03 Mars 2013 À 13:32
L’externalisation RH ou Outsourcing consiste, pour une entreprise, à confier durablement à un prestataire externe la prise en charge partielle ou complète d'une application, d'un processus ou d'une activité de la fonction RH. Bien entendu, il est question de la sous-traitance d’activités ne correspondant pas au cœur de métier de l’entreprise. De son côté, le prestataire externe est censé offrir des capacités de production supérieures, une prestation de bonne qualité et à un coût maîtrisé, explique Mr Abdelhak Moutawakkil. Les objectifs recherchés par les entreprises à travers l’externalisation de certaines de leurs activités RH sont multiples et d’ordre économique et de performance de la fonction RH. Tout d’abord, elle leur permet de se concentrer sur des activités correspondant à leur « cœur de métier » et à forte valeur ajoutée ce qui améliore leur efficacité. Ensuite elle permet de capitaliser sur l’expertise du prestataire pour améliorer les performances du processus RH. Enfin, par la maîtrise des effectifs elle permet la rationalisation des coûts. Le point avec Abdelhak Moutawakkil, directeur général de Sup’RH.
Le Matin Emploi : D'après vous, quels sont les facteurs ou les approches qui favorisent l’externalisation RH ?Abdelhak Moutawakkil : L’externalisation est favorisée, voire dictée, par la recherche permanente d’une plus grande efficacité et d’une meilleure efficience de la part des entreprises.C’est le contexte global de l’entreprise qui crée ce besoin. En effet, ce contexte se caractérise de plus en plus par une concurrence exacerbée, une évolution technologique rapide et une législation de plus en plus complexe et contraignante qui font que l’entreprise doit en permanence rester flexible, centrée sur son cœur de métier et rechercher l’externalisation comme facteur de performance. En matière RH, le développement de nouvelles pratiques et de nouvelles technologies dédiées favorisent le recours à des prestataires qui les maitrisent et qui peuvent accompagner l’entreprise dans sa quête de la performance.Y a-t-il des risques inhérents à l’externalisation RH ?Oui, tout à fait. Toute opération d’externalisation comporte naturellement des risques. Ces risques doivent être, préalablement à la mise en œuvre de celle-ci, mesurés et circonscrits afin de ne pas mettre ultérieurement l’entreprise en porte-à-faux ou en danger. Les principaux risques inhérents à l’Outsourcing sont :La perte de compétences internes : en effet, à la longue, les compétences de l’entreprise dans le domaine externalisé risquent de se perdre du double fait de l’externalisation elle-même et de l’évolution des compétences et des technologies nécessaires pour la mise en œuvre de ces activités. Ceci pourrait donner lieu en interne à un sentiment de dévalorisation de la fonction en n’en conservant qu’une partie et qui risque de démotiver le personnel chargé de l’ensemble des activités RH. En cas de ré-internalisation de ces activités, le coût de réingénierie risque d’être élevé.La perte de contrôle de l’activité et l’accroissement de la dépendance vis-vis du prestataire. En effet, l’entreprise pourrait se retrouver en totale dépendance du prestataire et subir les contrecoups de sa désorganisation, ses déboires ou son manque de réactivité, ce qui affecterait durablement ses performances.La perte de proximité. Souvent, l’externalisation d’une activité, notamment RH, déshumanise les rapports entre les différents acteurs de l’organisation et constitue un facteur de complication et d’incompréhension dû à la multiplication des interlocuteurs et qui peuvent être extérieurs à l’entreprise, méconnaissant la culture de l’entreprise, les pratiques, spécificités et historique de l’organisation.L’affaiblissement du pilotage de la fonction RH. L’information issue de l’activité externalisée risque de se dégrader ce qui altère le système global d’information et risque de porter préjudice au pilotage de la fonction.Quels sont les points communs et les différences entre la sous-traitance et l’externalisation RH ?La sous-traitance est le contrat par lequel une entreprise confie à une autre entreprise la réalisation d’une partie de sa production ou de produits nécessaires à sa production. (Anglais : Contract manufacturing).La sous-traitance peut-être externe ou interne à l’entreprise. Dans le cas où l’entreprise fait appel à de la main d’œuvre pour réaliser des produits (ou parties de produits) ou des services à l’intérieur de l’entreprise elle est dite interne, et externe dans le cas où le travail de sous-traitance se fait à l’extérieur. Effectivement, si les termes «externalisation» et «sous-traitance» paraissent désigner des activités semblables, dans les faits et la pratique, ces deux notions ont des points communs et des points de différences.L’«externalisation» et la «sous-traitance» peuvent se rejoindre essentiellement autour de l’impact sur l’activité de l’entreprise et sur l’emploi, notamment par la possibilité donnée à l’entreprise de se consacrer à l’essentiel et aux activités à fortes valeurs-ajoutées et à l’optimisation des coûts par la maîtrise des effectifs.Cependant, je pense que dans la pratique, la sous–traitance est plutôt réservée aux métiers de faibles qualifications (personnel de nettoyage, gardiennage, entretien des espaces verts, personnel ouvrier, etc.) alors que l’externalisation est dédiée aux activités de niveaux de qualifications plus évolués.Quelles sont les activités RH les plus externalisées ? Pourquoi ?Aujourd’hui, l’externalisation des activités fait partie des dispositions générales des politiques de l’emploi des entreprises et des groupes soumis à la contrainte de baisse des coûts de production pour rester concurrentiels. De ce fait, l’Outsourcing en matière RH s’est généralisé et touche plusieurs activités, dont notamment les plus courantes: Le sourcing et le recrutement, la gestion de la paie, la gestion administrative du personnel, la gestion du temps de travail (pointage et traitement des données issues du temps de travail et des repos et congés), etc. la gestion de la formation, la veille et le conseil juridique en matière de droit social, etc.Ces activités font l’objet effectivement d’une externalisation fréquente car elles correspondent à des activités à faibles valeurs ajoutées pour l’entreprise ou «chronovores» ou de spécialisation pointue mais ne touchent pas ou peu aux domaines du développement RH, du développement des compétences, à la fidélisation des talents, à la gestion des carrières, à la préservation des relations professionnelles et du climat social, etc. activités qui relèvent de la responsabilité directe et souveraine de l’entreprise , qui doit garder la main dessus.Selon vous, quelle est la démarche à suivre pour externaliser la GRH ?Pour réussir l’externalisation de certaines activités RH, il me semble important d’emprunter une démarche rigoureuse qui pourrait s’articuler autour des axes suivants :› Valider le besoin d’externalisation et vérifier que son impact sur l’emploi et les performances de l’entreprise sont substantiels.› S’assurer de la maturité de l’organisation interne pour entreprendre une telle externalisation et la mobilisation interne des ressources humaines afin d’éviter une éventuelle résistance au changement.› Identifier le périmètre des activités à externaliser et définir les niveaux de service attendus et d’engagements de l’éventuel prestataire,› Elaborer un cahier des charges des prestations souhaitées qui soit le plus précis possible.› Sélectionner le meilleur prestataire possible sur la base d’un Appel d’offres ou d’une short-list préalablement définie. Dans ce sens, il s’agit de s’assurer du professionnalisme, de la disponibilité et de la compétence du prestataire ainsi que de ses «références» mais pas seulement. En effet, la «solidité» du prestataire et sa «durabilité» pour accompagner l’entreprise durant la période définie revêtent également une grande importance.› Anticiper et conduire le changement dans l’entreprise. En effet, je crois que ce serait une erreur de penser que la réussite de l’externalisation va de soi et que celle-ci dépend uniquement de la maitrise des facteurs exogènes. Les conditions internes de l’entreprise pourraient hypothéquer la réussite de cette opération. A cet effet, je pense qu’il serait judicieux de concevoir un plan de communication qui implique les représentants du personnel et favorise la mobilisation des «troupes» et l’accueil favorable du changement. Le nouveau partage des responsabilités et transfert de compétences vers le prestataire nécessiteront également et à coup sur la formation des collaborateurs et, éventuellement, le redéploiement des ressources internes.› Assurer le pilotage des activités par la mise en place d’un reporting efficace.› Garder la maitrise des processus. En effet l’entreprise devrait s’assurer de garder le contrôle et le savoir-faire opérationnels afin de reprendre la main sans hésitation en cas de besoin. Voilà, je crois que l’ensemble coordonné de ces actions contribuerait fort à la réussite de l’externalisation afin qu’elle atteigne ses objectifs.Quelle est l’étendue de l’externalisation de la gestion des ressources humaines dans les entreprises marocaines ? Ces dernières sont-elles conscientes de l’éventuel apport de cette pratique ?Tout à fait. Les entreprises marocaines à l’instar de leurs homologues dans le monde ne sont pas déconnectées de leur environnement et de ses exigences. Elles sont parfaitement au fait de l’apport de l’externalisation et de la sous-traitance pour l’amélioration de leurs performances. En réalité, le recours à l’externalisation et à la sous-traitance ainsi que leurs développements dépendent également et surtout de l’émergence d’une «Offre» de qualité. Dans ce sens, il faut souligner qu’aujourd’hui au Maroc, il existe une offre de très bonne qualité et qui a acquis ses lettres de noblesse en s’acquittant avec excellence de chantiers prestigieux. En effet, le nombre de cabinets de recrutement et/ou de conseils et de formation en mesure de prendre en charge une activité d’entreprise en externalisation est important. Du reste, pour plusieurs d’entres-eux, ils sont déjà engagés dans des partenariats de longues durées pour l’externalisation RH. Le développement récent de l’«Offre» et l’amélioration de sa qualité ont été favorisés par la mise en place de «Fonds» d’aide pour l’entreprise afin de l’accompagner dans sa mise à niveau et l’amélioration de ses performances. Que ce soit au niveau de l’ANPME ( Agence nationale de promotion de la PME), des GIACs ( Groupements interprofessionnels d’aide et de conseil) ou des CSF ( Conrats spéciaux de formation) ces cadres ont permis justement l’émergence d’une expertise nationale de qualité. Par ailleurs, le développement de cadres associatifs regroupant ces opérateurs, tel que l’ABCF (Association des bureaux de conseil et de formation) renforcent l’organisation de ces prestataires et la qualité de leurs prestations.