Cherté du crédit et accusations téméraires des banques commerciales
On lit ici et là que le pricing du crédit bancaire est cher dans notre pays. Ce n'est pas tout à fait faux. Mais quant à en faire endosser la responsabilité aux seules banques commerciales participe du jugement téméraire. L'on userait certainement de plus de circonspection si l'on savait comment se forment les taux d'intérêt bancaires.
LE MATIN
08 Janvier 2011
À 12:07
L'élément de base dans la formation du taux d'intérêt s'appelle le coût marginal de ressources ou « marginal funding cost », à distinguer du coût moyen des ressources qui, lui, est la moyenne des intérêts totaux servis sur les dépôts de la clientèle, tels que ces intérêts apparaissent sur le P&L (Profit & Loss statement) des banques. Le différentiel entre ces charges et les produits d'intérêts et des commissions détermine le Produit Net Bancaire (PNB), qui équivaut à la marge brute commerciale chez l'entreprise.
Le PNB ainsi calculé, d'aucuns revendiquent que le taux de base bancaire -taux de référence dans la formation du taux d'intérêt appliqué à la clientèle- soit indexé sur le coût moyen des ressources remployées (used funds cost) en lieu et place du coût marginal des ressources.
La difficulté à exaucer cette doléance réside dans le fait que le coût moyen des ressources est un taux calculé a posteriori à partir d'un bilan clos et d'un P&L bouclé, la date des arrêtés comptables ou leur périodicité important peu.
Sur la base de ce postulat, chaque demande de crédit est considérée comme étant une demande marginale, dont la satisfaction requiert pour la banque un recours au marché monétaire aux fins de refinancement en « new money ». Le taux du marché monétaire ou taux de base bancaire n'est rien d'autre que le taux marginal des ressources. Le deuxième achoppement à l'application aux crédits du coût moyen des ressources consiste en ce que celui-ci varie d'une banque à l'autre, en fonction de la structure des dépôts, de la taille et des performances de chaque banque dans un environnement de concurrence imparfaite entretenue sciemment par BAM pour sauvegarder la cohésion du microcosme bancaire. Ainsi donc, la profession bancaire, avec l'assentiment de la Banque centrale adopte, pour le calcul du taux d'intérêt , le coût marginal des ressources appelé aussi taux de base ou « prime rate ». Son calcul est plus commode et homogène, car indexé sur la moyenne des taux des Bons du Trésor à CMLT lesquels sont, à leur tour, adossés au taux directeur de BAM qui reste le taux de référence du premier et du dernier ressort.
Coût marginal des ressources
Après avoir établi le taux de la première marche dans l'échelle des intérêts appliqués à la clientèle, le deuxième pilier retenu dans la structuration des taux clients s'appelle la prime de risque qui, convertie en points de base pour être consolidée au taux de base, demeure fonction du niveau des dotations aux provisions pour créances en souffrance sur les crédits distribués par banque. En définitive, ce sont ces deux facteurs, le coût marginal des ressources et la prime de risque qui constituent l'ossature du taux d'intérêt bancaire, coûts qu'il faudrait majorer de l'accessoire « processing cost » sur lequel les banques marocaines sont peu regardantes.
Ces trois composantes représentent prosaïquement le prix de revient des ressources remployées, auquel il faut incorporer une marge d'intermédiation ou « spread » pour obtenir le prix de vente c'est-à-dire le taux d'intérêt final appliqué à la clientèle.
Après ce préambule de méthode, comment peut-on rendre l'accès à meilleur taux aux crédits en faveur de la clientèle ?
Les banques sont interpellées pour user de plus de pédagogie envers leurs clients afin de les aider à améliorer leur profil risque, en leur inculquant les principes de l'éducation financière et en disséminant parmi eux un certain niveau de culture risque. Ce ne peut se faire sans communication sur le rating, sur le lien entre qualité du risque et coût du crédit. Ce ne peut se faire sans la généralisation et la vulgarisation de l'usage des clauses contractuelles et de covenants financiers avec un « monitoring » régulier quelle que soit la nature du crédit octroyé et nonobstant les garanties réelles détenues.
Le deuxième axe de réflexion est celui ayant trait au taux directeur de BAM, qui constitue le taux de référence du marché monétaire et, in fine, détermine le coût marginal des ressources bancaires.
Nous savons pertinemment que ce taux directeur, conjugué à quelques emplois obligatoires, dont notamment la réserve monétaire, représente un outil de contrôle et de modulation de la masse monétaire et partant constitue un « hedging » contre l'inflation.
Qu'à cela ne tienne. Il serait peut-être opportun de réduire ce taux en deçà de son niveau actuel (3,25%) si véritablement l'inflation était bien maîtrisée et contenue dans des seuils acceptables. Cet ajustement à la baisse par indexation du taux directeur au taux d'inflation avec une marge de tolérance (risque d'écart) de 100 à 125 points de base offrirait un grand soulagement aux banques par cette conjoncture d'assèchement de liquidités et un allègement de taille des charges financières qui obèrent le P&L des entreprises et ipso facto entravent leur compétitivité. Faut-il le rappeler, l'accès facile et bon marché aux crédits bancaires reste l'un des ressorts de prédilection pour soutenir la croissance économique ayant à l'esprit que la politique monétaire n'admet pas la pensée molle et timorée qui n'oserait pas quitter les sentiers battus et les stéréotypes qui ne peuvent réussir comme exploit que du sur-place et un statu quo ante morbide. A méditer : Le Brésil, qui est en passe de devenir la cinquième puissance mondiale, affiche un taux d'inflation de 5,30%, plus élevé que celui enregistré par l'Irlande en banqueroute ou encore celui de l'Espagne qui peine à se remettre de la crise en dépit de ses mesures d'austérité ou encore le Portugal qui se cherche encore des remèdes !! C'est dire que l'ère des recettes ( recipes ) standards est révolue. A vos esprits imaginatifs…