Comment appliquer les résolutions de la rentrée

Un demi-mandat mi-figue mi-raisin

Le gouvernement a tous les droits d'être satisfait de son action à mi-mandat. Mais cela n'est pas de nature à entraver une lecture analytique entre les promesses de la déclaration gouvernementale et les réalisations.

16 Avril 2010 À 13:43

D'autant plus que le mandat actuel n'est qu'à deux doigts de la perspective des échéances 2012. Sur le plan économique, on peut évoquer les contraintes objectives. N'empêche que certains chantiers, selon les opérateurs, représentent bien des obstacles pour que l'on puisse prétendre à une croissance pérenne sur fond d'un réel décollage. Décryptage...

En 2007, les urnes propulsent le parti de l'Istiqlal en tête du peloton politique. Mercredi 24 octobre, Abbas El Fassi est devant les députés. Occasion? La présentation de la déclaration de la politique générale du gouvernement. Une déclaration qui, dès le départ et tout naturellement, fera l'objet de critiques acerbes.

Notamment, du côté des formations se réclamant de l'opposition, mais aussi des propres rangs de la majorité. L'on se rappelle encore des prises de positions de l'Union socialiste qui n'a pas manqué, se souvenant du positionnement du parti de l'Istiqlal au moment où l'Exécutif était chapeauté par Abderrahman Youssoufi, de décocher ses flèches à l'endroit d'une déclaration qui engageait pourtant la majorité. Toujours est-il que là n'est pas le propos.

Forte de vingt-huit pages, il faut patienter jusqu'à la treizième pour disposer du tableau de bord économique que devait suivre l'actuel gouvernement. A mi-mandat, tout le monde s'attend, d'un moment à l'autre, au rituel d'une présentation du bilan d'étape. Valeur aujourd'hui, le principe a tout de relever de l'acquis, mais reste sa mise en œuvre qui dépend, largement, de l'agenda du Premier ministre. N'empêche, en revenant sur le fond de la déclaration, il y a loisir de mettre le doigt sur le rythme selon lequel les choses tournent ou ne tournent pas.

Si du côté du gouvernement tout baigne, cela n'est pas l'avis de tout le monde. L'opposition, qui promet une deuxième moitié de mandat des plus serrées pour l'Exécutif, se prépare d'ores et déjà à donner du fil à retordre à Abbas El Fassi. Partant de ses promesses mêmes. Ces dernières ont été, d'ailleurs, jugées trop ambitieuses par rapport à la réalité des faits, voire irréalisables, pour les voix les plus maximalistes.

Arrêt sur engagements. Le 24 octobre, le gouvernement a placé la barre du taux de croissance à 6% annuellement. Soit un point de plus par rapport à la moyenne enregistré au cours du mandat ayant précédé celui qui commençait. Soit aussi, et c'est important de rappeler la moyenne que s'est fixée le gouvernement Youssoufi bien avant.

De même qu'il s'est engagé, suivant la feuille de route qui était celle du parti de l'Istiqlal durant la campagne électorale (www.lematin.ma), à créer 250.000 emplois supplémentaires chaque année.

L'objectif étant, on s'en doute, de réduire le taux de chômage. Pour le ramener, précise la déclaration, à 7% à l'horizon 2012. Une bonne précaution, en somme, tellement les paramètres des évolutions ne répondant pas forcément aux attentes.

La preuve par les revers de l'histoire.
Une perspective que le Premier ministre avait conditionné par «la poursuite de la mise en œuvre des mesures adoptées lors des journées d'études sur les Initiatives d'emploi, relatives aux programmes «Idmaj», «Taahil» et «Moukawalati» et le soutien et l'accompagnement des entreprises».

Une batterie de mesures, il faut en convenir, qui a été revue et corrigée, mais dont on attend encore les faits d'entraînements escomptés.
Qui pouvait s'attendre, en pleine euphorie, à un aussi rude revirement de la tendance évolutive de l'économie mondiale. Celle-ci ayant pour nom la crise financière qui s'est vite propagée à l'économie réelle dans bien de pays, dont les plus grands partenaires du Maroc en Europe. Une situation qui n'a pas été sans impacter, de manière plus soft que l'on ne le craignait certes, certains indicateurs de l'économie nationale. On pense, entre autres, au tourisme et à l'habitat. N'empêche, l'impulsion royale, qui s'est traduite dans l'adversité, par le maintien des grands projets et le lancement de gros chantiers, a fait que les revers de la crise n'ont pas été fortement ressentis. Sans oublier, bien entendu, le travail entrepris par le Comité de veille stratégique qui, malgré certaines lacunes, a pu réduire le choc sur un certain nombre de secteurs dits les plus exposés.
Ce qui n'empêche pas pour autant, relèvent certains opérateurs, que la politique gouvernementale, dans son rapport à la crise, n'a pas été à la hauteur des défis qui s'imposaient. D'abord, estiment-ils, l'Exécutif a joué la carte de l'expectative. Dans le sens qu'il avait sous-estimé les répercussions de cet état de fait sur l'économie nationale.

