14 Octobre 2012 À 11:46
Mohamed Oulkhouir : Mohamed Oulkhouir Avocat au barreau de Paris Associé Gérant CWA Morocco
Bio express
-Titulaire d’un DEA de droit syndical (Paris X Nanterre 2001) et d’un Magistère en droit social (Paris X Nanterre 1998-2001), Mohamed Oulkhouir conseille un nombre significatif de groupes industriels et commerciaux nationaux et internationaux en matière de relations individuelles et collectives de travail, de licenciements collectifs, d’audits et d’opérations d’externalisation. -Titulaire d’un DESS en contentieux et arbitrage (Paris V 2002), Me Oulkhouir assiste régulièrement ses clients devant les tribunaux français ou marocains.
Le Matin emploi : La conclusion d’un contrat de travail ne fait pas obstacle à l’insertion de clauses pouvant influer sur la durée de l’engagement, telle que la clause de dédit-formation. Qu’est-ce qu’une clause de dédit formation ? Le salarié peut-il refuser de signer un engagement de dédit ?Mohamed Oulkhouir : La clause de dédit formation est la clause d’un contrat de travail ou d’un avenant par laquelle le salarié s’engage, en contrepartie de la formation qui va lui être dispensée aux frais de l’entreprise, à : • rester au service de l’entreprise, après sa formation, pendant une durée minimale (Ce délai, librement fixé par les parties, peut varier entre un minimum de six (6) mois et un maximum de quatre (4) ou cinq (5) ans);• verser à l’entreprise, au cas où il la quitterait avant cette échéance, une somme convenue à l’avance à titre de remboursement des frais de formation. Ces clauses n’ont aucun caractère obligatoire et relèvent, comme le rappelle l’article 15 du Code du travail, de la plus stricte liberté contractuelle. En d’autres termes, aucune partie ne peut juridiquement l’imposer à l’autre. Il s’agit donc de trouver par la négociation un juste équilibre entre la protection des intérêts légitimes de l’employeur qui a consenti un investissement important et le maintien de la liberté contractuelle du salarié. Un salarié peut tout naturellement refuser de signer une telle clause de dédit formation et il ne peut, s’il est déjà en poste, être sanctionné pour ce refus. Pour être valable, la clause de dédit formation est subordonnée au respect de certaines formalités. Quelles sont les conditions de licéité de cet engagement ?Les clauses de dédit formation ne sont pas légalement encadrées. La licéité des clauses de dédit-formation est soumise au respect de plusieurs conditions de validité déterminées par la pratique et la jurisprudence et non directement par la loi. Pour être valable, une clause de dédit formation doit respecter les conditions de forme et de fond suivantes : -Condition de forme L’engagement du salarié doit faire l’objet d’une convention particulière conclue avant le début de la formation et préciser la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel ainsi que le montant et les modalités de remboursement à la charge du salarié (Article 19 du DOC). -Conditions de fond• Le coût de la formation doit entraîner des frais réels pour l’employeur au-delà des dépenses imposées par la loi ou éventuellement de la convention collective. La formation doit nécessairement faire l’objet de financements privés et doit porter sur les dépenses réelles supportées par l’entreprise.• La durée de l’engagement et le montant du remboursement ne doivent pas être «excessifs» (la contrepartie ne doit donc pas être trop élevée et ne pas être disproportionnée par rapport aux frais de formation engagés, ni la durée trop importante). La clause ne doit pas avoir pour effet de priver le salarié de sa faculté à démissionner. De ce fait, l’obligation de maintien dans l’entreprise exigée du salarié ne devrait par exemple pas pouvoir dépasser deux (2) ans pour un technicien après un stage de six (6) mois et quatre (4) ans après un stage de dix-huit (18) mois prodigué à un salarié cadre.• La rupture du contrat de travail doit être imputable au seul salarié.En cas de rupture anticipée ou de démission, quelles sont les obligations du salarié ?Sous réserve du respect des conditions ci-dessus, le salarié peut donc se voir réclamer le remboursement de la formation suivie. Toutefois, seul le coût réel de la formation peut être exigé. Ce coût peut prendre en compte l’inscription et les frais annexes.Dès lors, si le salarié qui a expressément accepté une clause de dédit-formation rompt unilatéralement le contrat de travail sans respecter les termes de cette clause, il devra supporter les frais de formation déboursés par l’employeur. L’employé, pris en charge par l’entreprise, peut-il négocier les termes de cette clause ? La clause, une fois négociée et signée, est opposable aux deux parties. La clause ne pourra être renégociée ou modifiée par voie d’avenant qu’avec l’accord des deux mêmes parties. Les collaborateurs d’une entreprise qui ont suivi une formation faisant l’objet de financements publics sont-ils concernés par cette clause ?La clause de dédit formation n’est valable que si elle concerne une formation non obligatoire financée par l’entreprise sur ses deniers propres.Quelles sont les différentes modalités de remboursement en cas de départ anticipé ?Les modalités de remboursement doivent idéalement être prévues par le contrat de travail ou l’avenant contenant la clause de dédit formation. La clause de dédit formation peut prévoir un remboursement forfaitaire ou bien un remboursement dégressif des frais de formation en fonction de la durée de l’engagement du salarié et du temps pendant lequel cet engagement aura été respecté. Il y aura alors réduction de l’indemnité au prorata du temps passé dans l’entreprise à l’issue de la formation. Le remboursement de cette somme par le salarié doit, en principe, être effectué à la rupture du contrat. En cas de refus du salarié de régler spontanément les sommes dues, l’employeur devra se tourner vers les tribunaux compétents pour faire valoir ses droits. Il est enfin possible à l’employeur d’effectuer à ses risques et périls une compensation dans le cadre du solde de tout compte. Toutefois, une telle compensation devra s’inscrire dans le strict respect des conditions légales et jurisprudentielles applicables en la matière.Que dit la jurisprudence ?Ces clauses sont en pratique très peu présentes dans les prétoires marocains. Confrontés à de pareilles clauses, l’objectif principal des magistrats sera selon nous de s’assurer: que la clause est précise et a bien été acceptée par les deux parties,que la clause constitue bien la contrepartie d’un engagement pris par l’employeur d’assurer une formation entraînant des frais réels au-delà des dépenses imposées par la loi, qu’elle n’a pas pour effet de priver le salarié de sa faculté de démissionner. Tels sont selon nous les principes qui guideront la réflexion des juges étant précisé que ces derniers ont la faculté de réduire le montant du dédit s’ils l’estiment manifestement excessif.