«Le bilan d'étape du programme de l'offshoring est très positif»
Interview. Avec Soufiane Idrissi Kaitouni, Directeur de la Fédération Marocaine des Technologies de l'Information de l'Offshoring et des Télécommunications.
>En offshoring, force est de constater que le Maroc a commencé à jouer dans la cour des grands.
LE MATIN
05 Février 2009
À 15:05
Il figure dans les classements les plus en vue en la matière. Il vient d'intégrer le top 30 du cabinet américain Gartner et le classement des destinations offshores les plus compétitives en 2007 du cabinet de conseil AT Kearney. Ces réalisations ne sont pas à mettre uniquement à l'actif du gouvernement. Les professionnels du secteur sont également pour beaucoup de chose.
Le Matin Eco : Quel bilan d'étape faites-vous de la stratégie adoptée par le Maroc en matière d'offshoring ?
Soufiane Idrissi Kaitouni: Le bilan d'étape est très positif. Concernant les infrastructures, le calendrier d'ouverture des zones offshore est respecté car un an après son ouverture le site CasaNearShore est opérationnel et plusieurs entreprises (BNPP, GFI, TCS, Logica, HPS, …) s'y sont déjà installées et bénéficient d'une infrastructure de classe internationale. La zone Rabat Technopolis a ouvert ses portes en octobre dernier et prévoit une montée en charge rapide pendant l'année 2009. Le chantier FèsShore quant à lui a été officiellement lancé par S.M. le Roi Mohammed VI et son ouverture est programmée pour 2010.
Voulez-vous dire que les objectifs fixés dans la stratégie ont été atteints ?
Les objectifs fixés vont de pair avec les plans stratégiques nationaux de développement. Il s'agit de faire du secteur des TIC un des piliers de l'économie marocaine tout en positionnant le Maroc comme un hub technologique régional. Le secteur des nouvelles technologies, et de l'offshoring en particulier, se doivent de drainer productivité et valeur ajoutée pour les autres secteurs économiques. Pour ce faire, les mesures d'encouragement sont diverses. Côté fiscalité, les incitations promises aux entreprises ont été revues à la hausse avec un plafonnement de l'IGR à 20% sur la base du salaire individuel et non pas sur la masse salariale globale comme prévu initialement. Pour la formation, les subventions prévues (à hauteur de 5.000 euros par personne sur trois ans) sont effectives et les premiers remboursements ont eu lieu. En plus de ces réalisations concrètes, il faut noter que le plan Emergence a constitué un cadre de travail pour les différents acteurs offshoring (public, privé, Associations, …) et leur a permis de parler le même langage vis-à-vis des investisseurs étrangers.
Que faites-vous pour promouvoir la destination Maroc ?
Dans le cadre du contrat-progrès 2006-2012 liant le gouvernement marocain à notre fédération, plusieurs outils ont été mis en place pour le développement du secteur. Ainsi, pour financer les projets innovants promus par les sociétés du secteur des TIC, un fonds de soutien de l'innovation a été doté de 100 millions de DH. Dans le même sens, un autre fonds de soutien à la recherche doté d'un montant total de 50 millions de dirhams a été créé. Il pourra financer les projets R&D à hauteur de 50% et pour une valeur maximale de 1 MDH. Pour les PME du secteur, elles ont droit d'accéder au financement du fonds FOMAN de l'ANPME. Et pour la promotion du secteur, un plan transversal est doté d'un budget annuel de 10 millions de dirhams. En parallèle, la mise en œuvre du programme e-Gov se traduira par l'augmentation des dépenses gouvernementales sur les TIC à plus de 2% et la mise en place de mesures pour assurer la participation des sociétés marocaines aux appels d'offres de l'Etat. Ces actions viennent en soutien à d'autres initiatives visant à référencer l'offre IT Maroc à l'export. En effet, l'Apebi participant à de nombreux évènements IT d'importance majeure au niveau local et international, dans le but d'établir une forte communication et un référencement du label Apebi.
Certaines entreprises opérant dans cette filière ont revu à la baisse leurs ambitions, ne faut-il pas revoir l'offre Maroc présentée en juillet 2006 et les projections qui ont été faites à cette occasion?