Ce qui a, ipso facto, induit une mal-gestion de cette période de turbulences qu'il s'est même emmuré dans sa négation. Tout au moins au tout début, il faut en convenir, puisqu'il s'est ravisé en cours de route pour reconnaître le poids de cette parenthèse qui n'est pas encore fermée.

Plus encore, tonnent d'autres, l'Exécutif n'aurait pas les sondes nécessaires pour décrypter les réelles conséquences de cette crise. Qui plus est a touché de plein fouet le tissu des petites et moyennes entreprises en particulier. Ce qui dénote, aux yeux de ces opérateurs, d'un manque à la fois de réactivité et de
pro-activité de la part du gouvernement.

Mais il n'y a pas que cela. Selon Hammad Kessal, économiste, le grand hic ne serait autre que le fait que les promesses d'une métamorphose profonde de l'environnement et du climat des affaires n'ont pas été encore honorées. Du coup, souligne-t-il à visage découvert, notre tissu économique demeure otage de la même fragilité qui le caractérise. D'autant, note-t-il, qu'il demeure largement dépendant de l'environnement international et des précipitations.
Et de relever que la plus grosse lacune, à laquelle il faut s'attaquer, n'est autre que le commerce extérieur. Un secteur qui, aux yeux de notre interlocuteur, nécessite, sans tarder, une réelle et grande réforme.

Car si l'on excepte les exportations des produits phosphatiers, l'économie marocaine continue de perdre sur bien des fronts et de marchés, notamment en termes de compétitivité (le marché domestique est ''inondé par les importations en provenance de nouvelles forces exportatrices'' qui sont, entre autres, la Chine et la Turquie). Déduction faite : plus d'importateurs, moins d'exportateurs.
Ce qui n'est pas sans rappeler l'engagement de l'Exécutif, dont la déclaration se fixait pour objectif de mettre en œuvre une politique dans le domaine de l'entreprise qui «se base sur une politique fiscale simplifiée de développement, qui élimine les entraves à l'investissement et au financement».

Or, ceci ne peut être atteint, dixit la déclaration «qu' à travers l'amélioration de l'environnement de l'investissement, un système fiscal compétitif et simplifié et un régime de change fondé sur la flexibilité et la libéralisation progressive du capital de la balance des paiements, et ce dans le but de dynamiser et de soutenir le secteur des exportations de manière à lui assurer un développement plus rapide que celui imprimé aux importations». De grandes lignes en tête de chapitres qui appellent, on en convient, à l'accélération de la mise en œuvre... Sans quoi, estime-t-on dans le monde des affaires, la navigation à vue risque de perdurer.
Qu'à cela ne tienne, les toutes dernières initiatives, notamment celles relatives à l'activation de nouveaux dispositifs pour assurer l'attractivité nécessaire à l'investissement, plaident en faveur de l'optimisme.

Les engagements pris, à l'occasion des Assises de l'industrie, pouvant à terme produire les fruits tant attendus.
Dans la foulée, il ne faut surtout pas, relève-t-on, prêter le flanc à l'attentisme.
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Agir par priorité…

On ne peut trancher que rien ne va avec l'actuel gouvernement. Plusieurs chantiers sont à mettre à son actif. Ou tout au moins à l'actif de certains départements qui, selon les milieux d'affaires, se comptent sur les bouts des doigts d'une main. Mais globalement, le chemin est long à parcourir pour que le bilan de fin de mandat puisse ressembler à la ribambelle des promesses annoncées au début. Autrement, estiment d'aucuns, il est plus que judicieux pour engranger un maximum de points que le gouvernement agisse par priorisation avant les échéances 2012. Ce qui pourrait commencer par la diversification des sources de financement de l'économie marocaine, tout autant que la facilitation de l'acte de création d'entreprises. Fort probablement, la création de la cellule chargée du climat de l'investissement, de par son action devant s'inscrire dans une certaine transversalité, pourra jouer ce rôle de fluidification de l'acte d'investir. Une manière comme une autre de banaliser cet acte et inciter à plus d'implantations d'unités de production. Ces dernières étant synonymes de création de richesse et de davantage d'emplois. Il reste à ne pas éparpiller les efforts et mieux cibler là où l'économie du pays pourrait gagner plus.
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Extraits déclaration gouvernementale

