09 Octobre 2013 À 14:51
Le processus de réforme, qui a atteint un stade très avancé actuellement selon le ministère des Finances, devrait aboutir à une révision de fond en comble du Dahir du 14 avril 1960 fixant les attributions de l’IGF. «La refonte de ce texte devrait prendre en considération le nouveau contexte national marqué par la révision de la Constitution, la régionalisation avancée, le projet de réforme de la loi organique des Finances, ainsi que l’évolution du concept de contrôle », souligne le département des Finances.
Même le statut relatif au corps de l’institution qui date du 16 juin 1994 devrait également être revu. L’objectif est de drainer vers l’IGF les meilleures compétences et donner plus de visibilité à la carrière des inspecteurs des Finances. Pour mener à bien cette réforme, un jumelage institutionnel entre l’IGF et ses homologues portugaise et française a été mis en œuvre. Objectif, s’inspirer de ces modèles pour réussir la réforme. « L’objectif escompté est de mieux répondre aux exigences de la bonne gouvernance des finances publiques, notamment à travers le renforcement, la modernisation et la professionnalisation des capacités d’audit, de contrôle et d’évaluation des politiques publiques exercés par l’IGF », souligne le Secrétariat général du ministère. Rappelons que le comité chargé du pilotage du jumelage a tenu une nouvelle réunion le 17 septembre à Rabat.
Selon Khalid Safir, secrétaire général du ministère de l’Economie et des Finances, 46% des activités du projet ont été réalisées. Benyoussef Saboni, inspecteur général des Finances, avait indiqué lors de cette réunion que le volet «A» du projet, qui porte sur la refonte des textes juridiques notamment le Dahir du 14 avril 1960, le décret portant statut particulier des inspecteurs des Finances et la note d’instruction relative à l’organisation des travaux de l’IGF, a produit les livrables prévus. «Pour le volet A, 72% de l’expertise prévue a été consommée pour une réalisation des activités de près de 98% et 9 livrables sur 10 sont validés ou en cours de validation», a indiqué Saboni. Ce dernier a appelé, par ailleurs, ses inspecteurs généraux et les experts à se mobiliser pour la réalisation des travaux concernant les autres volets du projet, notamment «B» et «C» relatifs à l’élaboration des outils d’audit et le renforcement du professionnalisme des inspecteurs des Finances. Notons que pour le volet «B», 48% de l’expertise prévue aura été consommée pour une réalisation des activités de près de 38% et 6 livrables sur 11 sont en cours de livraison.
Les activités du volet «C», quant à elles, doivent démarrer ce mois-ci pour s’achever en juin 2014. Les travaux menés actuellement devraient permettre à l’institution d’attirer les meilleures compétences et de donner plus de visibilité à la carrière des inspecteurs généraux des finances. Comme en France, l’institution épaulera donc le gouvernement dans la définition des plans stratégiques pour les secteurs clés de l’économie nationale. Elle pourra même mener des missions d’évaluation de ces plans à la lumière des objectifs de départ. Mais cette mutation de l’IGF ne semble pas faire l’unanimité. Des observateurs estiment que la réforme, la vraie, à opérer est avant tout l’autonomisation de l’institution, placée actuellement sous la tutelle des Finances. «Ce corps d’inspection réalise depuis des années des rapports sur plusieurs entreprises publiques. Des documents qui n’ont jamais été rendus publics. Ce qui nous amène à dire pourquoi produire des rapports qui mobilisent un investissement en ressources humaines et financières dont le sort relève du mystère. C’est simple, il faut donc consacrer son autonomie car, étant placée sous l’autorité du ministère des Finances, l’IGF risque d’être influencée par la sensibilité politique du ministre», soutien Mohamed Meskaoui, président de l’Instance de protection des deniers publics.
Ce dernier fait allusion à l’article 7 du décret fixant les attributions de l’IGF qui dispose que « le ministre des Finances fixe le programme des travaux de l’Inspection sur proposition de l’Inspecteur Général, en tenant compte notamment des demandes de vérification qui seront présentées par les autres ministres ou par ses propres services». Pourtant, l’article 159 de la Constitution dispose que «les instances en charge de la bonne gouvernance sont indépendantes. Elles bénéficient de l’appui des organes de l’Etat ». Cette autonomisation serait hypothétique vu qu’en France, l’un des deux modèles pour le Maroc, l’IGF est placée sous l’autorité des ministres des Finances et du Budget. Ce qui ne compromettrait en rien son indépendance. L’une des valeurs ajoutées de l’IGF française, c’est qu’en dehors de ses attributions centrées sur le contrôle et l’audit, l’institution conduit des missions de conseil permettant de préparer directement la prise de décision publique. Pour Tarik Sebaï, avocat et président de l’Association de protection des biens publics, le plus important, c’est que le projet de réforme de l’IGF doit absolument prévoir l’obligation pour ce corps d’inspection de publier ses rapports au Bulletin officiel. «La Constitution consacre le droit d’accès à l’information. Du coup, il n’est plus question pour ce dispositif de garder confidentiels des rapports concernant la situation de la gestion des finances publiques. Je considère personnellement que le fait de produire des rapports sans les publier est une dilapidation des deniers publics. Tout simplement parce que l’IGF, en effectuant ces missions, dépense de l’argent public », tranche Sebaï.