Réactivation du rôle du Conseil supérieur de la promotion de l’emploi

Regards sur l’emploi dans les centres d’appel

Au Maroc, à l’instar des autres secteurs porteurs de croissance économique, celui de la Relation client (RC) est ouvertement engagé sur la voie du progrès.

13 Juillet 2013 À 16:38

Depuis plus d’une dizaine d’années, les centres de la relation client à distance, plus communément appelés centres d’appels ou Call Centers connaissent un essor économique remarquable dans la mesure où ils continuent à produire et à créer des emplois. Autant d’atouts qui font de la destination Maroc un véritable Eldorado pour les professionnels maîtrisant parfaitement les défis du métier : tout d’abord le positionnement géographique du pays, une main-d’œuvre disponible et moins chère et ensuite des infrastructures dédiées à ce genre d’activités. Dans ce sens, d’importants efforts et réflexions en matière de structuration du secteur de la RC ont été fournis par l’État, notamment le plan «Émergence», véritable levier de croissance. Ce plan, couvrant la période 2009-2015, a pour objectif de définir un cadre de développement comprenant toutes les activités industrielles, y compris celles de l’Offshoring. À noter que la composante Ressources humaines est l’un des principaux facteurs de l’épanouissement de ce secteur à forte valeur ajoutée. C’est une vérité que personne ne peut nier. Le développement des compétences humaines est incontestablement une condition sine qua non pour assurer une compétitivité durable.

Dans cette perspective, l’État a aussi mis en place un dispositif d’aide directe à la formation au niveau de l’Offshoring. Ces aides concernent à la fois la formation à l’embauche et la formation continue. Dans le même ordre d’idées, le Programme national de formation aux métiers de la relation client, «Call Académie», créé conjointement par l’ANAPEC et l’Association marocaine de la relation client (AMRC)  ne déroge pas à la règle. Ce mécanisme a pour finalité de former les jeunes aux métiers de la Relation client. Il combine une mise à niveau en langue française et une formation en entreprise étalée sur neuf mois. À l’issue de cette formation, les bénéficiaires obtiennent un certificat reconnu par les professionnels du métier. Call Académie est un programme de formation de pré-embauche, qualifiante, certifiante, avec un dispositif d’insertion et  d’accompagnement professionnel dans une entreprise membre de l’Association.

Par ailleurs, en juin dernier, la ville de Marrakech a abrité la 10e édition du Salon international des centres de contact et d’appels au Maroc (SICCAM). Véritable rendez-vous d’échange entre opérateurs du secteur et clients nationaux et étrangers, ce salon a pour vocation, entre autres, de renseigner sur les dernières évolutions du secteur, s’informer sur les conditions de sous-traitance dans les centres d’appels, rencontrer des professionnels pour créer un centre d’appels, promouvoir une offre pour le secteur rechercher des partenaires… En conclusion,  malgré les efforts considérables entrepris, le monde de la RC  connait quelques «fragilités». Les acteurs concernés ont encore du chemin à parcourir et des défis à relever. Le point avec Mohamed El Ouahdoudi, organisateur du SICCAM et Philippe Broutin, directeur général Webhelp Maroc, qui nous livrent leurs impressions sur l’emploi dans les centres de la RC.

«La principale attente reste la nécessaire alimentation du secteur par des ressources humaines qualifiées, motivées…»

Mohamed El OuahdoudiPrésident du Salon international des centres de contact et d’appel au Maroc (SICCAM)