• La promotion de l'accès au logement :
Dans le domaine du logement, le gouvernement veillera à l'accélération du rythme de production de logements sociaux pour atteindre 150.000 unités par an afin de satisfaire la demande en milieu urbain et résorber ainsi le déficit enregistré dans ce domaine. Ces initiatives seront entreprises selon une approche régionale en parallèle avec la dynamisation du programme de lutte contre l'habitat insalubre, en particulier le programme «bientôt Villes sans bidonville» et celui de « La réhabilitation des logements menaçant ruine », et ce dans le cadre d'une politique contractuelle entre l'Etat et les collectivités locales et en collaboration avec la population cible. Dans le souci de diversifier le produit de logement et pour répondre dans les meilleures conditions à la demande des couches sociales moyennes, il sera procédé au lancement d'un programme national pour la construction de 50 000 villas économiques. Pour un règlement définitif du problème de l'habitat dans les provinces du Sud du Royaume et dans le but de donner une nouvelle impulsion à l'expansion urbanistique dans les différents centres, le gouvernement œuvrera à la mobilisation des moyens nécessaires pour la réussite du nouveau programme de logement et de l'expansion urbaine dans les provinces du sud, portant sur l'aménagement de 70.000 lots de terrain et logements. Le programme de planification urbaine vise à parachever la couverture du territoire national en terme de documents d'urbanisme et l'actualisation de documents obsolètes. La politique de mobilisation de l'immobilier public, qui sera marquée par le renforcement de nouveaux espaces d'urbanisme, permettra l'aménagement de nouveaux pôles et régions urbains dans le but d'accélérer le rythme de production de logements et contenir le secteur des constructions illégales.
Le gouvernement veillera d'autre part au renforcement de l'encadrement légal du secteur, à la réforme de l'habitat destiné à la location pour qu'il contribue au côté de celui voué à la vente, à la maîtrise du marché immobilier.

Le secteur minier :
Concernant le secteur minier, notamment les phosphates et ses dérivés, le gouvernement, compte tenu du rôle stratégique de ce secteur dans l'économie nationale, veillera au soutien des efforts de l'Office chérifien des phosphates (OCP) visant à consolider la position du Maroc sur le marché mondial qui se caractérise par une concurrence féroce.

Le secteur de la pêche maritime :
Dans ce secteur, le gouvernement envisage d'adopter une politique intégrée pour son développement, tout en tenant compte des spécificités nationales dans ce domaine et de la concurrence internationale. Cette politique vise à structurer le secteur et assurer une exploitation rationnelle et durable de nos ressources halieutiques dans le cadre d'une gouvernance dynamique et responsable tout en veillant à la mise à niveau des différentes composantes du secteur, notamment sur les plans humain, économique, technique et juridique.

Le secteur du tourisme :
Le secteur du tourisme bénéficiera de contrats-programmes dans la perspective d'accompagner et de dynamiser le plan national visant à promouvoir le secteur dans le cadre de la vision 2010. Le gouvernement veillera également à la promotion du tourisme rural et des produits touristiques à caractère local dans le but d'encourager le tourisme interne. Le contrat-programme relatif à ce secteur sera accompagné par l'augmentation de la capacité d'accueil de 150.000 à 265.000 lits à l'horizon 2012, ce qui contribuera à la création de plus de 80.000 emplois directs et augmentera les recettes touristiques de 60 milliards de dirhams actuellement à 90 milliards de dirhams à l'horizon 2012.

L'artisanat :
L'action du gouvernement dans ce secteur portera sur la mise en œuvre de la stratégie 2015 qui vise essentiellement la promotion d'une approche régionale globale afin d'améliorer la qualité du produit et la situation des artisans. Cette stratégie vise également à soutenir les artisans individuels au niveau de la production et de la commercialisation ainsi que les petites et moyennes entreprises sur le plan de la gestion et de l'expertise. Le gouvernement procèdera également à la dynamisation de l'observatoire national de l'artisanat pour mieux cerner les indices relatifs au secteur et son importance pour l'économie nationale.

Système fiscal compétitif et simplifié :
Concernant le système fiscal et en comparaison avec les pays ayant un taux de croissance similaire, le taux d'imposition demeure élevé dans notre pays et entrave la compétitivité de nos entreprises. Aussi pensons-nous qu'une politique fiscale audacieuse et simplifiée est de nature à améliorer la compétitivité de notre économie, à stimuler les investissements, à créer des postes d'emploi supplémentaires et à accroître les ressources fiscales. Durant ce mandat, le gouvernement oeuvrera à la réduction des taux d'imposition des entreprises en vue d'améliorer leur situation et leur capacité d'investissement. Cette réforme doit se faire dans le cadre de la mobilisation des entreprises du secteur privé, des associations professionnelles pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, puisque nous considérons que l'élargissement de l'assiette fiscale n'est pas le résultat d'une refonte des lois, mais du couronnement des actions visant à pousser le plus grand nombre de contribuables vers la transparence.
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