La tendance est à la relance

La laine d'élevage, un business qui s'effiloche

Tissage Depuis des temps immémoriaux, la laine constitue la principale matière première de la production textile. Cependant, cet engouement international commence à s'essouffler notamment au Maroc. Qu'elles en sont les raisons ?

12 Novembre 2010 À 17:19

Aïd Al Adha est là et ce ne sont pas moins de 5 millions de moutons qui vont être sacrifiés, selon l'Association nationale des éleveurs ovins et caprins (ANOC). Avec 2 kilogrammes de laine de tonte par tête, le calcul est simple. Ce sont 10.000 tonnes de laine qui devraient être disponibles, ce qui représente environ 35 % de la production nationale annuelle en un jour, une sacrée aubaine. Une aubaine ? Pas si sûr, car les professionnels du secteur s'accordent à dire que plus du tiers de cette production providentielle sera inexploitée ou jetée à la poubelle (le reste sera collecté sous forme de peau pour aller aux tanneries qui extraient la laine et la vendent aux utilisateurs). Or, le Maroc importe toujours de la laine issue de la tonte en suint, c'est-à-dire la laine brute qui n'est pas débarrassée de sa matière grasse à l'instar de celle récupérée le jour de l'Aïd. Ce produit provient essentiellement de trois pays européens, l'Espagne, la France et les Pays-Bas et est destinée uniquement aux usines de filature ou de tissage. Certes, le pays importe dix fois moins de ce type de laine qu'il y a dix ans, mais tout de même, il achète encore une centaine de tonnes annuellement.

Ceci étant, cette catégorie de laine n'est pas la seule achetée à l'étranger. En tout, et selon l'Office des changes, le Maroc a importé en 2009 plus de 850 tonnes tout type confondu pour une valeur avoisinant les 25 millions de dirhams. Quant à la production locale, Selon Dr Saïd Fagouri, président de l'ANOC, « le Maroc produit annuellement 25.000 tonnes de laine, mais les besoins en laine de qualité dépassent la production locale parce que l'utilisation de la laine dans le tissage au Maroc est une activité assez importante. Localement les utilisateurs ne peuvent pas satisfaire la totalité de leur besoins et par conséquent, ils sont obligés de recourir à la laine d'origine étrangère ». Cependant, cette production a tendance à stagner malgré une augmentation continue de la consommation des textiles due à la croissance démographique. Les causes de ce tassement sont multiples, la diversification des fibres textiles et la substitution de la laine de tonte par le fil de laine en provenance des filatures industrielles en sont les deux principales raisons. Qui plus est, les prix aussi reculent d'une manière significative. Pour preuve, en 2003, le prix d'un kilogramme de laine en suint (produite localement) variait entre 5 et 7 dirhams, actuellement il oscille entre 3 et 4 dirhams, soit une dégringolade de l'ordre de 40 % en 7 ans.

Toutefois, ce phénomène n'est pas seulement national. A l'échelle planétaire aussi, on assiste à une baisse des cours mondiaux. En France par exemple, le prix de la toison ne couvre même pas le prix de la tonte. La question du devenir du secteur de la laine issue des élevages locaux se pose alors sérieusement. La laine travaillée à la main fait place à celle travaillée par les manufactures ; la laine naturelle est remplacée par des fibres industrielles et l'habit artisanal fait de plus en plus place aux vêtements de textiles. D'une façon générale, le secteur du tissage artisanal est entré dans une phase d'agonie. Est ce-qu'il sera voué à disparaître ? L'avenir nous le dira.

Bon à savoir

La qualité d'une laine se mesure à la finesse de sa fibre, plus cette dernière est fine et plus la laine est couteuse. Une fibre de laine mesure 20 à 80 microns de diamètre et sa longueur varie de 2 à 30 cm. L'autre critère de cherté de la laine est sa couleur, plus elle est claire et plus elle est chère. Cependant, la meilleure laine est celle originaire de la tonte d'agneaux, à condition qu'ils soient vivants et sains. En outre, ce qui fait qu'un mouton donne de la bonne laine, c'est sa sélection génétique. Il fournit en moyenne 1,5 à 2 kilogrammes de laine par an, ce qui revient à une seule tonte par an. Au Maroc, ce sont les races Sardi et Boujad qui donne la meilleure laine. Celle-ci sera utilisée principalement pour les tapis, couverture, draperie, djellaba et bournouss. Par ailleurs, la laine est un bon isolant thermique, car elle emprisonne environ 80 % d'air dans son propre poids et absorbe efficacement l'humidité, elle peut contenir jusqu'à 150 grammes d'eau dans un kilogramme. Enfin, comme pratiquement tous les produits issus de la matière vivante, la laine est impossible à reproduire à cause des propriétés complexes de la kératine qui la compose.
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