville».
D'ailleurs, fait-il reconnaître, « Nous nous en tirons pas trop mal. Nous avons comptabilisé, pour l'année 2008, 60% de nuitées dans les hôtels 5 étoiles, par rapport à 2007, soit une augmentation de 15% qui confirme le positionnement marketing de Rabat comme destination haut de gamme. Notre capacité hôtelière est passée de 5.222 lits en 2003 à 6.304 lits en 2008 avec un taux de croissance annuel moyen de 3%». Toutefois, si la capitale ne démérite pas dans le créneau qui lui est traditionnellement dévolu, celui de plate-forme incentive des affaires, sa capacité hôtelière reste assez limitée et ne représente que 4,2 % eu égard à la capacité nationale. Avec le Hilton fermé temporairement pour des travaux, la destination culturelle convoitée par la capitale reste encore une douce utopie. «Les séminaires et les conférences nationales et internationales restent prioritairement organisés dans la capitale. Mais entendons-nous bien, Rabat attire davantage pour sa qualité et sa douceur de vivre. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous poursuivons, conformément à l'accord-cadre, la politique du bureau sortant, affirme, le directeur du CRT.
Nous nous sommes rapprochés de la SMIT (Société marocaine d'industrie touristique), l'organe créé en 2007 en charge de l'aménagement touristique et des investissements pour insuffler une nouvelle dynamique au plan de développement régional qui est d'ailleurs en cours de finalisation». Il n'en reste pas moins que les équipes du CRT semblent se suivre et se ressembler. Les problèmes de fond ne sont toujours pas abordés comme la mise en place d'une véritable stratégie en direction des nouveaux marchés émetteurs comme l'Italie, l'Allemagne, l'amélioration de la desserte aérienne qui ne reçoit que des vols en provenance de Paris, la diversification des produits touristiques pour réduire la saisonnalité et allonger la durée moyenne de séjour. Cette durée était, d'ailleurs, en 2007 de 2,9 jours, dans la capitale, les pays arabes générant le plus de nuitées, soit 3,26 contre 2,6 pour l'Europe et 2,81 pour l'Amérique du nord et 1,76 pour les nationaux. Un taux encore bien faible par rapport au potentiel touristique de la capitale.
‘'A qui la faute ?'', clame Moulay Lahbib Alaoui, ‘'les élus et les professionnels du tourisme de Rabat et de sa région tirent à hue et à dia sans compter qu'on nous alloue des moyens trop insuffisants. Les trois quarts de ce budget sont injectés dans les manifestations internationales. En ce moment, nous oeuvrons pour que Rabat soit doté d'un vrai budget de promotion, avec un programme propre à la destination. Nous attendons, pour ce faire la signature d'une convention avec l'ONMT''. En attendant, la politique marketing de Rabat bat de l'aile et l'objectif de 2,4 millions de visiteurs inscrit dans la Vision 2010 n'est pas pour demain. -----------------------------------------------------------------
Plan d'urgence
Pour faire face à la crise, le ministère marocain du Tourisme a débloqué une enveloppe budgétaire de 100 MDH en faveur d'un plan d'urgence baptisé «Cap 2009», lancé en décembre dernier et destiné à développer le tourisme interne et conquérir de nouveaux marchés comme la Russie, les Etats-Unis ou les pays du Golfe. Dans le cadre de ce plan, l'ensemble des hôteliers de Rabat, en collaboration avec la délégation régionale du Tourisme doivent se rencontrer prochainement afin de promouvoir le tourisme local à l'aide d'offres promotionnelles et de structures plus adaptées à la clientèle nationale, trop longtemps négligée au profit des touristes internationaux.