27 Novembre 2013 À 14:08
Le Matin éco : Le Comité national pour la propriété industrielle et anticontrefaçon «CONPIAC» a réalisé une étude sur la contrefaçon, dont les résultats ont été présentés début 2013. Quelle suite a été donnée aux orientations et recommandations de cette étude ? Adil El Maliki : Je voudrais d’abord souligner que l’étude sur l’impact économique de la contrefaçon réalisée par le CONPIAC a été l’occasion de donner une évaluation chiffrée de l’impact de ce fléau sur notre tissu économique. Cette étude, la 1re du genre à l’échelle nationale, mais également à l’échelle du continent africain et de la région arabe, a montré que ce fléau qui touche plusieurs secteurs constitue un manque à gagner évalué à 1% du PIB, des pertes fiscales de près de 1 milliard de DH et près de 30 000 emplois détruits ou informels. Une première réponse à votre question concernant les recommandations de l’étude, et qui revêt à mes yeux une grande importance est le renforcement du cadre légal. En effet, le projet de loi 23-13 portant amendement de la loi sur la propriété industrielle a été adopté par le Conseil de gouvernement le 12 septembre 2013, et il est actuellement au niveau du Parlement. Ce projet de loi prévoit de rehausser la qualité des titres de propriété industrielle délivrés - notamment les brevets d’invention - au niveau des plus hauts standards en la matière. Il renforce également les mesures contre la contrefaçon - sanctions, amendes, peines - et simplifie les procédures permettant aux entreprises ayant subi un préjudice de faire valoir leurs droits. Lorsque la loi sera adoptée, il sera possible d’intenter une action pénale directement si cela est justifié : contrefaçons de produits touchant la santé ou la sécurité des consommateurs, récidive... Également le projet de loi de Finances 2014 tel qu’adopté par la première Chambre comprend des dispositions amendant le Code des douanes et élargissant les prérogatives de l’administration des douanes en matière de lutte contre la contrefaçon. Les autres recommandations qui ont trait à la sensibilisation des consommateurs, à la formation des acteurs, à la coordination et à la coopération ont également été mises en œuvre et seront présentées lors de la prochaine réunion plénière du CONPIAC qui fera le bilan de l’année 2013.
Quel est le plan d’action aujourd’hui et quels sont les moyens humains et financiers dont disposent le CONPIAC et l’OMPIC pour lutter contre la contrefaçon, dont la contrefaçon numérique ? Le CONPIAC est un organe de coordination, il repose sur les moyens de ses membres. Jusqu’à présent, les résultats de son action sont plus qu’honorables. Un benchmark réalisé au niveau de la région méditerranéenne nous a permis de constater qu’il fait partie des comités les plus dynamiques du genre, rive nord et rive sud confondues. Toutefois, il ne faut pas nier que des campagnes de sensibilisation du grand public aux méfaits de la contrefaçon nécessitent des moyens adéquats pour être efficaces. Nous avons déjà effectué des opérations de communication qui ont eu un impact réel, en utilisant des médias écrits, radios et télés. Pour cela, le montage financier nécessaire a été trouvé. Concernant la contrefaçon sur le numérique, c’est devenu un enjeu majeur de la lutte contre la contrefaçon, notamment avec l’essor du e-commerce. Des initiatives sont prises dans les pays les plus développés où le e-commerce est déjà un secteur économique d’envergure. Nous aussi, nous avons entamé la réflexion pour engager également des mesures efficaces à ce niveau. Certaines sont déjà mises en place, à titre d’exemple la charte de nommage.ma prévoit une procédure de restitution aux titulaires de marques, des noms de domaine qui leur ont été usurpés frauduleusement.
Au niveau de l’OMPIC, quelles sont les évolutions récentes sur le volet de la contrefaçon, notamment au niveau du recours par les entreprises à la procédure d’opposition en matière des marques auprès de l’OMPIC ? La mise en place du système d’opposition en matière de marques permet de résoudre en amont les litiges de contrefaçon de marques. Ce système donne la possibilité, auprès de l’OMPIC, aux titulaires d’un droit antérieur -marque ou indication géographique/appellation d’origine - d’empêcher un enregistrement postérieur de marques qui peuvent leur prêter confusion auprès des consommateurs. Depuis l’introduction de ce système en 2006, le nombre de litiges soumis aux instances judiciaires nationales a été réduit. En effet, l’OMPIC a reçu et traité plus de 5 000 demandes d’opposition depuis l’instauration de ce système. Les secteurs qui ont connu le plus d’oppositions de marque sont les secteurs de l’agroalimentaire, les cosmétiques, les produits pharmaceutiques, les articles électriques et les services publicitaires.
Comment collabore aujourd’hui l’OMPIC avec les parties concernées par la lutte contre la contrefaçon, notamment la douane, et pour quels résultats ? Dans le cadre du CONPIAC, la collaboration de toutes les administrations concernées - ministère de l’Industrie, OMPIC, Douanes, Justice, Gendarmerie, Police… - est effective avec des activités organisées régulièrement telles que des réunions de coordination et des sessions de formation. En outre, la collaboration avec le groupe de travail instauré par la CGEM permet une coordination public-privé plus que nécessaire pour aboutir à des résultats concrets sur le terrain. Pour ce qui est des chiffres, le bilan 2012 du CONPIAC montre par exemple une évolution positive de l’action de ces administrations à l’encontre des actes de contrefaçon. À titre d’exemple l’Administration des douanes a traité l’année dernière plus de 560 dossiers de demande de suspension avec plus de 120 suspensions effectuées. Également, le tribunal de commerce de Casablanca a instruit plus de 500 actions en contrefaçon au cours des 3 dernières années.
Qu’en est-il de la coopération internationale ? La coopération internationale en matière de lutte contre la contrefaçon est très active. Au niveau de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, un comité consultatif a été institué pour ce sujet : l’étude sur la contrefaçon réalisée par le Maroc a été présentée en tant que modèle lors de la dernière session de ce comité. Sur le plan régional, nous travaillons avec nos partenaires français pour relancer la coordination euro-méditerranéenne, à cet effet une réunion régionale est programmée en 2014 à Rome : les 2 premières réunions de coordination régionale ont eu lieu à Cannes et à Tanger. Et sur le plan bilatéral, nous venons de boucler la semaine dernière une formation de plus de 40 magistrats et procureurs du Royaume qui a été effectuée par un juge du circuit fédéral des États-Unis.
Quid de l’ACTA ? Où en est cet accord ?Pour ce qui est de l’ACTA, comme vous le savez, le Maroc fait partie des pays signataires de cet accord. À ce stade, seul le Japon l’a ratifié, d’autres partenaires, notamment ceux qui ont été à l’initiative de cet accord, sont engagés dans le processus de ratification.