Zaki piégé par Sellami

Les nanomatériaux et nanocomposites, une méga-opportunité pour le Maroc (1re partie)

Dr Khalid ZAHOUILY
-Président de la Commission PME-Université à la CGPME-Alsace
- Expert agrée en nanotechnologies auprès du ministère de la Recherche scientifique (France)
- Head Manager Photon & Polymers (nanocomposites-France)R>- Conseiller Innovation CCI-Mulhouse-France
>- Expert et conseiller scientifique auprès de plusieurs Grandes Maisons du Luxe à Paris et à Genève

09 Octobre 2009 À 17:03

Qu'est-ce qu'un matériau polymère nanocomposite?
Avant de donner une définition des nanomatériaux, expliquons tout d'abord en quelques mots ce qu'est un composite? Un composite est un matériau constitué de plusieurs composants et qui possède des propriétés qu'aucun des constituants ne possèderait seul. Il pourrait s'agir par exemple d'une matrice polymère chargée par une fibre (verre, carbone, etc..) ou particules minérales. Plus particulièrement, on appelle nanomatéraiux ou nanocomposites, un système hétérophasé composé d'une phase dont l'une des dimensions au moins est nanométrique (1 millimètre = 0,001μm 1, micromètre = 0,000001 nm). Idéalement, dans ce type de système, la composition et la structure du matériau varient à l'échelle du nanomètre. Toutefois, le terme nanomatériaux ou nanocomposites couvre un ensemble plus vaste à l'échelle nanomètre. En effet, il s'entend aux composites dont l'un des constituants possède des dimensions allant jusqu'à une centaine des nanomètres. Ainsi, de nombreux nanomatériaux organiques sont élaborés à partir d'un polymère dans lequel sont dispersées des nanoparticules. En effet, l'incorporation des nanocharges au sein des matériaux polymères permet de profondément modifier leurs propriétés mécanique, thermique, électrique ou magnétique et ainsi élargir et optimiser leur champ d'application qui n'a de limite que notre imagination.
Un élément très important qu'il faudrait aborder pour mieux comprendre les nanomatériaux est la notion de surface spécifique qui confère une très grande surface de décontraction entre la nanocharge et le polymère. Ainsi, plus la taille des objets diminue, plus le rapport surface-volume augmente (voir illustration), conférant ainsi aux matériaux des capacités d'échanges et de réactivité exceptionnelles. A titre d'exemple, la surface spécifique d'une silice pyrogénée de taille 17nm est comprise entre 50 et 400 m2/g, tandis que celle d'une silice naturelle de (1μm = 1000 nm ) est de l'ordre de 2 m2/g. Ainsi, accroitre la surface spécifique d'une particule permet de privilégier les interactions et les processus chimiques ou physico-chimiques.
Tout le secret des propriétés extraordinaires de certains nanomatériaux réside dans la nature des interactions physico-chimiques avec les macromolécules environnantes qui conduisent à une interphase entre la nanoparticule et la matrice polymère. En quelques mots, les nanosciences et nanotechnologies doivent ainsi leurs noms au fait que l'on peut aujourd'hui observer, manipuler ou fabriquer des dispositifs et des systèmes matériels parfaitement maîtrisés à l'échelle nanométrique. On entre ainsi dans un monde nouveau où les concepts de la physique macroscopique sont caducs car les comportements deviennent intrinsèquement quantiques: physiciens, chimistes, ingénieurs et industriels sont conduits à tout repenser et c'est là une véritable révolution conceptuelle qui nous attend. Le monde des nanosciences est, en effet, porteur d'une révolution industrielle majeure, celle des nanomatériaux, qui permet d'organiser la matière à l'échelle de l'atome. Les implications sont considérables dans tous les secteurs. Quelques réalisations existent déjà, d'autres restent encore aujourd'hui du domaine du rêve qui se matérialisera bien vite.

