07 Décembre 2013 À 16:05
Partant d’un constat qui met les ressources humaines au cœur de toutes les stratégies organisationnelles, l’auteur tente de dresser l’état des lieux de la gestion des ressources humaines dans l’administration publique caractérisé par une absence de vision stratégique du management du capital humain et en examinant les mesures mises en place pour y remédier. Il s’agit là, selon l’auteure, de deux grands types de tentatives de réforme : des tentatives menées sur un plan global (décidée par l’État) ou celles d’adaptation sectorielle (qui reflètent des initiatives séparées qui ne sont pas nécessairement généralisées). L’auteure évoque également les difficultés qui handicapent la bonne gestion managériale et cite le système de gestion des collectivités territoriales comme exemple révélateur de la résistance au changement de la culture administrative.L’ouvrage débouche sur la nécessité pour le Maroc de promouvoir une administration publique de proximité, équitable, juste, efficace, socialement responsable et respectueuse du citoyen, de l’entreprise et de tous ses usagers ; une administration imprégnée des valeurs de la bonne gouvernance qui valorise son capital humain en faveur de la performance organisationnelle. Amal Rafai revient avec nous, sur les grands axes de son ouvrage «La gestion des ressources humaines dans la fonction publique au Maroc - Approches et stratégies».
Le Matin Emploi : Tout d’abord, pourquoi le choix de ce sujet ?Amal Rafai : Le sujet me parait crucial du moment que les chantiers de réformes ouverts par le Discours royal du 9 mars 2011, interpellent nos décideurs politiques pour un meilleur modèle de développement dont le capital humain constitue la clé de voûte. Puisque notre pays traverse un moment particulier de son histoire avec la nouvelle constitution et les ambitions d’une régionalisation avancée, j’estime qu’il est opportun de soulever cette problématique qui se trouve au cœur des réformes majeures que le Maroc est appelé à mener tambour battant. Précisément, c’est à travers une bonne gestion des ressources humaines que notre administration pourrait être l’instrument garantissant l’implémentation des politiques envisagées dans un environnement en perpétuelle mutation, marqué surtout par les exigences de la mondialisation, la crise économique, la compétitivité internationale, les besoins grandissants des citoyens ainsi que les impératifs de la bonne gouvernance. Cette réflexion critique et prospective sur la question du management des Ressources humaines et les conditions de mise en place d’une gouvernance réussie devrait, me semble-t-il, s’inscrire en priorité dans l’agenda politique de notre pays.
Peut-on définir les principales problématiques de la GRH dans la fonction publique marocaine ?D’abord, j’aimerais souligner que la problématique de la GRH n’est pas ressentie dans les mêmes proportions chez les différents départements de l’État. Cela dépend des missions et des spécificités propres à chaque ministère. Néanmoins, à une vaste échelle et à travers un diagnostic objectif et pertinent des aspects les plus saillants de la gouvernance des RH, on peut dire que l’administration publique marocaine souffre de dysfonctionnements au niveau de la gestion de la carrière du fonctionnaire, en tant qu’individu, et au niveau de la gestion dans l’administration publique en tant que structure.Avec plus de précision, on peut énumérer certaines défaillances qui entachent le management au niveau des aspects suivants :• Recrutement anarchique et inefficace. Les besoins en recrutement ne sont pas définis sur la base d’une analyse précise et d’anticipation des emplois (et effectifs) et des compétences de chaque administration.• Mobilité réduite et lente : à cet égard on constate que le système administratif marocain ne tient pas compte du redéploiement et se limite malheureusement à une mobilité uniquement géographique.• Motivation quasi inexistante à cause d’une notation inéquitable ; à cause de la mobilité rigide et aussi à la rémunération restreinte.• Système de contrôle limité à la régularité par manque d’une démarche d’évaluation des compétences et des performances.Quant aux défaillances structurelles, l’organisation du travail dans le secteur public ne permet pas de valoriser les compétences et doit être revue pour s’adapter aux nouvelles méthodes et pratiques pour une meilleure gestion managériale des ressources humaines. La fonction publique échoue, par ailleurs, sur les différents critères de gestion managériale :• Une communication bloquée qui dénote d’une implication limitée du personnel dans le processus de décision et de gestion.• Une centralisation excessive où l’essentiel des pouvoirs de la fonction publique est conféré à un niveau central. • L’inégal accès à l’emploi et l’inégal traitement du personnel à l’intérieur du service public. • Et finalement au niveau de la performance, un manque patent d’une gestion axée sur le résultat.
Y a-t-il des points de similitude ou de divergence avec les pratiques RH dans le secteur privé ?Pour établir un bon système de management des ressources humaines l’approche préconisée dans mon livre est, justement, de s’inspirer des expériences du secteur privé qui se révèle pionnier en matière de GRH, ainsi que des systèmes administratifs des pays développés. Si on prend le cas des membres de l’OCDE par exemple, on constate qu’il existe un rapprochement du Management public des RH de celui du privé. On peut également, noter une adoption du Management de proximité par la décentralisation et l’octroi des pouvoirs de décision en matière de gestion des personnes aux managers de proximité. Aussi, l’idée d’évaluation des performances est devenue au cœur de la GRH publique. Tous ces modes de gestion sont désormais des pratiques courantes et efficaces constatées, de manière plus prononcée, dans les États anglo-saxons à telle enseigne que certains experts parlent d’une tendance vers une «anglo-saxonisation» de la GRH.
Vous insistez sur le principe de la gouvernance, comment, à votre avis, une meilleure GRH peut-elle contribuer à renforcer la gouvernance dans l’administration publique ?La GRH est un élément prépondérant dans le nouveau mode de gouvernance publique, car le monde de la GRH est par nature, un monde multidimensionnel où se mêlent le juridique et l’extra juridique, à savoir : le relationnel, le politique, l’économique, voire le culturel et le psychologique. Cette fonction GRH interpelle à la fois les responsables en tant qu’acteurs de la gouvernance, et les administrés en tant qu’objet de celle-ci. Si le Maroc souhaite relever les défis de demain, il devra passer d’une gestion administrative basée sur la régularité et le respect des lois, à une démarche managériale tout en prenant en compte les aspects politique et sociale où l’objectif principal est de réaliser de grandes performances de la part de son Administration dont le capital humain constitue l’élément clé.