En dépit d'une conjoncture internationale difficile, nous sommes convaincus qu'il faut maintenir le cap surtout dans le contexte d'une économie mondialisée où les acteurs sont à la recherche permanente des localisations les plus compétitives en termes de coûts. Tout ce que l'on peut avancer aujourd'hui, c'est que le Maroc a réussi une première étape primordiale dans le métier de l'Offshoring : Etre visible sur la carte internationale des destinations Offshore.Ainsi, pour renforcer cette position et passer à la vitesse supérieure, il est nécessaire de travailler sur trois axes. D'abord, fidéliser les offshorers déjà présents en continuant à mettre en place les facteurs de la compétitivité du Maroc (formation, disponibilité des RH, infrastructures…) par rapport aux autres destinations offshores. Ensuite, développer le leadership du Maroc en communicant de manière précise sur les avantages du Maroc (renforcer le développement commercial avec l'Europe). Et enfin, choisir et développer des spécialités sur lesquelles il est possible de monter en valeur ajoutée (spécialités fonctionnelles, sectorielles et techniques).
Selon une enquête menée par un magazine français, le Maroc est victime des effets d'annonce. Que pensez-vous ?
Le Maroc a réussi son entrée dans le monde de l'offshoring. Il vient d'intégrer le Top 30 de Gartner. Peut-on parler de victime alors que quatre pays viennent de quitter ledit classement : l'Irlande du Nord, le Sri Lanka, la Turquie et l'Uruguay.
Dans son étude, McKinsey a mené une analyse de la position concurrentielle du Maroc, que pensez-vous de la situation actuelle ?
Le Maroc doit renforcer son industrie locale et lui offrir les mêmes avantages que l'offshoring. Il s'agit d'un même secteur, celui des technologies de l'information où l'offshoring et l'industrie locale doivent se compléter en créant une véritable synergie qui profitera à tout le monde. Certains offshorers recourent souvent à la sous-traitance auprès des sociétés locales pour faire face aux périodes de pointe. Sans cette facilité, les travaux de trop auraient été purement et simplement perdus au profit d'autres pays. Il faut également rappeler que le middle management des offshorers provient en grande partie des sociétés locales. Priver l'industrie locale des avantages offerts exclusivement aux offshorers risque de créer un déséquilibre sur le marché de l'emploi et nuire à tout le secteur.
Le Maroc est mieux positionné dans l'offshoring à forte ou à faible valeur ajoutée ?
Le Maroc se positionne plutôt dans l'offshoring à valeur ajoutée. Baser sa stratégie sur le seul facteur de prix serait une erreur qui l'exposerait à des menaces de perte d'opérateurs offshorers dès que ces derniers auront trouvé une autre place moins chère.
Selon le Centre Régional d'Investissement de Casablanca, le succès est plus prononcé dans l'ITO que dans les métiers des BPO. A votre avis pourquoi ?
L'avance prise par l'ITO sur le BPO était prévisible quand on connaît le comportement des clients, notamment français - premier marché du BPO et ITO pour le Maroc -, face à l'externalisation d'activités métiers (business process outsourcing) nettement plus sensibles que l'externalisation des activités informatiques. Mais le potentiel du marché du BPO pour le Maroc n'est pas remis en cause, il est juste différé dans le temps. Le vote de la loi sur la protection des données personnelles et la mise en place d'une instance équivalente à la CNIL vont accélérer la cadence.
Pensez-vous que le Maroc est en mesure de former les ressources humaines nécessaires pour le développement de cette filière ?
Sur le plan ressources humaines, le programme 10 000 ingénieurs suit son cours avec, il faut le noter, un manque de visibilité sur son état d'avancement. Des programmes d'appoint comme Foreshore 3000 (reconversion de 3 000 personnes au domaine IT) sont mis en place en association avec les professionnels de notre fédération (APEBI), l'ANAPEC et le secteur public (ministère) pour assurer la disponibilité de certains profils spécifiques. Ce programme a effectivement démarré en janvier 2009.