La babouche marocaine, qui assure l'emploi à 25 000 artisans, risque d'être asphyxiée par des produits similaires importés de la Chine.
LE MATIN
26 Février 2009
À 13:30
Des mesures d'urgence sont prises et d'autres sont en cours. Toutefois, ce problème ne concerne pas que la babouche, d'autres produits de l'artisanat sont vulnérables à ce risque.
On se mobilise comme on peut pour sauver la babouche marocaine. Ce produit qui fait face depuis l'année dernière à une déferlante des babouches fabriquées en Chine et qui sont proposées à des prix défiant toute concurrence, bénéficie actuellement des mesures d'urgence provisoires pour stopper l'hémorragie, en attendant des actions durables. Ainsi, suite à l'appel au secours des professionnels qui ont estimé que leur activité est au bord de l'asphyxie, on a procédé à la création d'une commission mixte entre le ministère du Commerce extérieur, la Douane et les professionnels. Objectif : plancher sur le problème, notamment en ce qui concerne ses aspects relatifs à la qualité et l'hygiène. Ces produits importés sont donc soumis à des analyses du laboratoire. Toutefois, étant donné que ces examens prennent du temps avant de donner leurs résultats, on met en place des mesures d'urgence pour stopper ces importations massives, via notamment la fixation d'un prix-plancher sur la valeur déclarée. De même, la sollicitation des professionnels a permis d'ouvrir une enquête au niveau de la Douane sur les possibles détournements de la nomenclature douanière.
Cet effort n'est pas un luxe. En fait, selon la Fédération des entreprises d'artisanat (FEA), la babouche assure l'emploi à pas moins de 25 000 artisans essentiellement entre Fès, Marrakech et Taroudant. Notons ici que le secteur du cuir est composé dans sa globalité de 13.105 unités de production avec 50 000 artisans (apprentis non compris).Il est à noter que, d'après la présidente de la Fédération, Ghalia Sebti, l'activité est confrontée depuis l'année dernière à des importations massives des babouches importées de la Chine qui sont une parfaite imitation du produit marocain proposées à des prix anormalement bas. En effet, explique-t-elle, alors que le prix d'une paire de babouches fabriquées au Maroc ne descend pas de 50 DH, des babouches importées de la Chine sont vendues à seulement 25 DH, étant déclarées à la douane à seulement…70 centimes.
Craignant pour la survie de leur activité, les professionnels avaient appelé à protéger leur produit par des barrières non tarifaires qui sont d'ailleurs appliquées par certains pays et à des mesures de sauvegarde. D'ailleurs, selon la Fédération de l'artisanat, ce problème ne concerne pas que la babouche, d'autres produits de l'artisanat sont vulnérables à ce risque, fait-t-on savoir. Exemple: «Lekmiss» (tenue traditionnelle marocaine). Ce qui nécessite, selon la fédération, d'activer la veille économique pour protéger les produits victimes de la concurrence déloyale aussi bien en ce qui concerne cette activité que les autres secteurs de l'économie nationale. On cite à ce sujet le cas du tajine marocain.
En fait, suite aux difficultés qu'a rencontrées ce produit à l'export, liées aux analyses des laboratoires qu'il a subies et qui ont montré que les teneurs en plomb dans les tagines étaient supérieures au niveau autorisé, qui est de 5 milligrammes par litre, on a mis en place un plan d'urgence piloté par le secrétariat d'Etat à l'Artisanat pour sauver ce produit. Il est à rappeler que le tajine marocain a été déjà refoulé par les services des douanes des pays comme la Hollande, le Canada, l'Australie. Pour ce dernier pays, la norme prévoit que la teneur d'un produit en plomb ne doit pas dépasser 3,5ml/l.Le plan d'action prévoit notamment d'imposer aux produits d'artisanat des analyses en laboratoire pour s'assurer du respect des normes de sécurité internationales et incite les artisans à faire certifier leurs produits auprès de laboratoires agréés.D'ailleurs, ce produit n'est pas le seul à souffrir du manque en normes, mais bien d'autres produits de l'artisanat, souligne-t-on auprès de la fédération. « On est un pays qui manque de normes dans le secteur d'artisanat», affirme-t-on, en estimant le nombre total de normes dont dispose le Maroc à environ 6.000 seulement, tous secteurs confondus. Pour la direction de la normalisation et de la promotion de la qualité, du département de l'industrie, on affirme que l'on dispose actuellement de près de 8.000 normes homologuées.
En tout cas, la comparaison avec les autres pays montre que le Maroc a encore du chemin à parcourir dans ce domaine.D'après la Fédération de l'Artisanat, le patrimoine normatif de l'INNORPI (Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle- Tunisie) compte au 31 décembre 2008, 10.430 normes tunisiennes qui concernent tous les secteurs de l'économie de ce pays. Pour la France, l'AFNOR compte plus de 100.000 normes. L'artisanat en France dispose de 266 normes. ---------------------------------------------------------
Mesures de sauvegarde
Le ministère du Commerce extérieur a élaboré un projet de loi relatif à la défense commerciale.Celui-ci est actuellement au secrétariat général du gouvernement. Toutefois, au département du Commerce extérieur, on tient à préciser qu'il ne s'agit pas vraiment de nouveautés sur le plan juridique. Il s'agit plutôt, selon Hassane Benseddik, chef de la division des exportations, au ministère du Commerce extérieur, de transposer sur le plan national les dispositions des lois régissant le commerce international, dans le cadre de l'OMC. Autrement dit, ces dispositions sont traduites en contexte juridique national. L'objectif de ce texte de loi, précise-t-il, est de clarifier ces différentes dispositions, notamment les pratiques commerciales qu'elles traitent. Car, relève-t-il, souvent les opérateurs font des confusions entre ces pratiques : dumping, importations massives, subvention… Par ailleurs, il est à rappeler que le Maroc a déjà eu recours à des mesures de sauvegarde dans plusieurs dossiers dont ceux de l'importation des bananes en 2001 et de la céramique en 2006. En effet, le ministère du Commerce extérieur a rendu public, au début de février 2006, un avis aux importateurs qui leur impose un volume annuel d'importations à ne pas dépasser. De même, le riz d'origine égyptienne importé dans un cadre conventionnel a été soumis, à titre provisoire, au début de l'année dernière, à un droit d'importation (DI) additionnel spécifique de 2,30 dirhams le kilogramme, suite à une demande à ce sujet émanant de l'Association professionnelle des rizeries du Maroc (APRM).