Le Matin Emploi : Pourriez-vous nous dresser un état des lieux du secteur de la relation client en matière de recrutement et de ressources humaines ?  Mohammed El Ouahdoudi : Au moment où je vous parle, des dizaines de patrons de centres d’appels se posent de sérieuses questions sur comment baisser le turn over de leurs centres, comment recruter pour leurs futures campagnes, ou tout simplement où trouver les ressources indispensables pour combler un déficit en postes de travail. La situation est préoccupante, dans la mesure où le secteur continue encore à créer de nouveaux postes, même si c’est en quantité inférieure par rapport aux années fastes du secteur. Ce n’est pas donc le moment de baisser les bras, je dis ça pour les pouvoirs publics qui sont sollicités sur des pénuries de ressources humaines un peu partout. On est déjà à près de sept centres d’appels basés au Maroc qui ont ouvert des filiales en Afrique subsaharienne pour compenser le manque d’effectifs, mais aussi, et surtout pour rechercher des optimisations financières devenues difficiles au Maroc. Quelles sont vos impressions sur les conditions du travail des télé-conseillers ?S’agissant des conditions de travail, on ne doit pas se satisfaire des impressions des uns et des autres. Il existe des outils de mesure et d’évaluation qui sont tout à fait fiables, déjà utilisés dans le monde entier, il faudrait arriver à les rendre obligatoires pour que le secteur des centres d’appels garde toujours de l’avance. Nous sommes en train de préparer un projet dans ce sens, il faut savoir que les centres d’appels professionnels disposent d’indicateurs de climat social et de satisfaction, sans quoi ils seraient bien en mal pour piloter leur entreprise. On ne s’en rend pas compte, mais les années passent, et les bâtiments qui étaient tout neufs ont besoin de réhabilitation, surtout pour les câblages, les mobiliers, les moquettes, les ordinateurs… En période de crise, il ne faut pas aller chercher des casques low cost qui abiment les oreilles des télé-conseillers ! Les conditions de travail c’est aussi un environnement en perpétuelle rénovation avec une maintenance irréprochable, la pratique du sport et d’activités de team building pour les salariés, et surtout des suivis médicaux rigoureux.  Quelles sont les répercutions concrètes de cette réflexion ? Comment améliorer la situation ?Lors du dernier SICCAM, le salon des centres de contacts au Maroc, nous avons entendu pour la première fois les témoignages de représentants de salariés qui se sont organisés en sections syndicales, et certains ambitionnent de se constituer en association à but non lucratif pour offrir des prestations sociales aux centres d’appels qui n’en disposent pas. Je suis pour ces initiatives qui sont portées par d’anciens ou d’actuels télés-conseillers, dont je salue l’esprit de solidarité avec leurs camarades, et leur prise de risque pour apporter un mieux aux conditions de travail. Les DRH du secteur ont tout intérêt à entendre ces initiatives pour que nos centres d’appels évoluent en écoutant les points de vue des uns et des autres. C’est aussi le moment d’entendre la voix des médecins du travail, ces derniers seront les invités du prochain SICCAM pour qu’on entre plus encore dans le détail des maladies professionnelles liées à l’activité de centre d’appels.

Quels changements constatez-vous en termes d’organisation du travail dans les centres d’appel ? Notre pays s’adapte bien aux évolutions du monde, les centres d’appels ont bien intégré tous les canaux de la relation client, et sont, à l’échelle africaine, les leaders. Mais nous avons d’autres progrès à accomplir, notamment sur le plan interne, en valorisant la relation client pour le consommateur local, ce qui offrira des possibilités d’emploi à des jeunes ne maitrisant pas les langues étrangères. Côté RH, quel type de management préconisez-vous pour les centres de la relation client ?Les centres d’appels sont des centres de profits, ils sont gérés pour que leur chiffre d’affaire puisse toujours laisser des marges confortables après paiement de toutes les charges, et récompense des performances des salariés. Ce principe universel s’applique donc aux centres d’appels, et demeure le garant de leur pérennité. Pour les prochaines années, je dirai que le management des centres d’appels devra être plus respectueux du dialogue social, de la diversité, et de l’innovation. Pour conclure, il est temps que les centres d’appels passent de la feuille excel pour planifier les temps de travail  à des outils professionnels de work flow , de travail collaboratif, qui apportent un confort inestimable dans les relations sur les plateaux, et facilitent la communication entre direction et agents. Sur quoi vos attentes portent-elles ? J’ai eu l’occasion à maintes reprises d’échanger avec les responsables du secteur au niveau gouvernemental, que je remercie pour leur écoute et leur disposition à répondre aux attentes. Je crois que tout le monde partage le constat sur l’essoufflement de l’offshore, sous le coup de la crise en Europe, mais aussi des relocalisations. D’où l’importance d’analyser cette situation de plus près. La principale attente reste néanmoins la nécessaire alimentation du secteur par des ressources humaines qualifiées, motivées, en nombre suffisant, et d’éviter une surenchère salariale qui peut être dangereuse pour le secteur. Paradoxalement, aux débuts de ce secteur, tout ce que comptaient nos villes de jeunes dynamiques et motivés étaient pris par les centres d’appels, les autres secteurs ne trouvaient plus de ressources. Aujourd’hui on a le sentiment que la roue a tourné et que les rôles se sont inversés ! Tant mieux qu’il y ait une concurrence de plusieurs secteurs sur nos lauréats, mais veillons à ce que des milliers de jeunes encore éloignés de l’emploi soient correctement formés pour que le Maroc garde toujours son argument majeur : disponibilité et qualité des ressources humaines partout dans le pays.

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