19 Septembre 2012 À 14:37
Depuis la crise des subprimes de l’été 2007, le cours de l’or en dollar s’est envolé dans une proportion de plus de 70%. On comprend que la valeur des bijoux en or ait progressé d’autant… Si certains ont déjà vendu leur or par besoin ou par crainte d’une baisse des cours, d’autres, au contraire, en ont profité pour accumuler un peu de ce précieux métal dans la crainte d’une dégradation plus importante de l’économie. «Après vingt-deux ans de vie familiale, j’ai dû pour la première fois me résoudre à vendre une partie de mes bijoux en or pour pouvoir payer la scolarité de ma fille. Le prix de l’or a tellement évolué en dix ans que je me suis fait une belle marge. Ceci dit, je n’ai pas l’intention de vendre le reste de mes bijoux ; je ne sais pas ce que l’avenir me réserve…», confie cette mère de famille casablancaise.
Tout un état d’esprit !Chez beaucoup de Marocains (et d’Arabes en général), on remarque que l’achat de bijoux en or, le plus souvent effectué par les mères et grands-mères, découle d’un souci de thésaurisation. Autrement, l’acte d’achat du métal jaune reste lié à certaines occasions spéciales comme les fêtes de mariage par exemple, où les bijoux en or sont la partie la plus importante de la dot de la mariée. La quantité et la qualité des bijoux offerts traduisent, en effet, le niveau social de l’époux et consacrent sa capacité à assurer le confort et l’aisance de sa future compagne. Même si les rituels des fêtes de mariage sont différents d’une région à l’autre, cette tradition est partout la même à travers le Royaume et les bijoux de la mariée sont montrés de manière ostentatoire comme un capital et un signe de bon augure pour l’avenir du couple.Ces habitudes résistent-elles encore à la flambée des prix ? «Oui, car pour la première fois, la période de juin à août 2012 a été un peu particulière pour nous sur le plan des ventes. Cette période-là est traditionnellement celle où l’on a l’habitude de réaliser le plus gros de nos ventes, mais cet été nous avons constaté moins de femmes qui achètent de l’or et, en tout cas, moins de quantités vendues aux couples nouvellement unis», se plaint Mohamed Laouni, bijoutier à la kissariat El Fath, célèbre «place d’or» à Marrakech. «Dans notre famille, l’or est un héritage qui se transmet de mère en fille. En plus des bijoux que ma grand-mère et ma mère m’ont laissés, j’ai également ceux que mon mari m’avait offerts. Actuellement, je suis en train de vendre ma “mdamma” (Ndlr : grosse ceinture en or travaillé) qui pèse pas moins de 500 grammes, ainsi que deux colliers et trois bracelets. Leur prix a quadruplé en moins de douze ans. Tant mieux, car cela couvrira l’achat d’un logement. J’ignore quelles fluctuations connaîtra encore ce métal dans le proche avenir, alors autant profiter des bons prix actuels et laisser un bon capital à mes enfants», se répand de son côté Fatima, couturière à Casablanca et mère de quatre enfants.
On le voit, en effet, outre l’investissement traditionnel dans la ceinture de mariée, dans les colliers ou les bracelets pour faire plaisir à l’épouse, d’aucuns font du stock aurifère dans une logique purement spéculative. Au Maroc, l’or des bijoux est du 18 carats. Dans un bijou de 24 grammes, par exemple, on retrouve une proportion de 18 grammes en or pur, le reste étant constitué de bronze, d’argent ou de cuivre, selon la teinte que l’on souhaite. Le prix du gramme d’or pur à Casablanca est actuellement d’environ 480 DH. Comme l’or utilisé en bijouterie est du 18 carats, son prix hors main d’œuvre et marge du fabricant et du détaillant devrait être aux alentours de 360 DH. Les prix constatés chez les détaillants étant d’environ 400 DH le gramme, la marge dans le secteur devrait donc tourner autour de 40 DH le gramme. Cette marge est partagée entre le fabricant et le revendeur dans un ratio difficile à déterminer, car les professionnels restent toujours discrets sur leur business. Mais une chose est sûre : quels que soient les prix du métal précieux, celui-ci reste un créneau toujours rentable, à condition de bien savoir gérer son affaire. «J’exerce ce métier depuis les années 70. À l’époque, on vendait l’or à 10 DH le gramme. Aujourd’hui, il vaut entre 400 et 480 DH le gramme, selon la qualité du bijou, des pierres précieuses ou semi-précieuses qu’il contient ainsi que du travail d’orfèvrerie qu’il demande», nous apprend Moumen Driss, bijoutier à la kissariat Heffari, haut lieu de la joaillerie traditionnelle dans le quartier Derb Sultan, à Casablanca.