13 Février 2013 À 12:17
«Ils sont comme nos enfants». Quelle autre phrase que celle-ci résume mieux l’état d’esprit d’un éleveur de chevaux ? Ces propos, formulés par Mohamed Latifi, éleveur de chevaux à Kalâat Sraghna, illustrent d’une manière émouvante la place qu’occupe le cheval dans la culture et l’histoire marocaines. Plus qu’un élément de notre culture, le cheval est une composante de notre civilisation même. De notre «tborida» nationale aux courses hippiques en passant par le tourisme et les sports équestres, le cheval est aussi et surtout une niche économique importante, et qui plus est en plein essor. L’intérêt porté à cette filière se traduit par la stratégie nationale lancée en 2011 par le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime. Confiée à la Société royale de l’encouragement du cheval (SOREC), cette initiative a fixé un objectif essentiel : doubler la contribution de la filière équine au PIB national d’ici à 2020, pour la porter à 7 milliards de DH. À préciser que la SOREC, ne dispose pas de budget, mais gère les courses hippiques qui génèrent un chiffre d’affaires de 500 millions de DH. C’est ce que nous a confié Omar Skalli, directeur général de la SOREC, élu en décembre dernier président de l’Organisation mondiale du cheval Barbe.Le Maroc compte 130 000 chevaux actuellementÀ en croire le patron de la SOREC (voir entretien en page 9), le cheptel équin national est estimé à 130 000 chevaux, toutes races confondues. Cependant, le Dr Mohamed Chakdi, directeur du Haras national de Marrakech, précise que «cet élevage fait face à certains problèmes qui ont fait qu’en 1983 le cheptel comptait 300 000 têtes alors que nous en avions 400 000 quelques années auparavant». Ce déclin s’explique principalement par l’avancée de la mécanisation qui a fait que le cheval est de moins en moins utilisé comme force de traction pour les travaux dans les champs en milieu paysan. Selon le directeur du Haras de Marrakech, la filière équine représente actuellement au Maroc environ 4,7% du PIB agricole (0,5% du PIB global) et offre 11 000 emplois directs. Même si la traction animale est en régression, il demeure que les travaux agricoles sur plus de 2,8 millions d’hectares sont toujours assurés grâce à la force de traction du cheval. «Les races de chevaux actuelles reflètent la composition sociale de la population marocaine. Il y a le barbe, mot dérivé de “berbère”, le barbe-arabe, issu du croisement du barbe et du pur-sang arabe, et il y a aussi le pur-sang arabe qui incarne l’apport du patrimoine arabe». Cette affirmation d’un vétérinaire du Haras national de Marrakech est une autre belle image qui valorise la «plus belle conquête de l’homme» dans le Royaume. Au Maroc, en effet, on recense trois races équines principales. Le cheptel se distingue toutefois par une forte prédominance de la race arabe-barbe, produit d’un croisement entre l’arabe et le barbe, race locale dont le Maghreb constitue le berceau. L’arabe-barbe est connu pour sa rusticité et son tempérament accommodant qui le rend apte à toutes les utilisations, surtout lors de la «tborida» (fantasia). Le pur-sang anglais, le pur-sang arabe et l’anglo-arabe constituent le gros des effectifs des chevaux de course. Pour améliorer ce patrimoine et en multiplier les effectifs, la SOREC a défini huit axes d’intervention. Lors des Journées portes ouvertes sur le Haras de Marrakech, tenues à la fin du mois de janvier dernier, Omar Skalli a décliné les grandes lignes de cette stratégie, qui tient notamment à l’intégration des techniques modernes d’élevage, à l’amélioration génétique, à la mise en place d’infrastructures en pointe, aux aides financières à assurer, au partenariat public-privé à développer et à la formation des compétences qu’il faut valoriser. Tests ADN, puce électronique et stud-bookÀ la question de savoir combien coûte un cheval, les réponses varient énormément. Mohamed Ould Jmel, président de la Ferme équestre du même nom à Casablanca, déclare que le prix dépend de la race, du pedigree et des résultats lors des courses et des shows. Plus un cheval est bardé de titres, et plus son prix s’envole : «Le barbe coûte entre 10 et 15 millions de DH, le pur-sang arabe entre 10 et 20 millions de DH. Le selle français est quant à lui importé à raison de 20 à 25 millions de DH. Il y a même eu un cheval qui atteint le sommet historique de 60 millions de DH». Abdellatif Lahbi, éleveur de chevaux pratiquant la «tborida» depuis 32 ans à Waha Sidi Brahim, dans la région de Marrakech, dit que les prix varient en général entre 10 000 DH et 100 000 DH : «c’est selon les moyens de chacun».Mais si les prix atteignent de tels sommets, comment un acquéreur peut-il être sûr que le cheval qu’il a chèrement acquis est bien l’étalon qui a gagné tel prestigieux prix et qui a une noble ascendance ? L’explication est toute simple : les tests ADN. «Pour vérifier qu’un cheval est bien le produit d’un tel étalon et d’une telle jument, nous avons recours aux tests ADN réalisés à partir des prélèvements sanguins des géniteurs mâle et femelle. Ces tests sont effectués au laboratoire dépendant de la SOREC basé à Rabat», précise le directeur général de la Société royale de l’encouragement du cheval. Si les résultats sont positifs, poursuit-il, le cheval est inscrit dans le stud-book. Ce document est le répertoire dans lequel sont inscrits tous les reproducteurs portant l’appellation d’une race précise. C’est en quelque sorte un livre généalogique des races de chevaux existantes au Maroc. Une fois l’inscription réalisée, une puce électronique est injectée dans le métabolisme du cheval, ce qui permettra de l’identifier à chaque fois qu’il est appelé à prendre part à une course, à une épreuve de sports équestres ou à une «tborida».