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Processus de gestion et de règlement des conflits

Le recours au juge n’est pas la seule voie pour mettre fin à un conflit. Des modes alternatifs existent et complètent les procédures judiciaires classiques. Généralement, l’expression « Modes alternatifs de règlement des conflits » (MARC) recouvre tout mécanisme permettant de trouver des solutions acceptables par des parties au différend en dehors des tribunaux.

∎ Abdelaziz Addoum

16 Septembre 2012 À 12:25

Ce sont des instruments de règlement des différends et des litiges nés de la relation de travail basés sur le droit et l’équité. Tous ces modes ont  pour point commun la présence d’un facilitateur de dialogue, soit un « tiers » neutre, distinct des parties en conflit, et dont le rôle est de faciliter le dialogue en vue de parvenir à des solutions acceptables par les parties au litige. Le recours aux MARC répond parfaitement aux besoins complexes et évolutifs du monde des affaires en général et des entreprises en particulier. Il s'agit de procédures moins onéreuses, rapides, efficaces, confidentielles et gérées de manière souple et flexible. À partir de cette conception générale, Abdelaziz Addoum, juriste et expert en relations professionnelles va nous définir avec plus de précisions ce que l’on entend par cette justice alternative ou consensuelle.


Le Matin Emploi : Quels sont les différents modes alternatifs de résolution des conflits dictés par la loi marocaine ?  Abdelaziz Addoum : Le droit marocain et la pratique ont consacré deux modes alternatifs de règlement des différends, à savoir la conciliation et l’arbitrage. Pour comprendre ce processus, il faut d’abord faire la nuance entre les conflits individuels et les conflits collectifs du travail. Le conflit individuel comme son nom l’indique met en cause un salarié et son employeur alors que le conflit collectif concerne plusieurs ou la totalité des travailleurs en précisant qu’un conflit individuel peut avoir des conséquences sur un ensemble de travailleurs comme une sanction prise à l’encontre d’un représentant des travailleurs ,dans ce cas on peut parler d’un conflit collectif. A- La conciliationLe conflit individuel soumis à l’inspection du travail dans le cadre de la conciliation peut déboucher sur une solution à l’amiable. Mais en cas d’échec du règlement du litige, il est soumis aux juridictions compétentes .En général 70% des conflits trouvent leur dénouement à ce niveau.Pour ce qui est des conflits collectifs, la conciliation se pratique en premier lieu au niveau de l’inspection du travail (l’inspecteur du travail ou le délégué du ministère selon l’importance du conflit). En cas d’échec de la conciliation partiellement ou totalement, le conflit est soumis à la commission provinciale de conciliation dans les délais prévus. Si la ou les divergences persistent entre les parties, le différend est transmis à la commission nationale de conciliation présidée par le ministre de l’Emploi ou son représentant. B- L’arbitrage L’arbitrage, en tant que mode alternatif de règlement des conflits collectifs du travail, est très répandu dans les pays anglo-saxons.Concernant notre pays bien qu’il y a eu par le passé des tentatives de mise en œuvre de ce mode de règlement par le biais du DAHIR du 19 janvier 1946 relatif à la conciliation et à l’arbitrage en matière de différends collectifs du travail, abrogé par le code de travail, ce mode alternatif n’a jamais été mis en œuvre.En général,  il est fait recours à l’arbitrage en cas d’échec de la conciliation devant toutes les instances de conciliation (l’inspection du travail, la commission provinciale de conciliation ; la commission nationale d’enquête et de conciliation)L’une ou l’autre commission peut soumettre le conflit à l’arbitrage, mais après accord des deux parties. Concrètement l’arbitre désigné examine le litige sur la base des éléments du dossier et des  alternatives formulées au cours du processus de conciliation. Il statue en droit dans les litiges de droit et en équité dans les conflits d’intérêts (revendications par exemple).En quoi la conciliation diffère-t-elle de la médiation et de l’arbitrage ? La conciliation diffère de la médiation en ce sens que la conciliation consiste à rapprocher le point de vue des protagonistes alors que dans la médiation, le médiateur fait des propositions aux deux parties. L’arbitrage dans les conflits collectifs demeure subordonné à l’acceptation par les deux parties de recourir à ce mode de règlement. De même que la sentence arbitrale est susceptible de recours devant la chambre sociale de la Cour suprême. Quelles sont les raisons majeures qui bloquent la mise en œuvre réelle de l’arbitrage en tant que mode de règlement des conflits collectifs du travail ?Trois raisons majeures bloquent la mise en œuvre réelle de ce mode de règlement des conflits collectifs du travail, à savoir le financement de l’arbitrage, les procédures et la formation des arbitres. Ce qui explique en partie le développement limité de l’arbitrage pour le moment.