Malgré la progres¬sion de leurs reve¬nus, les Français n'ont jamais autant épar¬gné depuis sept ans, une "épargne de précaution" sur laquelle ils préfèrent miser face à la hausse du chômage.
AFP
03 Janvier 2010
À 13:59
Au troisième trimestre, le taux d'épargne des ména¬ges atteint 17% des revenus, un record depuis la fin de l'année 2002 et un score rarement atteint au cours des dernières décennies puisqu'il faut ensuite re¬monter au premier trimes¬tre 1983 pour retrouver un tel niveau, selon les chif¬fres de l'Insee. L'équation est simple: entre juillet et septembre, les revenus dis¬ponibles ont augmenté de 0,8% et le pouvoir d'achat de 0,6%. Mais les dépenses de consommation sont loin d'avoir absorbé le surplus, avec une progression limitée de 0,4%. D'où un nouveau bond de l'épargne des mé¬nages, en constante hausse depuis un an.
Face à la hausse du chô¬mage et même s'ils ne sont pas directement touchés, les Français ont tendance à faire de "l'épargne de précaution", explique à l'AFP Eric Heyer, économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). A l'in-verse, entre 2002 et 2008, quand le chômage avait reculé, le taux d'épargne avait baissé, rappelle-t-il.
"Les consommateurs sont aussi des salariés, inquiets pour leur emploi. Ils consta¬tent que, dans leurs entrepri¬ses, investissement et dépen¬ses sont remis au lendemain. Ils vivent au quotidien la prudence de leurs em¬ployeurs", avance aussi Eric Bigot, du Credoc, cité dans Le Figaro.
Signe de leur précaution, les Français ont d'ailleurs plébiscité cette année les placements les plus sûrs, souvent moins rémunéra-teurs, comme le livret A et l'assurance-vie.
Autre facteur d'explication, la compensation de la baisse du patrimoine des ménages. "Avec la crise, les Bourses se sont effondrées et les prix immobiliers chutent. Les ménages se sentent moins riches et reconstituent" de l'épargne, estime M. Heyer.
Par ailleurs, avance Cyril Blesson, créateur des Ca¬hiers de l'épargne et écono¬miste de Seeds Finance, "vous avez un ralentissement très manifeste du crédit, qui fait mécaniquement remon¬ter l'épargne".
De quoi conforter la place de la France au classement des pays qui épargnent le plus, loin devant l'Allemagne (avec 9,7% à la fin du troi¬sième trimestre) et surtout les Etats-Unis où le taux de 4,7% en novembre fait figure de niveau relativement élevé par rapport aux habitudes américaines. La France incarne en effet un modèle où les ménages mettent de côté leurs écono¬mies quand l'Etat s'endette beaucoup, contrairement aux pays anglo-saxons tradi¬tionnellement marqués par un fort endettement des mé¬nages, rappelle M. Heyer.
Et la tendance ne devrait pas s'inverser durablement. Certains experts estiment certes que les ménages ont puisé dans leurs réserves en fin d'année, notamment pour payer leur nouvelle voi¬ture, dans le cadre du dispo¬sitif de prime à la casse. L'Insee mise ainsi sur un recul de 0,6 point du taux d'épargne sur la fin d'année 2009. Mais l'an prochain, ce taux devrait rester relativement stable, comme le prédit l'OFCE qui prévoit 16,8%.
Même constat pour Cyril Blesson qui mise sur 16,4%. Le chiffre, inférieur au troi¬sième trimestre, "voudrait dire qu'on a atteint un pic mais on reste à des niveaux extrêmement élevés", selon lui. "Et c'est une grosse menace sur la reprise", aver¬tit-il. Ces derniers mois, la France est sortie de la réces¬sion, essentiellement grâce à la consommation. Mais la hausse du chômage, la re¬montée prévisible de l'infla¬tion, à 1,2% selon Bercy, et la fin des dispositifs de re¬lance exceptionnels --comme certaines prestations socia¬les ou baisses d'impôts-- ris¬quent de peser sur les dépen¬ses des ménages.