Quel sera l'impact industriel des nanomatériaux ?
Comme les matériaux dans leur ensemble, ils ont un caractère transversal. Ce sont des «matières premières» pour l'ensemble des secteurs économiques. Globalement, leur potentiel est énorme. On y voit les vecteurs de l'innovation future dans des domaines aussi stratégiques que la santé, l'environnement et l'énergie, les technologies de l'information, l'electronique ou les transports. Leur utilisation pourrait avoir un impact économique de 340 milliards de dollars par an à partir de 2010.
Il faut donc soutenir le développement de ces technologies très prometteuses par une implication concertée des différents acteurs. Les enjeux sont multiples et se manifestent à tous les niveaux, scientifiques et technologiques bien sûr, mais aussi économiques, voire sociétaux dans la mesure où des percées majeures peuvent affecter notre mode de vie et notre consommation. La microélectronique a conduit au développement fulgurant

Quel sera donc l'impact industriel des nanomatériaux ?
L'intégration de nanomatériaux dans les plastiques (polymères) pour en améliorer la performance mécanique et pour réduire les coûts (en utilisant moins de matériaux et en réduisant la teneur en matières de charge) est un exemple typique d'application. Il est également possible d'améliorer les propriétés barrières (en incorporant dans certains polymères des argile-organophiliques) dans les applications de tuyauterie et d'emballage et on envisage d'utiliser les nanocomposites et les nanorevêtements dans ce secteur d'activité. En ce qui concerne les plastiques haut de gamme, ceux dont la performance est améliorée pourraient remplacer les métaux lorsque le coût (et parfois le poids) le justifient. Pour ce qui est de l'échéancier, on s'attend à ce que les fournisseurs qui possèdent déjà des formulations et des connaissances entreprennent d'ici 2011-2012 la commercialisation à grande échelle de leurs nanomatériaux à haute performance. On peut citer quelques exemples d'applications annoncées ou déjà industrialisées

• Activité électrique
- Comme les conducteurs et semi-conducteurs, pour rappel, les semi-conducteurs actuels sont réalisés par de coûteux procédés de photolithographie et gravure chimique sur un substrat en silicium. L'électronique imprimée (au moyen de méthodes d'impression à jet d'encre évoluées) s'obtient par dépôt de nanomatériaux sur n'importe quel substrat (verre, plastique, céramique...). Elle élimine les investissements coûteux en masques, ne génère pas de déchets et dispense d'utiliser des révélateurs, composés d'acides corrosifs. Aucun matériau toxique n'est d'ailleurs utilisé par cette méthode de production, ce qui en fait une technologie écologique respectueuse de l'environnement.
- Des batteries au lithium aux nanofils pour l'électronique, des nanomédicaments aux écrans plats... Les caractéristiques inédites des nanomatériaux promettent de nombreuses applications révolutionnaires à base de:

• Matériaux polymères (plastiques) auto-réparables: les fissures qui se forment dans un plastique ou un matériau composite sont a priori irréversibles: il n'y a évidemment pas de «cicatrisation» naturelle. L'idée de fabriquer des polymères auto-réparables fait depuis longtemps l'objet de recherches dans le monde académique et industriel. Des chercheurs ont eu l'idée d'introduire, dans un plastique, des nano-capsules contenant un « agent cicatrisant », un composé chimique polymérisable. Ils ont également réparti dans le polymère en nanozone le catalyseur pour provoquer la réaction de polymérisation de l'agent cicatrisant. Lorsqu'une fissure se propage dans le matériau, elle atteint et rompt plusieurs microcapsules: le contenu se répand alors dans le matériau. L'agent cicatrisant ainsi libéré entre en contact avec le catalyseur et polymérise, formant un composé solide, et la fissure se trouve ainsi stoppée.

• Propriétés optiques modifiées
- Lotion solaire (à base de nanoparticules de dioxyde de titane)
-Peintures anti-salissures ou autonettoyantes (à surface nanostructurée ou à base de nanocharges à photocatalyse)
-Cosmétiques (à base de nano-encapsulation de principe)

• Propriétés magnétiques
-Stockage de données à haute densité développé à base de nanomatériaux moléculaires bistables et/ou magnétiques préparés selon des démarches ''top down ou bottom up'' et
sous forme de couches minces ou de nano-particules.

• Propriétés chimiques
-Piles à combustible à partir de la réalisation de nanomatériaux à base de nanoparticules de platine/nanotubes de carbone.
- Catalyseurs à base de nano-zéolithes et d'alumino-silicates.

(À suivre...)
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