- Le financement de l’arbitrage. Trois modes de financement sont possibles à savoir :- Les charges et le coût de l’arbitrage supportés uniquement par les employeurs. Ce qui pourrait remettre en cause la neutralité et l’objectivité des arbitres traitant un litige opposant deux parties, qui ont choisi d’un commun accord ce mode de règlement des différends de travail.-Le cofinancement  de l’arbitrage par les deux parties : Même si cette solution présente l’avantage de responsabiliser les parties au litige dans la mesure où elles participent au financement de ce mode de règlement de différends et offre des garanties de neutralité et d’objectivité aux arbitres, elle présente aussi des inconvénients pour les salariés dont les moyens sont généralement limités.-Le financement public de l’arbitrage :  dans cette hypothèse, il n’est pas non plus juste de demander à l’Etat de financer un processus dont le choix relève de la libre volonté des deux parties, indépendamment du fait que les bonnes pratiques développées dans les pays précurseurs en matière d’arbitrage font supporter son coût par les parties concernées. Une réflexion collective devrait en toute logique permettre de dégager un consensus entre toutes les parties sur un mode de financement équitable, juste et efficace.- Les procédures - Tout en garantissant à ce mode alternatif de règlement des conflits collectifs de travail, souplesse et efficacité, il s’agit de fixer un minimum de procédures à respecter tels que les délais de convocation, le mode de notification, les délais de comparution, l’audition des parties, les expertises, les moyens de notification…- La formation des arbitres -La formation des arbitres est une condition de succès. Le recours à des ressources internes peut contribuer à la professionnalisation des arbitres sans occulter l’impact positif des apports de la coopération avec les pays anglo-saxons disposant d’une longue tradition dans l’arbitrage des conflits. Cette formation est, en effet, la garantie de la qualité, de l’objectivité et par là même, la crédibilité des MARC en général. Quel est l’impact de ce mécanisme sur la stabilité sociale au sein des entreprises marocaines ?Les entreprises font face à deux types de conflits sociaux : les conflits de droit et les conflits d’intérêts. Pour la première catégorie, il s’agit en général d’appliquer une ou plusieurs dispositions légales ou réglementaires, à l’origine du litige. Dans la deuxième catégorie, il s’agit de problèmes liés à des revendications ou de licenciements pour raisons économiques. Les solutions possibles reposent sur des compromis qui peuvent être construits avec la contribution d’arbitres expérimentés dans la gestion et la pratique des relations industrielles. Un arbitrage efficace et juste est garant d’une meilleure visibilité pour les entreprises et source de satisfaction pour les partenaires sociaux parce qu’il contribue à trouver des solutions pratiques à des problèmes liés aux relations de travail. A votre avis, cette pratique aura-t-elle un avenir prometteur au Maroc ?Le développement des  modes alternatifs de règlement des conflits dépend de deux facteurs :-le recours fréquent et délibéré des partenaires à ces modes de règlement et l’acceptation libre et volontaire de leurs résultats. -La mise en œuvre effective de l’arbitrage et la mobilisation des moyens nécessaires pour l’efficacité de son action. En géneral, les relations de travail deviennent de plus en plus complexes et requièrent une spécialisation des instances intervenant dans l’examen et le règlement des litiges de travail soit devant les instances judiciaires ou devant les instances de conciliation et d’arbitrage.

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 Abdelaziz AddoumCONSULTANT EN RELATIONS PROFESSIONNELLESFORMATEUR SUR LA PRATIQUE DU DROIT DU TRAVAIL

 

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