25 Décembre 2013 À 13:56
Le marché mondial des croisières maintient le cap. Si l’été correspond à la haute saison pour cette activité, la demande reste également significative en cette période de fin d’année. Et que l’on se détrompe. Le voyage en croisière n’est plus un luxe réservé au happy few, c’est une niche qui tend à se démocratiser. Tout dépend évidemment de la destination. En tout cas, cette année le marché des croisières devrait enregistrer quelque 20,97 millions de passagers. Une estimation de l’Association internationale des compagnies de croisières. qui souligne que la Méditerranée rafle plus de 80% du trafic mondial de ces paquebots. Plus de 150 ports du bassin méditerranéen accueillent en effet les escales de 70 opérateurs.
Selon l’association Cruise Line International, la Méditerranée reste de loin la destination préférée des croisiéristes, d’où une opportunité à saisir pour le Maroc, qui occupe une situation géographique stratégique. Le Royaume figure depuis au moins 20 ans sur la carte des croisières. Mais maintenant que les navires se sont transformés en véritables villes flottantes, profite-t-il de ce business qui connait une croissance à deux chiffres depuis plus de 15 ans ? Selon le ministère du Tourisme, le Maroc reçoit en moyenne 450.000 croisiéristes par an pour 360 escales de paquebots. Le taux de croissance moyen atteint 9% depuis 2004. Le nombre de croisiériste est ainsi passé de 180.203 en 2000 à 454.650 en 2012. A lui seul, le port de Casablanca a reçu l’année dernière quelque 242.000 croisiéristes, soit une progression de 12% en un an. Et en 2013 ? D’après l’Agence nationale des ports, le Maroc a reçu, à fin septembre, 283.748 passagers.
Selon des voyagistes, le trafic de croisiéristes serait beaucoup plus important. «380 à 400 mille croisiéristes ont transité par Alizés Travel en 2013. Rien que la semaine dernière, le port de Casablanca a accueilli près de 12.000 passagers venus à bord de 4 paquebots», indique Jalil Madih, directeur d’Alizés Travel, un des opérateurs majeurs du secteur. A noter que ce sont les ports de Casablanca, Tanger et Agadir qui concentrent la totalité du flux. «Le port de Safi faisait beaucoup de trafic de croisières. Maintenant que les paquebots sont devenus très grands, les infrastructures disponibles sur place ne permettent plus une telle activité. Les pays invertissent massivement dans une infrastructure dédiée à ces géants des mers. Au Maroc, beaucoup de défaillances plombent cette niche. Les conditions d’accueil des croisiéristes ne sont pas adaptées», déplore Madih.
Avec sa stratégie portuaire, le Maroc envisage de passer de 453.000 croisiéristes aujourd’hui sur l’ensemble du pays, au double, voire le triple à l’horizon 2030. Si le Maroc passe à 1,5 million de croisiéristes, cela voudrait dire qu’il ferait à cet horizon, la moitié du trafic du port de son concurrent le plus proche : Barcelone. Celui-ci reçoit à lui seul pas moins de 2,4 millions de passagers. Il demeure la plaque tournante de toute la Méditerranée occidentale. Le Maroc est-il en mesure de relever un tel challenge ? «L’effet de proximité et la disponibilité de services adéquats joueront un rôle majeur dans ce développement, dans la mesure où les contraintes actuelles auront disparues (contraintes douanières ou fiscales, services aux plaisanciers, qualité des infrastructures et des équipements, synergie avec les autres filières du tourisme…)», est-il clairement souligné dans la stratégie portuaire 2030. Celle-ci admet également que le développement de l’activité de croisières nécessite la création de terminaux dédiés.Il nécessite avant tout une politique transversale, impliquant l’Intérieur, le Tourisme, le Transport et les structures de promotion. Les efforts doivent en effet converger. La construction d’une infrastructure adéquate, le développement de la logistique d’accueil, le transport ou encore la promotion de la destination Maroc ne relève en aucun cas d’une seule partie.
La reconversion du port de Tanger Ville est censée dynamiser le marché des croisières. Charnière entre l’Atlantique et la Méditerranée, la ville du détroit doit devenir un port de référence pour la croisière, en tant que port d’escale et de tête de ligne. La première phase des travaux du quai de croisières a été achevée début décembre après une année de travaux. Elle a concerné l’extension du terminal existant pour porter le linéaire total de quai à 350 ml. Montant de l’investissement : 80 millions de DH.«Le port de Tanger peut après cette première phase d’extension accueillir des paquebots pouvant atteindre 300ml de longueur. La deuxième phase, elle, permettra d’accueillir les plus grands paquebots du monde pouvant atteindre jusqu’à 360m de longueur», précise Hicham Kersit, directeur de projet au sein de la Société d’aménagement du port de Tanger Ville (SAPT).
«Selon l’étude de marché réalisée par la SAPT et le programme d’investissement arrêté, on ambitionne d’accueillir jusqu’à 700.000 croisiéristes par an à moyen terme», rappelle le directeur de projet de la SAPT. D’autres composantes du projet connaissent des avances notables. Outre la deuxième phase de l’extension des terminaux de croisière dont l’investissement est estimé à 100 millions de dirhams pour la réalisation de nouveaux quais, selon Kersit, il est également prévu d’acquérir de nouveaux remorqueurs pour faciliter les opérations d’accostage et d’évitage. D’autres investissements porteront sur le confortement et l’adaptation des ouvrages existants.
Au port de Casablanca, les conditions d’accueil des croisiéristes restent déplorables. «C’est un port de commerce, aucune infrastructure n’a été conçue pour la croisière. Les passagers débarquent sur des quais mal adaptés et surtout non sécurisés au milieu des terminaux commerciaux», nous déclare un agent de voyage. Même son de cloche auprès du directeur général d’Alizés Travel. «Il n’existe pas de quai dédié aux paquebots, ni de terminal de croisières, ni de gare maritime digne de ce nom.
A partir du 11 janvier, nous allons commencer à recevoir 250 croisiéristes par jour. Nous aurions voulu les recevoir dans de meilleures conditions». A en croire la stratégie portuaire 2030, cette situation devrait changer.La restructuration du port historique de Casablanca avec l’aménagement du môle Tarik pour la croisière (en complément d’un quai croisière le long de la digue qui pourra accueillir les plus grands navires jusqu’à 350 m alors que le terminal croisière Tarik sera limité à des navires de 250-300 m, ce qui représente actuellement le cœur de la flotte de croisière mondiale) permettrait de donner un nouvel élan à l’activité de croisière.
Casablanca connaît depuis plusieurs années un essor spontané des flux de croisiéristes. C’est en effet un point de passage d’une très grande majorité de ces navires qui sillonnent la Méditerranée. Ces touristes «de passage» quelle que soit la durée de leur séjour au Maroc, participent également au développement de l’activité hôtelière, de restauration et de commerce. C’est donc un marché à part entière. Le tout maintenant est de prendre le bon cap pour tirer profit de ce marché qui n’est pas près de s’essouffler.